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Comme Saadane. C'est partout. Tous les Algériens, sauf ceux qui ont quelque
chose à faire vraiment, ressemblent à Saadane ces jours-ci. Un nombre
incalculable d'Algériens ont désormais l'âge exact et indécis de 64 ans. Comme
Saddane, beaucoup d'Algériens ne savent pas quoi faire après le retour de
l'Afrique du Sud. Ne savent pas s'il faut travailler, prier, aller, revenir,
rester, s'assoir, se pencher, s'écraser ou s'occuper ou raconter la vérité ou
ne rien dire ou dire qu'on est là ou tirer un bilan ou se fixer sur ce même
bilan. D'ailleurs, comme Saadane, énormément d'Algériens ne savent pas s'il
faut se féliciter ou se lamenter sur les zéros en Coupe du Monde. Est-ce une
victoire nulle ? Une défaite vide ? Un nul heureux ? Une victoire grimaçante ?
On ne sait pas. Comme Saadane, tout le monde a expliqué qu'il va prendre
quelques jours pour se décider. D'ailleurs, comme Saadane, les Algériens
suivent désormais la Coupe du Monde à la télé. Sélectionnent les joueurs en y
pensant. Refont les matchs en dormant. Corrigent des erreurs après la fermeture
des stades.
D'ailleurs, l'avez-vous remarqué ? La ressemblance de beaucoup, beaucoup d'Algériens jeunes ou pas avec Saadane est frappante. Tous les Algériens marchent lentement, s'assoient en y mettant des années, ne disent rien ou la même chose même pour commenter la découverte de la vie dans le cosmos, tiennent tête à une étrange fatalité mais sans oser le bras de fer avec elle. Tous les Algériens s'habillent en kawi, ont un proche qui s'appelle Djelloul et qui parle à leur place quand ils rencontrent des Anglais, répondent avec des explications longues mais étrangement conformes à rien, ont des bras ballants, des yeux grands qui inspirent la tendresse mais ne provoquent pas des buts, marchent avec le calme de l'au-delà et ont la modestie des gens qui descendent des escaliers. Un curieux effet de collusion des molécules du corps de l'un avec la peau de tous. Comme Saadane donc, énormément d'Algériens ne savent plus quoi faire avec leurs mains après la défaite de leurs pieds. Il faut aussi se rappeler qu'avant les matchs et surtout après les défaites, tous les Algériens sont des entraîneurs, commentateurs, analystes, remplaçant Capello et supporters. Tout le monde est Saadane quand Saadane est assis. La différence ? Il faut être juste : cet homme est capable de soulever un pays ou de le déposer sur un trottoir à Pretoria, contrairement à beaucoup d'Algériens. C'est l'haltérophilie qui distingue le plus les capacités extraordinaires de cet homme. Et c'est peut-être là le problème : on se trompe de sport en se trompant d'entraîneur. Bien sûr que ce n'est que de l'humour. Pour le reste de ce qui a été dit plus haut, c'est quand même vrai : la ressemblance physique entre cet homme et toute une génération après le retour de la Coupe de l'autre monde est frappante. |
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