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L'exception
américaine, lorsqu'elle devient endémique, est un tsunami à éviter. La
compagnie pétrolière BP est en train de s'en rendre compte.
Le désastre environnemental qui détruit les communautés côtières du Golfe du Mexique et qui tue la vie sous-marine est une tragédie globale. BP doit assumer une grande part des responsabilités. Tout comme le devrait les sociétés américaines tel que Transocean et Halliburton, puisqu'elles participaient à cette maudite entreprise. Mais leur nationalité semble les avoir protégé. La responsabilité sociale de BP est énorme. Comme l'était déjà celle des sociétés américaines qui ont provoqué la catastrophe chimique de l'usine Union Carbide à Bhopal en Inde (3000 morts dans un premier temps, puis 15 000 décès supplémentaires dans les années qui suivirent), et de ceux qui causèrent l'accident de la plate-forme pétrolière Piper Alpha, qui entraina la mort de 167 personnes en mer du nord en 1988. On sait ce qu'est le péché d'entreprise aux Etats-Unis. Avant d'attaquer le prétendument étranger BP, les responsables politiques américains devraient peut-être se poser un moment pour réfléchir aux liens intimes entre politique et industrie pétrolière aux Etats-Unis. Ils constituent sans aucun doute la raison principale du laxisme de la règlementation des forages pétroliers en haute mer. Rien de tout cela n'excuse les erreurs d'ingénierie de BP et sa communication publique sordide. Et je ne voudrais certainement pas minimiser l'horreur de ce qui s'est passé. Mais cela nous rappelle que, alors que les Etats-Unis sont à bien des égards la société la plus globalisée au monde, elle peut se montrer incroyablement insulaire et nationaliste. Les Américains n'ont pas une bonne connaissance de ce qui se passe en dehors de leurs frontières ; leur vision du monde est souvent très schématique. Les Américains identifient BP comme étant une firme britannique, et ils savent que la Grande Bretagne est en Europe. Il leur semble aussi que l'Europe s'est effondrée. Sa monnaie s'effrite comme ses vieux immeubles. C'est une relique historique, fichue mais qui fanfaronne encore. L'Europe, comme BP, a son lot de problèmes. Mais nous ne devrions pas autoriser les politiciens américains qui ne possèdent même pas de passeport à nous envisager avec cette même condescendance que certains Européens réservaient à l'administration et à la politique du Président George W. Bush. L'Union Européenne, avec tous les malheurs de l'euro, demeure la plus grande économie du monde. Elle plus grande que celle de l'Amérique, presque deux fois celle de la Chine et entre quatre à cinq fois celle de l'Inde. L'UE est le plus gros marché commercial au monde et elle accusé l'arrivée de la Chine sur les marchés globaux bien mieux que les Etats-Unis et le Japon. Dans la décennie qui a suivi 1999, la part de la Chine dans les exportations mondiales est passée de 5,1% à 12,4%. La part du Japon est tombée de quatre points, et celle de l'Amérique de près de sept points, de 18% à 11,2%, tandis que la part de l'Europe n'a chuté que de 2,4 points de 19% à 16,6%. L'Europe a le meilleur résultat environnemental de toutes les grandes puissances ; elle est le plus grand pourvoyeur d'assistance au développement pour les pays pauvres, et est politiquement stable. Le problème de l'Europe est en partie ce qu'elle croit être sa plus grande réalisation. Les Européens pensent que nous avons la meilleure qualité de vie au monde, une combinaison de liberté et de solidarité sociale. La démocratie sociale va de pair avec le pluralisme, l'autorité de la loi et une civilisation ancestrale. La suffisance de notre autosatisfaction entrave notre capacité à entreprendre les changements nécessaires pour maintenir nos standards et notre qualité de vie. Notre sens du droit acquis est bien plus fort que notre capacité à en payer le prix. C'est pourquoi tant de pays européens sont confrontés aujourd'hui à des déficits publics d'une telle ampleur ; et, compte tenu de la baisse des naissances et du vieillissement de la population, il est à prévoir que les taux de croissance de l'Europe resteront encore loin derrière ceux de nos concurrents dans les années à venir. L'introduction de l'euro était sensée stimuler les économies européennes les moins dynamiques et les moins compétitives, principalement au sud du continent, réduire leurs coûts et relancer leur compétitivité. Ces économies devaient à terme converger avec les économies plus efficaces et mieux gérées, comme l'Allemagne. Rien de tout cela n'est arrivé. L'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Irlande, en particulier, ont laissé la faiblesse des taux d'intérêt qui ont accompagné l'introduction de l'euro alimenter leur prospérité respective. Plutôt que d'instituer des réformes structurelles, ils ont laissé libre cours aux salaires et aux dépenses, ce qui a affaibli leur compétitivité par rapport aux économies européennes les mieux gérées. L'écart entre l'Espagne et l'Allemagne en terme de rentabilité est probablement supérieur à 20%. C'est ce genre de crise à laquelle l'Europe est confrontée. Comment pouvons-nous encourager les réformes qui ramèneront les dépenses publiques à des niveaux abordables et relancer notre compétitivité à l'international ? Nous devons ouvrir notre marché unique aux services et à l'énergie, modifier nos retraites généreusement inabordables, investir plus dans la recherche et le développement, réformer nos universités et investir dans les industries pourvoyeuses d'emplois d'avenir, comme les technologies de l'environnement. Cette exception européenne ? l'idée que nous étions les meilleurs pour garantir les valeurs et la prospérité ? est autant un problème que celle des Etats-Unis. Nous ne pourrons prospérer à l'avenir en nous reposant sur nos succès d'antan. Bienvenus au 21ème siècle. Les Européens doivent s'y adapter, se montrer digne des défis qu'il propose et nous mesurer à la concurrence des puissances émergeantes. Nous ne pouvons continuer à vivre dans le passé, aussi magnifiques que ses reliques puissent être. Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats * Ancien Commissaire aux affaires étrangères de l'UE, est l'actuel Président de l'université d'Oxford |
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