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«La plus grande dévotion ne saurait empêcher que les affaires soient les affaires».De Gaulle Si l’espace politique algérien semble, par de nombreux versants, échapper à des normes basiques, consensuelles et modernes qui caractérisent des pays classés premiers selon des canons universels de démocratie, les espaces culturels, sociaux et économiques sont eux aussi forcément marqués du sceau du «spécifique». Ce dernier, indéfini et difficilement définissable, s’alimente d’aliments et de breuvages eux aussi impossibles à définir et surtout à inscrire dans une démarche cohérente, légitimée par le plus grand nombre et validée par des expertises nationales croisées et surtout indépendantes. Les approches, les annonces faites publiquement s’avèrent assez rapidement mouvantes, sinon contredites ou annulées le lendemain de médiatisations parfois outrancières, sentimentales ou souvent improvisées. Le récent départ du groupe Emaar illustre, parmi d’autres exemples et faillites frauduleuses, la gouvernance chaotique de certains démembrements de l’Etat et les contradictions visibles et audibles à l’intérieur de sphères censées gouverner dans le calme, la réflexion, le débat et l’ouverture sur les élites qui ont un point de vue. Annoncés comme l’apport de «pays frères», comme si la fraternité avait un sens pour d’énormes intérêts qui n’ont ni religion, ni ami, ni langue et encore moins de nationalité lorsqu’il s’agit de dividendes, les investissements émiratis se sont avérés être des mirages. Comme ceux que produit le désert pour le voyageur égaré, les mirages chiffrés à 30, puis 25 et ramenés enfin à 5 milliards ont disparu en même temps que sont nées des polémiques sans aucune importance. Ces dernières portent sur la responsabilité de l’investisseur émirati et sur les dédales devenus une spécialité de la bureaucratie algérienne. Et si chacun, à travers des réflexes de sous-développés, renvoie la balle à l’autre, le résultat et les causes relèvent plutôt du simple, du connu en terre arabo-musulmane. Les deux parties ont fait des annonces, avancé des chiffres sans avoir au préalable étudié sous tous les angles ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, pour ensuite communiquer du vrai, du faisable, du négocié définitivement. Mais la tentation de faire croire au mouvement perpétuel génère de la précipitation et des gesticulations «fraternelles» mais néanmoins stériles. Des annonces fort nombreuses lancées par des responsables à divers niveaux sont toujours là où elles ont été lancées, en l’air. Il s’agit de la «dhahira» des bidonvilles qui est un des thèmes sortis des cartons de temps en temps, et aussitôt remisé car il s’agit d’un sujet problématique, dit politique, car il relève du social, de l’ordre et de l’hygiène publics. Qui peut aujourd’hui autoriser la publication de la cartographie des bidonvilles qui ne sont pas des logements précaires mais des bidonvilles ? La terminologie peut être tronquée, sans effacer des réalités vécues mais oubliées des médias publics qui peuvent, avec la combinaison du son et de l’image, donner à voir et susciter de l’action planifiée devant la misère. L’après-pétrole ! Voilà encore un slogan doublé d’un mirage très souvent inscrit dans des discours, lors de conjonctures, avec le seul objectif qui consiste à faire croire qu’on y pense, qu’on y travaille et que l’après-pétrole est inscrit comme une stratégie vers laquelle tendent des synergies pensées, conçues, planifiées et rendues publiques selon un calendrier, des budgets et des projets mûrement débattus dans la société, dans les médias lourds, au Parlement, etc. Or, la réalité est tout autre. Les journaux télévisés européens nous montrent régulièrement les avancées de pays qui veulent se libérer de notre pétrole et qui savent qu’il n’est pas durable. Des paysans savants expliquent beaucoup mieux qu’une armée de directeurs algériens de l’agriculture la pluviométrie et les économies faites avec de l’énergie solaire au-dessus d’une ferme, en plus de la protection de l’environnement, et de l’électricité vendue à la Sonelgaz de chez eux. Les énergies nouvelles existent, des entreprises et des gouvernements s’y mettent à travers le monde. Il est facile aujourd’hui, en Algérie, d’organiser un grand débat entre des experts étrangers et algériens, en présence de décideurs et d’industriels, pour coucher sur papier toutes les pistes qui mènent à l’après-pétrole. Les quantifier, évaluer les financements, les économies, les retombées sur l’environnement, l’urbanisme et planifier leur mise en place seraient des étapes déterminantes, une fois l’après-pétrole socialisé et balisé dans la tête des gens et des gros consommateurs d’énergies fossiles, donc préparés pour d’autres énergies. Mais les paradoxes locaux ont des voies impénétrables, sinon impraticables. Le projet Nakhoil est tombé à l’eau ! Ce qui est une façon d’écrire ou de dire car des Algériens manquent toujours d’eau. La société Oasis devait fabriquer du bioéthanol à partir de palmiers dattiers, mais a dû renoncer à cause du «refus du ministre de l’Energie», selon le PDG de l’entreprise Oasis. Qu’en est-il vraiment, sachant l’opacité nationale, l’absence d’informations fiables et de débats sérieux sur la question ? La réalité est que la protection et l’embellissement de l’environnement dans lequel vivent et travaillent des ministères, des entreprises, des universités, des hôpitaux, des écoles ne sont nulle part inscrits comme des axes d’une stratégie structurante au service du développement et de la croissance. A l’évidence, un pays qui n’arrive ni à contrôler ni à expliquer qu’un importateur étranger fixe régulièrement des augmentations pour le prix de vente des journaux étrangers, peut difficilement s’aventurer sans gros risques face aux requins des multinationales, y compris celles appartenant à des ressortissants de «pays frères». La flambée du prix du ciment et la mainmise sur ce produit par un monopole venu d’ailleurs prouvent qu’il n’y a de frères que par la descendance et le test ADN. A un autre niveau, la jeunesse algérienne se «découvre» africaine le temps d’un festival. Un autre mirage de courte durée ! Cette africanité est-elle enseignée dès l’école, dans les médias lourds, à la mosquée, par des associations ? Hélas non : elle se résume à des actions et activités diplomatiques qui sont plus un héritage qu’un ancrage-repère planté chaque jour. Le racisme ordinaire anti-noir ne sera pas éradiqué au bout de quelques jours d’un festival. Et les souhaits émis par des artistes, des écrivains, des associations et la presse autour de projets communs aux pays africains se heurtent aux dures réalités politiques, économiques et culturelles à l’intérieur de chaque pays du continent. Et l’absence de la culture, des artistes et des créateurs d’un pays pourtant «frère» (le Maroc) sonne le réveil de tous les doux rêveurs qui croient que le Panaf peut déclencher ceci et cela. Fasse le ciel que la manifestation ne soit pas un autre mirage de plus ! Fasse le ciel que les danseuses venues d’Afrique ne soient pas un mirage vite effacé par les déguisements afghans, wahhabites, chiites et autres attributs folkloriques. |
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