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El Bachir conforté par le syndicat des chefs d'Etat africains

par Kharroubi Habib

L'on a dit de l'Organisation de l'unité africaine, ancêtre de celle qui se veut aujourd'hui l'Union africaine, qu'elle était le syndicat des chefs d'Etat du continent. Rien n'a changé avec sa disparition et son remplacement par l'UA. Quand l'un des leurs est en délicatesse avec la communauté internationale pour des raisons qui peuvent à un moment ou à un autre être invoquées en tant que chef d'accusation contre la plupart d'entre eux, les chefs d'Etat africains se serrent les coudes et font monter au créneau l'Union africaine pour assumer sa défense.

Nous en avons eu l'exemple quand le président zimbabwéen, Robert Mugabe, a été mis sur la sellette pour son refus de quitter le pouvoir suite aux deux défaites qu'il a essuyées dans son pays aux scrutins législatif et présidentiel. L'Union africaine fait actuellement bloc avec le président soudanais, Omar El Bachir, sous le coup lui d'un mandat d'amener lancé par le Tribunal pénal international, motivé par l'accusation de crime de guerre et génocide perpétrés dans la région du Darfour. Dans les deux cas, pour ne citer que ceux-là, les chefs d'Etat africains ont opté pour une solidarité sans faille avec leurs pairs incriminés par réflexe de réaction préventive à des avanies à venir dont ils pourraient être les cibles.

Il ne faut pas croire pourtant que l'attitude de ces dirigeants africains fasse l'objet de la réprobation unanime de leurs opinions nationales respectives. Et cela pour la raison que ces opinions sont partagées sur la valeur morale de l'indignation et des initiatives qui sont celles de la communauté internationale. Elles leurs apparaissent en effet, à tort ou à raison, sélectives et chargées d'arrière-pensées sans rapport avec la seule défense de la démocratie et des droits de l'homme. De fait, le comportement de la communauté internationale est sujet à remise en question dès lors qu'il est avéré qu'elle pratique la politique des deux poids deux mesures dans ses indignations et sa détermination à sanctionner les mêmes pratiques et crimes dont le continent africain n'est malheureusement pas l'unique théâtre. Robert Mugabe et Omar El Bachir, pour s'en tenir à ces deux exemples, ne seraient pas défendables aux yeux des opinions africaines et arabes si, par ailleurs, la communauté internationale avait réagi avec la même fermeté et la même rigueur sur d'autres affaires internationales dont les protagonistes se sont rendus coupables des mêmes méfaits reprochés aux deux potentats africains.

Les chefs d'Etat africains exploitent sans vergogne le sentiment de rejet qu'expriment leurs opinions publiques au constat d'une justice internationale agissant à géométrie variable, selon que ceux qui en sont passibles pour des crimes identiques sont les représentants d'un Etat faible et sans relais puissants pour leur assurer l'impunité ou d'un Etat disposant de ces appuis.

La prise de position de solidarité avec Omar El Bachir exprimée par l'Union africaine provoque la répulsion. Mais cela n'exonère pas la communauté internationale du cynisme dont elle fait preuve dans les siennes s'agissant des atteintes aux droits de l'homme quand elles sont commises par des acteurs qu'elle a décrétés intouchables selon des critères qui n'ont rien à voir avec l'innocence et le droit international dont elle se prétend la garante.