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Indécence

par K. Selim

Hendrik Verwoerd, architecte du «développement racial séparé», plus connu sous son appellation d'origine d'apartheid, a des émules. L'ancien Premier ministre afrikaner avait mis en oeuvre les théories racistes d'inspiration nazie en suscitant la réprobation quasi unanime de l'opinion mondiale. Verwoerd est notamment l'inventeur des bantoustans, ces pseudo-Etats sans souveraineté, où devaient être parqués sous surveillance étroite les Noirs dont la très blanche république sud-africaine ne voulait pas. Aucun de ces bantoustans ne bénéficia de la moindre reconnaissance internationale.

Plus de quarante ans après la disparition de ce personnage et dix ans après la fin de la dictature blanche dans ce pays d'Afrique australe, ses idées retrouvent une nouvelle jeunesse avec la sentencieuse approbation des démocraties occidentales. Le discours du Premier ministre israélien a fait renaître le même concept d'un Etat démilitarisé et sans souveraineté destiné à recevoir des populations autochtones indésirables. L'Etat palestinien «alloué» par Israël ressemble trait pour trait aux Etats croupions dont rêvaient les racistes afrikaners.

Loin de provoquer l'indignation des dirigeants occidentaux, la proposition indécente de ce Premier ministre d'un Etat confessionnel et expansionniste a été, au contraire, accueillie avec enthousiasme. Les appréciations positives et les commentaires élogieux, de Barack Obama à Bernard Kouchner, se multiplient, amplement relayés par des médias très complaisants. C'est à peine si l'on ose déplorer, en chuchotant presque, le refus du leader israélien de mettre un terme à la colonisation illégale.

La proposition indécente de Netanyahu a fait sortir la pauvre Autorité palestinienne de son silence contrit, mais n'a pas provoqué de réactions sérieuses de la part des pays arabes «modérés». L'Autorité palestinienne a découvert qu'il n'y a pas de négociations possibles, alors que le Hamas a relevé la nature raciste du discours du dirigeant israélien.

Les mânes du docteur Verwoerd doivent souffrir de la comparaison : l'opposition internationale à son abjecte politique était constante, puissante et déterminée. La solidarité africaine avec la lutte des Noirs sous le joug de l'apartheid était, y compris de la part d'Etats alignés sur les anciennes métropoles, incomparablement plus effective. De ce point de vue, les Israéliens sont bien mieux lotis que leurs inspirateurs et jouent sur du velours face à des Etats disposés à toutes les compromissions.

Les Arabes «modérés», les «réalistes», ceux qui ne cessent, comme Netanyahu, de parler de «menace perse», ces parangons de l'arabité sont dans une logique de reddition en rase campagne. Au discours de guerre d'Israël, ces Etats n'opposent aucune résistance - le mot est banni - mais se livrent à des contorsions affligeantes. L'Egypte sollicite l'intercession miséricordieuse de l'Amérique relookée, alors qu'Obama, totalement dans la combine, n'hésite pas à qualifier les propos haineux de Netanyahu d'«important pas en avant».

Il faudrait faire preuve d'une impudeur sans limite pour continuer à détourner l'attention vers des leurres et principalement vers l'Iran. Les appréciations hypocrites des Occidentaux sur le discours de Netanyahu traduisent tout simplement la constance d'un soutien occidental à l'oppression du peuple palestinien. Il est vrai qu'ils jouent sur du velours : le long coma arabe n'est pas près de cesser.