Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Université algérienne : heures supplémentaires et bricoleurs toutes options

par Aïssa Hirèche

Partout dans les universités du monde, existent les heures supplémentaires qui sont rémunérées en sus de la charge horaire normale et il n'était donc point étonnant de voir les textes régissant l'université algérienne consacrer cette forme de travail par laquelle l'enseignant peut, s'il le désire, accomplir des heures en sus et prétendre à un paiement en retour. Seulement, comme dans tous les autres domaines, nous ne savons ni où ni comment nous arrêter.

Les heures supplémentaires sont devenues, dans toutes nos universités, la règle première au point où_ quelque part, dans une université de l'Est, des enseignants se retrouvent sans charge horaire. Ils sont là, sans module à assurer parce que leur charge pédagogique légale, celle pour laquelle ils sont payés, a été prise par d'autres enseignants en...heures supplémentaires !!

Il est, dans certaines universités, des enseignants qui assurent un nombre impressionnant d'heures supplémentaires, un nombre qu'ils ne peuvent ni matériellement ni physiquement ni moralement ni pudiquement assurer. Ailleurs on fait la recherche, on étale les découvertes, les productions scientifiques, les résolutions des problèmes de la société, ici-que cela fâche si tant est !-on n'est même pas capable de se concentrer sur l'essentiel de sa charge et ceci n'empêche pas pourtant de courir tout au long de l'année derrière des heures... Ah, les heures !

Tels des mercenaires, certains enseignants ne cessent de compter ce que cela leur rapporte. D'aucuns, tentant de se convaincre par l'insuffisance de leur salaire, ne cessent de compter à combien leur montera le mois, d'autres, se référant à de faux modèles et se situant par rapport à de mauvais repères, se mettent à rêver des sommes qu'ils amasseront grâce au nombre incalculable d'heures supplémentaires. Dix millions pour celui-ci, quinze millions pour celui là...oubliant, dans le dédale des calculs, qu'ils sont devenus incapables d'assurer correctement jusqu'à leur charge normale. Parce qu'il leur est pratiquement impossible d'honorer leur contrat, et comme le salaire est garanti, alors certains commencent par sauter carrément quelques heures de leur charge horaire normale, se consacrant, ou voulant se consacrer plutôt, aux heures supplémentaires mais n'arrivant à assurer convenablement ni les heures supplémentaires ni la charge normale, ces enseignants ne font que courir et se faire payer pour... la course. Peu leur importe si les étudiants ont compris ou pas, peu leur importe s'ils sont habilités à enseigner certains modules ou pas et ils sont tout à fait indifférents au fait que l'éthique les empêche d'agir comme ils le font.

Mais le malheur qui frappe les universités algériennes par les heures supplémentaires est multiple. Certains s'en vont enseigner des modules qu'ils ne sont ni capables de comprendre ni aptes à assimiler. Ils viennent devant les étudiants raconter n'importe quoi regardant, chaque dix secondes, leur montre pour se dépêcher de sortir dès qu'ils jugent opportun de le faire.

Dans certaines universités, pour pouvoir assurer le maximum d'heures supplémentaires, certains département vont jusqu'à transformer les TP (travaux pratiques) en TD (travaux dirigés) chose qui permet aux compétiteurs des heures supplémentaires d'avoir à assurer des séances de deux heures au lieu de trois, ce qui leur laisse le temps pour d'autres heures supplémentaires. Ils oublient qu'un TP nécessite plus de deux heures et, souvent même, lorsqu'on est honnête, plus de trois heures. Mais ce n'est pas fini... d'aucuns courent vers les TD qu'ils jugent plus simples car répétitifs et ne nécessitant pas d'efforts dans leur conception. Ils rejettent de ce fait les cours, même lorsqu'ils doivent les laisser, pour cela, à des maîtres assistants qui ne sont même pas Chargés de Cours alors que ceux qui se chargent de TD trainent des diplômes beaucoup plus élevés. A l'université algérienne, tout le monde en convient, le monde est retourné et tout va à l'envers !! Qu'on le veuille ou pas, qu'on soit d'accord ou non, un sabotage systématique est en train de détruire l'université chez nous, un sabotage dont les auteurs sont, en plus, rémunérés. A considérer les choses avec calme et sérénité, on pourrait à la limite comprendre (sans justifier, bien sûr) que l'attrait de l'argent fait perdre à beaucoup d'enseignants la réelle dimension des choses, mais ce qui reste incompréhensible, c'est le silence parfois complice de l'administration qui se plait à condamner ce comportement sans rien faire pour que les choses changent. N'est-ce pas à l'image du pays où tous, sans exception, nous hurlons de dégoût devant le chaos qui règne sur tous les plans mais nous n'arrêtons pas de faire de sorte à ce que le chaos s'éternise comme si certains d'entre nous auraient trouvé leur intérêt dans cette grande débandade. A l'université, en tout cas, beaucoup trouvent leurs intérêts, surtout ceux qui, par la bénédiction de la médiocrité se sont érigés non seulement en chasseurs attitrés des heures supplémentaires, mais aussi en bricoleurs toutes options...