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Loin de nous réjouir, le scoop qui vient de tomber nous afflige. En effet, il aura fallu 47 ans de patience pour qu'enfin, un accord de coopération archivistique (paraphé vendredi dernier), nous permette d'accéder aux... copies de certaines de nos archives. A la veille de l'indépendance, ce sont près de deux cent mille cartons, soit environ 6OO tonnes de documents d'archives algériennes traitant de tous les domaines de la vie administrative, politique, culturelle, économique et sociale du pays qui ont été transférés en France. Ce transfert massif du patrimoine national, qui comprend même les archives antérieures à la présence française en Algérie, pose avec acuité un problème de souveraineté. En raison du contentieux archivistique algéro-français, de la non disponibilité des documents et du strict contrôle quant à l'accès à cette mémoire, l'écriture de l'histoire commune est demeurée, partielle et partiale. L'importance des archives, écrites et audiovisuelles, source de préoccupation, est maintenant reconnue tant au plan communicationnel qu'au plan culturel. L'activité documentaire n'est plus appréhendée comme une simple activité de stockage de documents pour les générations futures. Gardiennes de la mémoire, les structures archivistiques ont fini par être reconnues pour les missions patrimoniales qu'elles accomplissent et pour les profits qu'elles génèrent par l'exploitation des droits. Problématique relativement récente comparée à celle de l'imprimé, l'archive audiovisuelle soulève aujourd'hui des enjeux culturels, politiques, économiques et financiers d'une ampleur jusque là insoupçonnée. Le développement fulgurant des nouvelles technologies, la multiplication des réseaux et des supports de diffusion et l'accroissement exceptionnel de la demande d'images reposent avec acuité la question de la sauvegarde, de la conservation et de la valorisation des archives audiovisuelles et cinématographiques. Les chaînes de télévision, grosses productrices d'images et de sons, ont très vite mis sur pied leurs propres centres de conservation où les documents répertoriés font l'objet d'une protection optimale. Si, pour les historiens et les philosophes, ces documents sont l'expression d'une expression artistique et une trace matérielle qui, au même titre que l'archive écrite, doit être protégée, pour les grands groupes de communication, ces supports sont devenus stratégiques, car générateurs d'une plus-value économique. Compte tenu des aléas de l'histoire et de la négligence des hommes, d'inestimables fonds patrimoniaux, écrits, mais aussi audiovisuels et cinématographiques ont fini par disparaître. Certains ont subi une dégradation irréversible. De nombreuses oeuvres cinématographiques de qualité, sources essentielles de références et d'informations et clés pour l'analyse et la compréhension des sociétés, ont été quasiment perdues et pour toujours. La disparité des archives artistiques et culturelles et, dans certains cas, leur dissémination massive, a fini par mettre en danger la pérennité des mémoires collectives. Dresser, dans ces conditions, un inventaire exhaustif de cette mémoire vivante n'est guère chose aisée. Il n'existe, en effet, ni recherches précises, ni études poussées ou synthétiques sur le sujet. A-t-on pris conscience du péril encouru par nos fonds patrimoniaux ? Les travaux de collecte, de catalogage, la constitution de collections documentaires associées ou non aux films (affiches, photographies, scénarios, maquettes...) et la restauration des films anciens sur support nitrate de cellulose, nécessitent des règles de conservation coûteuses en termes de ressources humaines et financières. Or que constatons-nous ? Les crédits nécessaires à la sauvegarde, à la conservation des collections et à la valorisation du cinéma, en général, et du patrimoine audiovisuel national, en particulier, font cruellement défaut. Les professionnels ont maintes fois sonné l'alarme afin que des mesures urgentes soient prises pour la sauvegarde et la conservation du patrimoine audiovisuel dispersé au quatre vents depuis l'indépendance. La cinémathèque algérienne, créée en 1964 avec le soutien d'Henri Langlois et de la cinémathèque française, demeure la seule institution concernée par la collecte, la sauvegarde et la diffusion des oeuvres du patrimoine cinématographique universel. Sans lieux de stockage répondant aux normes de conservation, en absence de négatifs de films disséminés à travers les différents laboratoires étrangers et en absence de certains titres de la production nationale en copies d'exploitation, malgré l'existence de textes concernant le dépôt légal, la cinémathèque algérienne est vouée à une disparition certaine. Le vide culturel durant des décennies a fait que, dans ses salles de répertoire (Alger, Oran, Sidi Bel-Abbès, Tiaret, Béjaïa...), la diffusion culturelle l'a emporté sur la conservation et la restauration, qui constituent ses missions essentielles. Son patrimoine, estimé à 10.000 titres, longs métrages fiction (dont environ 1 % seulement de production nationale), courts métrages et documentaires (environ 10 % de production nationale) sera désormais abrité au 7è étage de la BN du Hamma, où, selon son directeur, les conditions de température et d'humidité répondent aux normes. Ce transfert n'est cependant que provisoire, en attendant l'édification d'un véritable complexe cinématographique. La cinémathèque dispose, en outre, d'un important fonds documentaire annexe (affiches, scénarios, photos, etc.) qui nécessite le recours à des logiciels pour répertorier tous les supports et faciliter l'accès à la recherche. Les gravures, les oeuvres plastiques, les illustrations des manuels scolaires, les affiches, les cartes postales et les bandes dessinées, tout autant que les productions cinématographiques, vidéographiques et radiophoniques du siècle dernier constituent une part non négligeable de nos trésors patrimoniaux. Au-delà de l'archivage des films et des émissions de télé, il y a urgence à déployer des activités de restauration, de recherche, de catalogage, de publications et d'échanges, toutes actions qui nécessitent de gros moyens matériels et financiers, des équipements analogiques et digitaux, nécessaires au transfert des archives sur les nouveaux supports, et enfin, un personnel spécialisé dans les domaines du numérique et des techniques multimédias. Accumuler des milliers de kilomètres de films, des affiches et des images ne suffit plus. Il faut valoriser ce patrimoine fragile encore largement inconnu et qui subit les aléas du temps. L'opération nitrate a constitué une première étape dans la voie de la restructuration des produits filmiques pour enrayer la dégradation des supports et limiter les risques d'incendie, mais, un véritable travail audiovisuel sur la mémoire reste à entreprendre. L'urgence d'un plan de secours L'importance stratégique des archives devrait inciter les responsables à établir de toute urgence un plan de sauvegarde car notre patrimoine audiovisuel et cinématographique est en danger. La valorisation des fonds documentaires est nécessaire pour retrouver et enrichir les racines et la mémoire et puiser de nouvelles sources d'inspiration mais aussi comprendre la société d'aujourd'hui. La responsabilité de la génération d'aujourd'hui est d'assurer la postérité de ces matériaux, de les sortir des étagères poussiéreuses et de les rendre accessibles à tous. Un exemple à suivre : le projet pilote « Capmed » initié par l'INA qui a permis en France l'entretien d'un patrimoine audiovisuel de quelque 700.000 heures, une mémoire conservée, restaurée, rediffusée et ré-exploitée sans cesse. Fort de cette vocation patrimoniale et de la forte demande d'images d'archives, l'Institut national audiovisuel avait, lors de la Conférence permanente de l'Audiovisuel méditerranéen (COPEAM) présenté son projet. A l'instar d'autres télévisions méditerranéennes, l'ENTV algérienne y avait adhéré. Espérons toutefois que l'accord qui vient d'être signé à Paris, entre notre direction des Archives nationales et la direction des Archives de France, et qui stipule des échanges de copies, de documents et d'informations d'intérêt commun en laissant entrevoir des possibilités d'élaboration de chartes d'archivage et de plans de classement rationnel, offre des possibilités de formation qui iront dans le sens du projet « Capmed ». L'introduction du numérique dans les pratiques archivistiques représente un enjeu pour la conservation, la gestion et la communication du patrimoine télévisuel. Au regard des nouvelles donnes de la mondialisation des images et des sons et des conséquences économiques et culturelles qui en découlent, l'archivage et les applications numériques pour la restauration, la gestion, la consultation et la commercialisation des archives offrent une amélioration des services et une plus grande souplesse des activités. L'archivage permet de répondre à l'augmentation de la demande d'images liée à la démultiplication des canaux et rend désormais possible la croissance de nouvelles chaînes et, notamment, l'émergence annoncée de nouvelles chaînes thématiques. Ces dernières ont besoin de fictions, de documentaires, mais surtout de documents d'actualités disponibles immédiatement et sur un support de qualité irréprochable. Les nouvelles technologies appliquées à la sauvegarde et à l'exploitation de l'héritage audiovisuel européen, si elles règlent les problèmes d'ordre technique, elles ne peuvent être d'aucune aide pour les problèmes d'ordre juridique, commercial et d'éthique patrimoniale. Les producteurs et les programmateurs qui essaient d'avoir l'accès, le plus large possible, aux fonds patrimoniaux, tentent de trouver des solutions en élargissant ces fonds et en facilitant l'accès. « Le patrimoine est une part essentielle de la mémoire des hommes d'aujourd'hui, et faute d'être transmise aux générations futures dans sa richesse et dans sa diversité, l'humanité sera amputée d'une partie de leur conscience de sa propre durée. ». Extrait de la Charte européenne du Patrimoine architectural, 1975. |
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