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1ère partie «Les institutions éducatives transpirent les difficultés de la société» OBJECTIF DE L'INTERVENTION Le phénomène de la violence scolaire - bien qu'ancien - a pris, depuis quelques années, une proportion considérable sous le double effet d'une capacité nouvelle à le mesurer et d'une hyper-médiatisation qui a troublé la conscience publique et la vie de la cité. La violence est-elle un produit de l'école, et dans ce cas, nous la qualifierons d'endogène, ou résulte-t-elle de l'intrusion dans l'établissement d'une violence venue de l'extérieur, et dans ce cas, nous la qualifierons d'exogène ? I/ L'ÉCOLE OU LE REFLET DES RÉALITÉS SOCIALES DU QUARTIER : L'influence extérieure : la violence qui sévit à l'intérieur des établissements scolaires est une violence «importée» de l'extérieur. Tous les directeurs sont unanimes : «la rue entre dans l'école tous les matins». Leurs établissements se trouvent dans des quartiers populaires, dont les habitants sont de culture faible... Les tensions existant dans le secteur ont forcément des répercussions dans la vie scolaire. «Tout ce qui est ?'tricoté' ici dans la journée peut être défait en une nuit et à reprendre le lendemain». Les conflits dans lesquels l'école se trouve entraînée malgré elle ont souvent trait à des questions de territoires. De plus en plus, les jeunes ont le sentiment d'appartenir à une cité, à un groupe d'immeubles. Des bandes se forment et, à l'occasion, s'affrontent. Et ces conflits sont importés à l'intérieur de l'enceinte. Dans quelle mesure, et à quel degré, l'école est-elle un théâtre dans lequel se répercutent les conflits du quartier ? Il convient ici de dresser un tableau de la réalité scolaire (I), sociale environnant les établissements scolaires difficiles (II) puis, voir quelle incidence réelle l'environnement de l'établissement, qu'il soit immédiat ou non, a sur l'école (III). I)La réalité scolaire: l'école comme facteur de violence: Notre première question est : l'école algérienne répond-elle aux nouvelles attentes de l'élève ? Sans tomber dans l'erreur, nous disons : non, cela est dû à trois reproches qu'on pourrait faire à la « qualité » du système éducatif. Premièrement : une concentration excessive des apprentissages sur la mémorisation des faits s'opère aux dépens de la capacité d'analyse, de réflexion et de résolution de problèmes. Deuxièmement : des lacunes existent dans les disciplines peu prisées par les responsables (langues étrangères, sciences sociales et humaines, économie et gestion, droit et relations internationales). On reproche également à la « qualité » de l'enseignement un certain nombre de falsifications dans les matières historiques et une importance excessive donnée à l'idéologie. Troisièmement : enfin, au niveau de la pédagogie, l'approche dominante est fondée sur le cours magistral, à l'occasion duquel le maître dicte un « savoir » élaboré de façon directive par la tutelle, très proche de ce que l'on peut trouver dans les manuels correspondants, et qui, en dehors des matières mathématiques et scientifiques, se caractérise par un fort degré d'immuabilité. La certification des connaissances prend essentiellement la forme de questions de cours apprises par coeur. Il y a donc à la fois très peu de différenciation dans les pratiques pédagogiques et très peu d'attention à l'individualisation des apprentissages. D'un certain point de vue, le système est parfaitement adapté aux besoins de la société, il véhicule des valeurs conformes à l'idéologie dominante et forme des futurs actifs pour des emplois définis par la « planification centralisée ». Aussi, nous constatons que malgré nos remarques et nos incessants appels quant à l'impossibilité d'appliquer l'approche par compétences au niveau du primaire, le ministère de l'Education persiste et signe. NO Comment ! Le passage brusque d'un système politique caractérisé par l'uniformisation et la massification a profondément bouleversé l'équilibre qui s'était instauré par les pouvoirs successifs. Notre deuxième question est : que peut faire l'école pour réinstaurer l'équilibre basé sur le pluralisme politique et la diversité culturelle de notre société ? L'école peut-elle « conjuguer » la démocratie au futur ? Peut-elle transformer la réconciliation nationale en une culture de paix ? Nul ne doute de la place qu'occupe l'école. Aussi pessimiste que nous le sommes, nous pensons que l'école a les possibilités nécessaires pour répondre aux nouvelles attentes de l'enfant. 1/Formation de l'élève-citoyen : nouvelles attentes, nouvelles orientations. Depuis toujours, semble t-il, les êtres humains s'évertuent à transmettre à leurs descendants un ensemble de compétences dont la maîtrise doit garantir, à leurs yeux, non seulement la conservation mais également l'évolution des sociétés. A partir du XVIè siècle jusqu'à nos jours, l'institution scolaire a occupé une place grandissante de ce processus de transmissions. Peu à peu, l'école s'est vue confier le triple mandat d'instruire, de socialiser et d'éduquer les générations nouvelles afin qu'elles puissent acquérir, d'une part, des compétences leur permettant d'agir sur le monde physique et sur la nature et, d'autre part, des normes et des règles de vie facilitant la vie en société, notamment le règlement des conflits. « La formation civique, indépendamment des appellations qu'on a pu lui donner, est fondée sur la nécessité de transmettre des connaissances concernant les règles à la vie sociale et le fonctionnement des institutions, ainsi que des valeurs correspondant aux comportements attendus du citoyen dans la société et auxquelles renvoient ces règles et ces institutions » (AUDIGIER, 1991) 1. Pendant longtemps, « la citoyenneté a presque toujours été associée à des sentiments d'appartenance et de loyauté ainsi qu'à des idéaux communs auxquels tous étaient censés se rallier, du moins dans une large mesure » (AUDIGIER, 1991) 2. L'éducation civique cherchait donc, en conséquence, à assurer la cohésion sociale de sociétés « fermées » par la conformité des comportements aux normes communes. « Elle oblitérait ainsi souvent les conflits potentiels ou réels entre les diverses appartenances communautaires et l'expression de la diversité n'y avait guère sa place. » (MICHEL, 1994)3. Du reste, il y avait largement cohérence entre cette fonction uniformisante de l'éducation civique, l'organisation hiérarchique de l'école, la situation réservée aux élèves dans l'établissement scolaire ainsi que les méthodes d'enseignement. La formation du futur citoyen se limitait souvent à un enseignement passif à propos des principes idéologiques précis. Aujourd'hui, avec le pluralisme multiforme de la société algérienne obligeant à reconsidérer la conception traditionnelle de l'identité nationale et de la citoyenneté largement appuyée sur une vision unique, « La cohésion sociale ne peut plus faire l'économie des conflits auxquels on tentera de trouver solution dans les débats démocratiques » (THERIAULT, 1994)4. La conscience interdépendances crée également de nouvelles attentes. « Un citoyen actif doit certes participer à la vie politique et sociale de son pays, mais avec la conscience que celui-ci est ouvert sur le monde » (BOYER, 1994)5. Nous avons essayé de démontrer dans notre article « Langue et Pouvoir » publié dans le journal Liberté du (11.07.98) des dangers que présente le monolinguisme. Actuellement, nous sommes en train de détruire les systèmes symboliques, ce qui a provoqué l'uniformisation, la massification que recherche le capitalisme depuis deux siècles, c'est-à-dire, à l'entropie, comme le dit Michel Serres, et à la destruction du polymorphisme culturel, comme le dit Jacques Ruffié. Débordant l'enseignement des institutions du pays, l'éducation à la citoyenneté devra donc faire appel désormais à une articulation neuve entre le local et le planétaire, comme entre les exigences apparemment contradictoires de l'appartenance à une société pluraliste dont il faut préserver la cohésion. Ainsi, l'éducation à la citoyenneté doit-elle (ré) concilier les deux approches, celle de l'attachement et de la fidélité, qui ne saurait être confondue avec le simple conformisme, d'une part, et celle de la créativité critique, d'autre part. Comme le fait savoir (AUDIGIER, 1995). « Cette tendance exprime le double ancrage de l'éducation civique sur la nécessaire connaissance et prise en compte de la société dans laquelle chacun existe et sur la non moins nécessaire formation de l'initiative et à la responsabilité, à l'exercice de la liberté »6. Cette évolution, que nous exprimons ici à grand traits, est reflétée dans le passage de l'enseignement de la morale à l'instruction civique, puis à l'éducation civique, plus récemment à l'éducation à la citoyenneté. Le sociologue français ALAIN MICHEL (1994) a mis certaines hypothèses pour expliquer l'évolution du vocabulaire et tente de définir ce que représente l'éducation à la citoyenneté. La citoyenneté, selon lui, renvoie à une qualité sociale de l'individu, acquise par l'apprentissage de valeurs, de connaissances et de compétences essentielles, qui fait de lui un citoyen actif et responsable. L'éducation à la citoyenneté, par voie de conséquence, se distingue de la traditionnelle éducation civique en ce qu'elle vise la formation d'un citoyen autonome et non l'inculcation de valeurs et de comportements visant le conformisme. « L'individu ne veut plus recevoir de l'extérieur la vérité ni participer par devoir ». (RIFFAULT, 1993, cité par MICHEL, 1994)7. La formation de ce nouveau citoyen exige donc plus que l'acquisition de connaissances concernant les principes et les mécanismes de la vie démocratique dans notre pays ; débordant les frontières des pays comme des disciplines, « elle vise à développer chez les élèves les compétences nécessaires à la pratique de la citoyenneté, d'abord à l'école et à plus large terme, au sein de la société » (Berthold 1994) 8. Elle appelle à un engagement de l'institution scolaire dans la vie de la communauté et à une plus grande ouverture sur le monde et sur l'actualité. L'accès généralisé à l'information n'est plus compatible avec une école « sanctuaire » où serait dispensé un enseignement intemporel et il n'est plus pensable aujourd'hui d'isoler l'école des débats et des conflits de la société. Au-delà de ce consensus international à caractère essentiellement normatif, il nous est apparu essentiel de poser cette troisième question : dans quelle mesure et à travers quels arbitrages particuliers ces nouvelles attentes s'incarneront dans les politiques, programmes et pratiques scolaires ? Certes, l'importance de former des citoyens est directement évoquée dans les objectifs généraux de l'éducation et les programmes scolaires. Cependant, le degré où de tels objectifs généraux sont repris et concrétisés, dans des contextes spécifiques, est totalement contradictoires aux attentes de l'enfant d'une manière particulière et la société d'une manière générale. Et c'est à travers les chartes de TRIPOLI (9) et d'ALGER (10) que se sont codifiées les premières orientations officielles concernant le fonctionnement du système éducatif au sein de l'Etat indépendant. Ces premières orientations sont intégrées dans le système éducatif en fonction de la définition du concept « Culture ». Celle-ci se résume dans l'option formulée. « La Culture algérienne sera nationale, révolutionnaire et scientifique ». Le rythme avec lequel se succèdent les programmes de l'éducation civique depuis 40 ans est édifiant. Réduite à une « instruction » civique dans les programmes scolaires et diluée dans des activités d'éveil au niveau du primaire durant la période 1963-1980, une éducation civique « éminemment morale et dogmatique » avait été imposée à la rentrée scolaire 1980-1981 dates qui coïncidaient avec la généralisation de l'école fondamentale et l'arabisation de l'université. Elle représentait alors, une discipline importante, avec horaires spécifiques et programmes spécifiques. Le constat est là pour confirmer l'alarme qui a été déclenchée antérieurement : l'école tenue en otage par le pouvoir n'a fait que cloîtrer ces enfants et ces jeunes, ces derniers sont conscients d'être écartés des responsabilités, sont conscients quant au bénéfice du profit social (le droit à la scolarisation), sans prendre leur part de la production (le partage des bénéfices). Automatiquement, il y a rejet du système et rébellion qui trouvent explications dans trois facteurs : le premier facteur se trouve dans la conception idéologique de l'école même, le second facteur réside dans l'enseignement aléatoire et non planifié des matières religieuses par un ensemble d'enseignants non qualifiés et la non compatibilité des programmes de cette matière avec l'aspect cognitif de l'élève, surtout au cycle primaire. Ce qu'on devrait faire, c'est transférer cette matière dans le cycle moyen. A cet âge, l'intelligence abstraite est arrivée à maturité et l'enfant pourrait comprendre les tenants et les aboutissants de cette matière. Et enfin, le troisième facteur est l'enseignement falsifié de l'histoire algérienne. Cette falsification a fait vider ce grand patrimoine de sa substance qui aurait pu être l'élément moteur de cette « énorme énergie » qu'est la jeunesse d'aujourd'hui. Ce que nous devrons faire pour une bonne éducation à la citoyenneté sera de mettre en relief les deux dimensions de l'éducation civique en termes de savoir pratiques, de pratique de valeurs, les droits de l'Homme et les droits de l'enfant et de l'homme serviront de cadre de références. Une refonte de l'éducation civique et sa mise en place devra être amorcée et, à tous les niveaux de l'enseignement fondamental et secondaire. Certes, les textes officiels présentent des orientations pour les niveaux du primaire, alors qu'au collège et au lycée, l'éducation civique n'ayant jamais constitué une discipline scolaire à proprement parler. L'Algérie, comme beaucoup de pays, privilégie la formation du citoyen à partir d'une discipline distincte, coupée de l'enseignement des autres disciplines scolaires. Mais la différence réside dans l'organisation des contenus de l'éducation à la citoyenneté. En ce qui nous concerne, « la citoyenneté » s'opère par un enseignement intégré à partir des matières déjà existantes. Mais le Nord-américain, par exemple, opère plutôt par un enseignement intégré et à partir des matières telles que : La géographie, l'économie, la politique mais aussi l'enseignement des langues étrangères, et surtout l'histoire comme rôle central dans la socialisation et l'appréhension de toutes facettes de la citoyenneté : c'est cette discipline qui permettra le mieux d'appréhender la société historiquement et dans son actualité de traiter de la démocratie, des institutions parlementaires, des politiques nationales et des lois avec une approche interdisciplinaire permettant l'étude des problèmes contemporains, à travers le curriculum entier afin d'assurer une éducation à la citoyenneté davantage pluraliste et critique. Jusqu'à un certain point, l'éducation à la citoyenneté fait bien ressortir l'un des principaux enjeux de sa redéfinition : comment prendre en compte la pluralité et la diversité idéologique tout en assurant la transmission d'un patrimoine et de repères identitaires communs permettant la communication et assurant la cohésion sociale ? S'il est relativement facile pour les « spécialistes » de l'éducation de faire valoir que la redéfinition de la citoyenneté doit être fondée sur une capacité nouvelle de relier le global au local, l'universel au particulier, l'unité à la pluralité « dans une quête urgente d'un autre modèle de développement humain et social » (BOYER, 1994 ) (11), la manière de traduire ces nobles principes en contenus d'apprentissage et de les articuler à travers les disciplines scolaires reste, à l'évidence, complexe et sujette à débats. Pour introduire ce nouveau concept, dans notre « culture scolaire », il faudrait assurer premièrement le débat sur les compétences civiques mises de l'avant dans les divers programmes, et les présenter sous la forme de connaissances à faire acquérir à l'enfant. Le second réside dans la prise de position quant à la nécessité de l'enseignement formel qui soit associé à des méthodes pédagogiques et à des structures de participation permettant l'exercice actif de la citoyenneté par les élèves au sein de la classe, de l'institution scolaire et de la société. Comme on le constate, l'éducation à la citoyenneté a une dimension très large qui devra prendre place dans tous les enseignements (formel et informel) et qui est, par conséquent, l'affaire de tous, risque aussi de n'être l'affaire de personne. Il est donc parfois difficile de voir comment l'éducation à la citoyenneté prend forme à travers les contenus d'enseignement. Et ce qui la rend difficile, ce sont les facteurs suivants : sur le plan politique : le passage brusque d'une idéologie socialiste au pluralisme politique. Sur le plan culturel : d'une pluralité linguistique à l'Entropie. Sur le plan social : le ¼ de la population est analphabète et, ce qui rend la mission de plus en plus complexe est : la majorité de la société vit dans un analphabétisme juridique par excellence. Et il est grand temps de faire sortir la société de cet analphabétisme qui empêche l'exercice de la citoyenneté. Ce tableau, certes pessimiste mais réel, ne devra pas nous empêcher d'aller de l'avant et faire acquérir à la jeunesse future le statut de citoyen et pour arriver à concrétiser A/ Les connaissances à faire acquérir : En ce qui concerne ce facteur il faudra : articuler les programmes du fondamental et du lycée sur les thèmes suivants : - L'accès à la culture dans son sens le plus large : nous devons reconnaître le grand pouvoir de sélection de la « mémoire enseignante » sa capacité « d'oubli actif ». On peut alors se demander quels sont les déterminants, les mécanismes, les enjeux de cette sélection cognitive et culturelle qui fait qu'une part de l'héritage de notre patrimoine nationale est ainsi maintenu « hors d'oubli » de génération en génération alors que le reste paraît voué à l'ensevelissement définitif ?. Reconnaissons-le, l'école n'enseigne qu'une partie extrêmement restreinte de tout ce qui constitue l'expérience collective. On reconnaîtra, par exemple, que le crime organisé, la violence sous toutes ses formes, la discrimination basée sur le sexe, le régionalisme s'inscrivent parmi les éléments de la culture au sens scientifique du terme. Il est tout à fait exceptionnel qu'on leur fasse une place dans l'enseignement et l'on peut dire la même chose de toutes sortes de connaissances d'activités ou d'habitudes qui, sans rentrer dans la catégorie du délictueux ou du désapprouvé, relèvent tout simplement de celle du quotidien ou du trivial. Ce qui s'enseigne, c'est donc moins en fait la culture qui fait l'objet d'une approbation sociale et constitue en quelque sorte « la version autorisée » la force légitime. Mais, à l'intérieur même de ce qui est tenu pour légitime au sein de la culture, considérée comme patrimoine intellectuel et spirituel méritant d'être préservée, transmise, il est de fait également que l'éducation scolaire n'a jamais réussi à incorporer dans ces programmes et ses cursus qu'un spectre étroit de savoir de compétences, de forme d'expression, de mythes et de symboles mobilisateurs. - L'enseignement de la charte de l'enfant : l'objectif, c'est de lui faire apprendre qu'il est une personne parmi d'autres personnes. Il apprendra ses droits et ses devoirs, par rapport à lui-même, par rapport aux autres, au sein de la famille, de la collectivité, de la société, de la communauté internationale. - Apprendre à l'enfant ce qu'est la démocratie : ce qu'est la liberté individuelle, ce qu'est la liberté politique : l'objectif est que l'enfant apprendra ses droits et ses devoirs de citoyen, son statut par rapport au pouvoir. Il approfondira les notions de Peuple, de Nation, d'Etat et de République. - Apprendre à l'enfant à avoir des repères : l'objectif est de lui apprendre à se situer comme membre actif à l'intérieur de sa Nation, lui apprendre à aimer son pays et non l'obliger à l'aimer, lui apprendre le sens du concept souveraineté, les valeurs et les normes de la paix et de la solidarité, l'importance et les pièges de l'opinion publique. Il saura pourquoi l'environnement est devenu un impératif moral. Ces quatre axes représenteront des repères intergénérationnels, l'Etat de droit, la démocratie, la préservation de l'environnement. Quant aux textes de références, il s'agit de la déclaration des droits de l'Homme et de la convention internationale des droits de l'enfant que l'Algérie a ratifié et signé. Par-delà les matières obligatoires déjà enseignées et qu'on devra revoir, il faudra renforcer par le biais de l'éducation informelle l'éducation à la citoyenneté par des recueils et des guides pédagogiques en matière d'éducation planétaire à la paix ou aux droits. Ceux-ci favoriseront l'acquisition : connaissances que l'on pourra dire d'ordre instrumental, d'une part, indispensables à l'exercice des droits et des devoirs des citoyens - connaissances des institutions sociales et gouvernementales, des lois et du système parlementaire et électoral - ; connaissances, d'autre part, requises par l'analyse et par la compréhension des réalités sociales actuelles. L'éducation à la citoyenneté devra amener chez tous les élèves de la légitimité de la diversité socio-économique et culturelle, à l'existence du racisme, de la violence, et de la discrimination basée sur le sexe et du régionalisme au sein de notre société, leur faire prendre conscience de l'existence de ces facteurs et tant d'autres leur permettront d'appréhender l'avenir avec sérénité. B/ Les habilités et les attitudes civiques à développer : Pour assurer la qualité de la vie démocratique dans notre société, les citoyens doivent certes avoir des connaissances qui leur permettent de comprendre et de prendre part aux décisions, mais ils devront aussi, pour pouvoir participer et collaborer à la recherche et à la satisfaction des intérêts communs, adopter certaines valeurs civiques et développer certaines habiletés. Notre quatrième question est : quelles seront donc ces valeurs qui devront être transmises à travers les différents programmes scolaires ? Aucune étude n'a été faite jusqu'à aujourd'hui pour déterminer explicitement ce qui devra être enseigné. Néanmoins, à la lecture des divers articles touchant l'éducation à la citoyenneté à travers le monde, nous renseignent sur ces valeurs que nous pourrons induire dans les programmes d'enseignements tels que : les valeurs de solidarité, de tolérance, de respect de soi, des autres, de l'environnement, de justice et de liberté. Pour ce qui est des habiletés essentielles à développer chez les élèves, partout dans le monde, on tient pour indiscutable que la capacité de s'exprimer, de discuter de résoudre un problème ainsi que l'esprit critique et les habiletés de conceptualisations et de négociations sont des éléments vitaux quant à leur éducation à la citoyenneté (AUDIGIER, 1995) (12). D'autres auteurs ou pédagogues mentionnent également la modération identitaire, le respect des autres et la tolérance ainsi que la capacité et le souci d'insertion sociale et de rapport aux institutions (13). Car, partout, une même visée sous-tend l'éducation à la citoyenneté : former des citoyens actifs et responsables. Voilà donc pour les grandes orientations relatives à l'éducation de la citoyenneté telles qu'elles apparaissent dans les lectures. Dans nos programmes éducatifs « ces orientations » quant à l'éducation civique de l'élève existent dans les textes officiels. Mais qu'en est-il dans les faits, c'est-à-dire, dans les pratiques d'enseignement, dans la vie de l'école et surtout dans l'esprit des élèves ? C'est ce que nous tenterons de cerner en nous appuyant, dans un premier temps, sur une série de constats examinés sur terrain, la situation d'ensemble de l'enseignement relatif à la citoyenneté ainsi que les acquis. Nous nuancerons, par la suite, le constat plutôt pessimiste qui émerge de la réalité en décrivant quelques approches pédagogiques novatrices qui ont été récemment mises en oeuvre dans ce domaine. Finalement, délaissant l'enseignement formel, nous nous interrogerons sur le degré d'exercice actif de la citoyenneté par les élèves et les lycéens que permettent aujourd'hui nos institutions scolaires. Que peut-on dégager de ce bref survol des politiques, programmes et pratiques liés à l'éducation à la citoyenneté. Sans prétendre ici arriver à des conclusions fermes. Il est toutefois possible de dégager un certain nombre de constats. 1 - Rappelons d'abord l'ambiguïté de l'éducation à la citoyenneté, enseignement particulier mais aussi mandat de tous les intervenants (acteurs) scolaires, notion polysémique, par essence normative et donc susceptible de représenter « l'auberge espagnole » de toutes les bonnes causes mais aussi de toutes les contradictions. D'où la disparité des modèles cités plus haut mise en oeuvre qui varie d'un pays à un autre. En ce qui nous concerne, nous devrons mettre l'accent sur les deux courants : l'enseignement formel des connaissances relatives aux institutions nationales et internationales et aux droits de la personne aux trois paliers de l'école fondamentale. La pédagogie du contrat au niveau du secondaire. 2 - Le second constat qu'il est possible d'avancer est lié au hiatus qui semble exister entre le discours normatif sur l'éducation à la citoyenneté et sa prise en compte effective dans les établissements scolaires. La recension des politiques et des programmes semble indiquer dans notre contexte que l'éducation à la citoyenneté serait indéniablement au coeur du processus éducatif. On a toujours affirmé, l'importance de former des citoyens informés, actifs et responsables en prônant un enseignement qui tient compte de la pluralité et des conflits de la condition moderne désormais mondialisée. L'utilisation des méthodes pédagogiques actives et le développement des habiletés de participations. Pourtant, la réalité contredit et sans équivoque « tout ce beau discours », l'éducation à la citoyenneté occupe en réalité un statut secondaire dans l'univers scolaire, pour peu qu'elle compte. Les messages des textes officiels, lorsqu'il y en a, demeureraient à quelques exceptions près, des déclarations d'intention. Les enseignants continueraient généralement à enseigner des contenus, éviteraient d'aborder les conflits et ne favoriseraient pas la discussion ni la participation. Enfin, on pressent que les responsables de l'éducation ne sont souvent pas favorables à reconnaître l'exercice actif de la citoyenneté par les élèves et les lycéens. Ceci dit, l'absence d'un consensus définitif sur les contenus à transmettre, dont on peut douter qu'il soit possible ou même souhaitable dans notre société plurielle, ne doit pas masquer l'un des principaux enjeux de l'éducation à la citoyenneté qui relève, lui, de la manière de transmettre ces contenus pédagogiques. En effet, l'exigence de développer une culture commune qui inclut la diversité impose à l'école de prendre en compte la dimension politique de toute éducation civique et de présenter les enseignements avec rigueur et à travers des entrées multiples où divers points de vue peuvent s'exprimer. Or cela nécessite souvent des qualifications ou une expertise que les enseignants n'ont pas, d'une part, et exige de reconsidérer leur rôle qui ne saurait plus se limiter à la transmission de connaissances encyclopédiques, d'autre part. Il apparaît donc nécessaire de développer davantage de recherche portant sur la mise en oeuvre effective de l'éducation civique au sein des établissements scolaires. Celles-ci devraient notamment cerner les contradictions potentielles entre curriculum explicite et curriculum caché à cet égard. Ce qui nous permet de mieux connaître les perceptions et compétences des enseignants et des élèves dans ce domaine. De part et d'autre, l'expérimentation et l'évolution d'expériences novatrices fondées sur des pédagogies actives pourront ainsi contribuer à résoudre certains défis pédagogiques cernés plus hauts. La définition d'une citoyenneté pluraliste s'impose, donc, comme un enjeu transnational. 3 - L'école est moins un outil d'éducation du citoyen, en dépit des efforts initiés par les responsables pour réaffirmer la tradition républicaine et faire de l'école un lieu d'unification de la cité, qu'un marché où des consommateurs sceptiques font ce qui est nécessaire pour réussir leurs examens tout en conservant la culture politique acquise ailleurs. D'un autre point de vue, il a été soutenu que les cours d'instruction civique donnent une vue trop optimiste de l'Etat et des opportunités ouvertes par la participation démocratique et qu'ils laissent les élèves impuissants et sceptiques dès que ceux-ci seront confrontés à une « réalité sociale impitoyable ». A suivre BIBLIOGRAPHIE : 1. AUDIGIER, F. (1991) - Enseigner la société, transmettre des valeurs : la formation civique et l'éducation aux droit de l'homme : une mission ancienne, des problèmes permanents, un projet toujours actuel. In Revue française de pédagogie, n° 94, p.37-48. 2. AUDIGIER, F. Ibid. p.37-48. 3. MICHEL, A. (1994) - L'éducation à la citoyenneté, administration et éducation, In Revue française de pédagogie, n° 61, p. 29-43. 4. THERIAULT, J.Y. (1994) - Citoyenneté, espace public et identité. Option CEQ, n° 11 p. 18. 5. BOYER, J.P. (1994) - La société de l'Informatique planétaire sera-t-elle démocratique ? Option CEQ, n° 11. p. 126. 6. AUDIGIER, F. (1991). Op. Cit. p.37-48. 7. MICHEL, A. (1994). Op. Cit. p.29-43. 8. BERTHOLD, J. - L'école face aux valeurs démocratiques. Option CEQ, n° 11. 9. CHARTE DE TRIPOLI. PROGRAMME DE CNRA. TRIPOLI. JUIN 1962. 10. CHARTE D'ALGER. ALGER. AVRIL 1964. 11. BOYER, J.P. op. Cit. p.126 12. AUDIGIER, J.P.op. Cit. p.37-48. 13. Multiculturalisme et Citoyenneté CANADA (1993). L'éducation civique au CANADA. Service de recherche. |
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