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Tchekhtchoukha
par Ahmed Saïfi Benziane
«Nous ne savons pas si nous, nous sommes un Etat socialiste ou capitaliste»,lance le candidat Président du haut d'une tribune à Biskra.
Nous ne savons pas quant à nous s'il était en «visite d'inspection et de travail» ou en campagne électorale distributive d'avantages fiscaux et d'effacement des crédits aux agriculteurs et enfin, aux éleveurs battant des mains en signe de validation d'un programme aux points liés à la crise mondiale. Beaucoup de choses que nous ne savons pas et qui laissent un arrière-goût d'incertitudes sur le devenir de cet Etat qui n'est ni, ni, depuis déjà longtemps. Gardons l'espoir qu'après cette campagne pour les présidentielles il restera dans les caisses de l'Etat ni, ni, quelques dollars pour continuer à acheter les céréales et les médicaments. Juste pour assurer un couscous au lait et quelques comprimés d'aspirine pour les maux de tête à venir. Le frère Président semble parti pour ne laisser aucun mécontent et déjà les rumeurs les plus folles circulent sur l'effacement de toutes les dettes, du logement LSP au crédit véhicule en passant par la fiscalité et les articles électroménagers. On efface tout et on recommence comme si l'indépendance venait à peine d'être déclarée. Comme si la terre Algérie n'était qu'un gros suçon impudique juste bon à extraire du pétrole et montrer son amour à tout le monde, au moment où tout le monde attend la fin du pétrole les yeux rivés sur un départ dans l'au-delà. Un cadeau de 41 milliards de dinars aux agriculteurs et éleveurs à Tébéssa, un autre cadeau de 32 milliards de dinars de salaires à des entreprises déficitaires à Oran et la tournée générale n'est pas finie. Que demande le peuple ? Ne pas travailler et encaisser. C'est drôle mais à la veille du référendum pour l'indépendance déjà, circulait une rumeur selon laquelle une fois indépendant chaque Algérien devait recevoir l'équivalent de 2.500 francs de l'époque en restant chez lui. Ceux qui étaient en Algérie à l'époque s'en souviennent. Les autres sont arrivés après le référendum. Il connaissaient l'astuce et ont emprunté un autre chemin plus sûr. Ils savaient que le propre des chiffres était de cacher la vérité. Les vérités. La différence avec l'époque c'est que nous savions que seule la voie socialiste pouvait nous sortir d'affaire. Il y avait une petite poignée de millionnaires que l'on pouvait compter avec ses seuls doigts et les caisses de l'Etat étaient vides. Même si l'Etat socialiste voulait abusivement faire fondre la graisse de certains possédants dans les bains maures, il n'aurait pu dans le meilleur des cas récolter que quelque fatigue inutile. La graisse est venue après, bien après que des puits de pétrole, l'argent empruntait le chemin des poches ou des comptes à l'étranger. On appelait cela la phase de transition vers le socialisme qui s'est appuyée sur des programmes d'investissement, sur les nationalisations des hydrocarbures, sur la corruption naissante, le tout soutenu par un autoritarisme sans autre but que celui de brouiller les pistes. L'Etat a beaucoup investit dans une industrie d'importation, a beaucoup formé dans les universités étrangères aussi bien socialistes que capitalistes et a beaucoup parlé d'horizons sans quitter le bout du nez. Le nez à l'époque se trouvait dans la bouche occupée à manger et a fini par le mâcher. Se poser aujourd'hui la question de savoir si nous sommes socialistes ou capitalistes revient à redéfinir l'indépendance et ses textes fondateurs, à redéfinir l'Etat ni, ni, et applaudir pour avoir réussi le miracle de la troisième voie en pleine crise financière mondiale. Le socialisme n'étant pas un pantalon pour dix, mais dix pantalons pour un, la voie socialiste n'a eu pour effet à terme que de faire remplacer les pantalons par des kamis, par déviation de la transition. Le capitalisme qui lui a emboîté le pas a conforté le kamis importé au détriment des habits traditionnels, le couscous par le saumon fumé, les oranges de la Mitidja et les figues de barbarie par des fruits exotiques aux saveurs érotiques. Le kohol par des produits aux couleurs de paradis. Mais le capitalisme c'est surtout la valeur travail, la plus value, le profit et une stratification claire qui déterminent les classes sociales selon la détention des moyens de production tel qu'il ressort de l'analyse socialiste du capitalisme. C'est l'émergence d'une bourgeoisie selon un processus historique qui part de l'accumulation du capital et de la terre source de féodalisme. Ce sont les valeurs véhiculées par la féodalité qui se transforment en valeurs bourgeoises. La bourgeoisie n'ayant rien à avoir avec l'enrichissement que nous avons connu pendant et après la transition, et qui puise ses origines dans la corruption et la solidarité tribalo administrative, nous n'en avons retenu que les aspects visibles sans retenir les rituels. Un bourgeois n'achète pas un lot de livres pour décorer une bibliothèque où se mêlent ouvrages vaisselle et bibelots avec des plantes en plastique, mais démarre une collection qu'il transmet à ses enfants qui la transmettent en l'enrichissant aux leurs pendant des générations. Un bourgeois ne fréquente pas les cabarets pour prouver sa virilité mais crée un club privé où se discutent les grands axes de la politique économique et financière. Le socialisme quant à lui est une doctrine qui s'appuie sur des lois qui n'ont rien à avoir avec la démagogie, le paternalisme ou l'infantilisme politique. C'est une mode de création et de répartition de la richesse nationale sans autres cadeaux que ceux qui sont mérités par le travail. Si le frère Président candidat se pose la question à Biskra c'est qu'il a du se rendre compte de la tchekhtchoukha.
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