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Les
«petites phrases», ces phrases courtes qu'on retient d'une déclaration ou d'un
écrit et qui traversent parfois le temps. Elles sont de tous ordres,
philosophique «Je pense donc je suis», littéraire «Ce matin ma mère est morte?»
d'Albert Camus, le plus connu des incipits littéraires, historique «Du haut de
ces pyramides?» de Napoléon, politique «Un quarteron de généraux?» ou plus
divertissante «Vous étiez fiers de vos oliviers?» de Rouiched.
Ce sont des citations que la mémoire collective retient. Elles sont réellement exprimées lorsqu'on détient des écrits ou des enregistrements mais elles sont souvent mythiques lorsqu'elles sont historiques «Rappelle-toi du vase de Soisson». L'apparition des medias modernes et leur multiplication sont bien entendu les responsables les plus identifiés de l'explosion des petites phrases. Ces medias ont besoin d'un mot, d'une phrase qui «imprime dans les esprits» dit-on dans le langage actuel. On ne peut d'ailleurs les en blâmer car il est impossible dans le format comme du temps médiatique de retranscrire ou retransmettre la déclaration ou le discours complet. Ce serait impossible et tout à fait contre-productif. Les petites phrases sont les ennemies de la réflexion et du choix conscient et raisonné de ceux qui en sont destinataires. On ne retient souvent d'un homme politique ou d'un auteur que la petite phrase. C'est évidemment la pire chose pour comprendre et juger une opinion politique ou la qualité et le sens d'une œuvre. Lorsque c'est le fait des chroniqueurs littéraires et historiques, il faut une grande érudition pour comparer et prendre de la distance. Lorsque c'est le fait des médias, l'homme politique peut encore rectifier le malentendu en reprenant à son compte, par exemple, un autre élément de langage «vous avez sorti ma phrase de son contexte». Mais le plus souvent, c'est peine perdue car la petite phrase a tellement été reprise, c'est l'un de ses objectifs, qu'elle est définitivement inscrite dans une vérité impossible à remettre en cause. Car, plus les reprises sont nombreuses, plus les interprétations le sont. L'auteur de la petite phrase doit alors combattre chacune d'elles qui a grossi et tordu le sens. Combattre la mauvaise compréhension de la petite phrase devient alors impossible tant elle s'est métastasée. Le pire est lorsque l'action judiciaire ou le démenti interviennent pour rectifier le mal. Non seulement ils ne l'effacent presque jamais mais ils empirent souvent la résonance médiatique. Les hommes politiques l'on compris depuis longtemps et ont choisi de les intégrer à leur avantage dans leurs déclarations. Elles deviennent alors des «éléments de langage» qui auront la particularité d'être repris, dérivés et adaptés au moment et au public concerné. Plus aucun d'entre eux n'envisage un discours sans préparer une ou plusieurs petites phrases en espérant qu'une ou deux sera définitivement sa marque future dans l'histoire et son apogée politique de l'instant. Plus aucun homme politique d'envergure ne peut d'ailleurs se priver d'avoir recours à des communicants professionnels. Toutes les techniques sont utilisées pour retenir l'attention, l'alexandrin lorsqu'il est possible mais désuet, le palindrome dont l'opposition de deux mots renforce l'intonation et celui remis en usage, l'anaphore. Cette anaphore devenue désormais célèbre par «Moi, Président, je?» qui, par définition, se répète à chaque début de phrase pour accentuer l'effet. La petite phrase devient alors pour ces hommes politiques, soit un moyen de notoriété, soit un risque collé à jamais à la peau si les situations politiques se retournent. Nous connaissons tous l'expression «les paroles disparaissent, les écrits restent» qui devient aujourd'hui avec les médias modernes «Les paroles et les écrits restent, la mauvaise réputation aussi». Quant à l'auditoire, c'est toujours la même rengaine, il lui faut prendre précaution en décortiquant, vérifiant et comparant les paroles et les écrits. C'est une vigilance qui est en principe construite par l'instruction. Mais hélas, il y a toujours un risque car le plus souvent un discours politique enflammé parle aux sentiments et pas à la raison. Quant aux médias, c'est également toujours la même vigilance qui fonde leur métier, on appelle cela la déontologie. Vérifier la réalité de la petite phrase, la remettre dans son contexte, la confronter à toutes les opinions contraires et l'expliquer au public, car c'est la définition du mot média. Et si le lecteur, l'auditeur comme le média ont pris toutes ces précautions, la petite phrase devient alors la richesse de l'expression humaine pour les auteurs. |
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