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Ce défi qui attend le gouvernement de Nadir Larbaoui: Passer du «Un toit, une famille» au «Des logements, une ville» !

par Cherif Ali

Il n'y a aucun pays au monde qui a fait autant que l'Algérie dans le domaine du logement !

Depuis 2020 jusqu'à ce jour, l'Etat a attribué 920.000 logements, toutes formules confondues. Soit presque un million d'unités en moins de 36 mois.

Mais il était dit que la mauvaise gestion des dossiers de l'éradication des bidonvilles, du vieux bâti et des constructions précaires a été pour beaucoup dans l'aggravation des tensions autour d'une revendication sociale, longtemps exploitée par certaines parties pour en faire un commerce juteux. En effet, si l'éradication des bidonvilles continue d'apparaître comme une gageure, c'est en raison non seulement de leur ampleur, mais aussi de la complexité des causes de leur implantation.

Ceux par exemple hérités de la colonisation

Qui peut affirmer, au risque de faire injure et de porter le discrédit sur tous les responsables d'alors, que ce type d'habitat, rappelons-le, constitué par exemple des centres de regroupement de triste mémoire, subsiste encore, en 2022 et que ses habitants n'ont pas été logés par tous les walis qui se sont succédé depuis 1962 et qui disposaient du pouvoir d'attribution de logement ?

Ceux construits dans les années 1970

« La révolution agraire » et « les 1.000 villages socialistes », les deux mamelles d'une politique mise en place à l'époque, par souci d'équilibre régional, pour juguler l'exode rural de ces années-là, relever la production agricole, améliorer la productivité et mettre fin au chômage et au dénuement qui prévalaient dans les territoires de l'Algérie profonde, ont contribué grandement au déplacement massif de populations. L'exode rural, faut-il le rappeler, était expliqué alors par les disparités de revenus entre les campagnes et les villes et par l'espoir des ruraux de trouver un emploi dans celles-ci.

Ceux érigés lors des années 1980

C'était l'époque du fameux slogan « Pour une vie meilleure » qui a mis à terre, sans jeu de mots, toute la politique agraire des années précédentes.

Des populations entières ont repris, volontairement, le chemin de la ville, pour s'installer dans sa périphérie et goûter aux délices du« Programme anti-pénurie», le fameux «PAP».

On continue, à ce jour, à recaser dans les nouvelles cités, les habitants de ces bidonvilles « résiduels », nonobstant, rappelons-nous, les opérations « coup-de-poing », qui ont consisté à raccompagner ces «bidonvillois» dans leurs wilayas d'origine, à travers une noria de camions réquisitionnés pour l'opération.

Ceux implantés anarchiquement durant la décennie noire

C'est de loin la catégorie la plus fournie, car constituée de familles ayant déserté leurs régions pour des raisons sécuritaires liées à la décennie noire.

Avec la paix retrouvée et la politique de « la Concorde civile », ces familles ont reçu pourtant, toutes les assurances politiques, sociales et économiques pour retrouver leurs foyers, leurs terres et leur outil de travail et retourner dans leurs régions sécurisées.

Sauf que beaucoup de ces personnes ont préféré rester même si certaines d'entre elles ont pris le chemin du retour pour profiter de la réhabilitation des « zones d'ombre » où désormais il fait bon vivre, en laissant toutefois leurs enfants, profiter de « l'usufruit » du bidonville et prétendre à leur tour à un logement.

Ceux, enfin, dénommés «bidonvilles de fraîche date»

Concernant les causes qui facilitent l'implantation de bidonvilles classés dans cette catégorie, on peut citer, dans l'ordre :

1. des citoyens sans scrupules;

2. une maffia agissante du foncier;

3. des employés véreux au niveau de la distribution d'eau et d'électricité;

4. le laxisme des élus locaux;

5. l'absence d'une police de l'urbanisme.

Pour résumer !

Si l'on tient compte de ce qui a été affirmé supra, la clef des bidonvilles, sans jeu de mots, est toute trouvée si l'on admet leur classification telle que proposée et qui repose quand même sur un fondement juridique avéré :

1- Les bidonvilles de la première catégorie «n'existent plus car éradiqués et leurs habitants relogés», si tout le monde est d'accord sur ce qui a été affirmé.

2- Ceux relevant des années 1970 ont été traités dans le cadre d'une politique en rapport à ces années-là; et toutes les mesures complémentaires prises, dans le cadre de la Politique nationale du développement du renouveau agricole (PNDRA) ont été les solutions les plus adaptées pour endiguer les mouvements migratoires, mieux en tous cas, que les tentatives vaines d'intégrer toutes ces populations dans une politique de relogement, fût-elle massive.

3- Ceux des années 1980 se sont caractérisés par la politique du retour forcé des populations rurales concernées, telle que décidée par le gouvernement de l'époque de feu le président CHADLI.

4- Ceux découlant de la décennie noire ont connu des solutions politiques, économiques, sociales et financières adaptées, avec l'encouragement, la protection et la bénédiction des pouvoirs publics.

Si l'on estime qu'il transparaît encore des catégories deux, trois et quatre, telles que sériées, quelques « bidonvilles résiduels », qu'ils soient pris en charge une fois pour toutes, à travers les programmes à venir !!!

En tous les cas, les migrations des zones rurales vers les villes ne cesseront pas, tant que le mouvement d'urbanisation agit comme une pompe aspirante.

Et paradoxalement, l'urbanisation est provoquée essentiellement par l'afflux des ruraux que les pouvoirs publics n'ont de cesse de reloger.

5- Pour ceux dits de « fraîche date », il faut tout simplement les démolir.

Pour brutale qu'elle puisse apparaître, cette mesure si elle venait à être généralisée dans les 58 wilayas est un mal nécessaire pour éradiquer, une fois pour toutes, ce type d'habitat précaire, dit de « fraîche date ».

Outre l'embarras qu'ils suscitent pour les collectivités locales en matière de résidence, de fichier électoral, d'inscription scolaire et les maux sociaux qu'ils induisent, les bidonvilles impactent négativement sur :

-1 Le marché informel dont ils fournissent la main-d'œuvre et les caches des marchandises prohibées, sans compter le préjudice occasionné au Trésor public, estimé à plus de 400 milliards de dinars.

-2 La contrefaçon dont ils sont un chaînon important.

-3 Les attaques préjudiciables aux réseaux électriques et hydriques.

-4 Le marché de l'emploi, dès lors que les postes de gardiens, agents de sécurité et chauffeurs sont pris d'assaut par les habitants des bidonvilles, ce qui permet à un grand nombre d'entre eux de s'adonner à d'autres activités non déclarées.

Tout cela est peut-être connu, mais nul ne saurait rester indifférent devant une autre situation lourde de menace, si l'on n'y prenne garde et qui transparaît dans les deux exemples suivants :

Au moment même où les pouvoirs publics s'apprêtent à organiser des attributions massives de logements, il conviendrait d'agir avec prudence et sans démagogie, au risque de faire éclater la cohésion sociale et partant, réduire à néant les progrès accomplis en matière d'habitat par notre pays qui reste quand même un des rares, voire le seul pays au monde à donner presque gratuitement le logement social et fermer les yeux sur la spéculation qui en découle :

- n'est-il pas rétrocédé, sans problème et sans scrupule ?

- n'est-il pas mis sur le marché locatif, toute honte bue ?

- n'est-il pas inoccupé, aux trois-quarts du temps, par ceux-là mêmes qui ont provoqué des émeutes pour en bénéficier ?

Il faudrait également :

1- revoir la conception architecturale des cités-dortoirs dont l'usage révulse les Algériens, peuple et président;

2- mettre en œuvre, sans délai, la directive préconisant le recours aux cités intégrées, celles qui préservent l'environnement et prennent en compte les équipements d'accompagnement nécessaires à la communauté de vie;

3- diversifier les partenaires étrangers intervenant en matière d'habitat, et les mettre en compétition;

4- multiplier les offres pour l'habitat d'urgence (maisons en bois, chalets adaptés);

5- prévoir des stocks d'urgence de ce type d'habitat;

6- résorber les dernières poches des bidonvilles résiduels;

7- prendre en considération le mal-logement qui reste, quoique l'on pense, la partie non immergée de l'iceberg;

8- encourager l'habitat rural;

9- reconsidérer, enfin, au plan légal, la question de la cessibilité du logement social, pour en réduire la spéculation.

En définitive, toutes ces réflexions sur le logement social n'ont pour objectifs que de susciter quelques réactions sur la crise qui en découle et qui promet de perdurer si on continue à laisser les bidonvilles faire florès !

Pour conclure, ce défi, qui attend aujourd'hui le gouvernement de Nadir Larbaoui, consisterait à passer du stade de « Un toit, une famille » pour parvenir à la forme aboutie des programmes d'habitat avec ce slogan « Des logements, une ville ».

Rappelons, en effet, qu'une cité de 1.500 logements, c'est 10.000 habitants.

Soit la taille de deux communes moyennes en zone rurale et leurs exigences en matière d'équipements publics et de commodités tous secteurs confondus !