Toujours
garder l'utile et ne jamais trop compter sur le futile, voilà le secret des
belles réussites ! Le cynique Diogène considérait qu'il ne fallait garder dans
la vie que l'utile. L'utile selon ce philosophe-là, c'est ce qui nous aide à
vivre, à survivre, à nous protéger du manque, du besoin, du danger de notre
disparition, de la disparition de toute l'espèce. Un jour, en voyant un enfant
boire dans ses mains, il jeta son propre bol par terre, le jugeant inutile. Le
stoïcien Marc-Aurèle prenait les choses pour ce qu'elles sont. Une cuillère en
or n'a d'intérêt que si elle est pratique, voilà toute sa valeur. Je n'ai plus
besoin, par exemple, d'un kilo de lingots d'or si l'on me jette en plein désert
où personne n'habite, où il n'y a plus de point d'eau ni de gîte ni plus rien
du tout. Cela ne me rapportera plus rien. Absolument ! Je serais, sans doute,
mort dans quelques jours de soif ou d'inanition, faute d'eau et de nourriture.
Et mon or, un autre qui passera le trouvera et en profitera. Simplifions
l'image pour qu'on comprenne mieux de quoi il s'agissait : je n'ai pas besoin
d'une personne qui lit cinq cents livres dans une bibliothèque alors qu'il ne
sait pas écrire une simple demande d'emploi ou un rapport administratif ! En
société, on a besoin du savoir pratique, le savoir de
tous les jours, le savoir utile, le savoir qui donne de la lumière à soi-même
et aux autres. Cela dit, l'utile c'est le nécessaire : c'est ce qui aide
l'Homme à affronter les aléas de la vie, c'est-à-dire si jamais la roue tourne,
il peut compter sur soi-même. Compter sur soi, c'est compter sur l'utile.
L'Homme ou plutôt l'humain c'est l'utile et l'utile ici, c'est soi-même : sa
capacité à s'en sortir, à trouver des solutions immédiates à des problèmes
urgents et ponctuels, à aller le plus loin possible, à s'armer d'éducation,
d'intelligence, de compréhension des défis du monde, de sa dextérité pour
exercer des métiers d'avenir, etc.
Les
Occidentaux ont compris cet aspect-là et mettent le paquet. Ils investissent
des milliards dans le savoir, la connaissance pour leurs propres besoins
d'abord, et libres à eux de donner ou ne pas donner aux autres de leur savoir.
Le savoir, il faut le conquérir et il ne se donne pas facilement. Et si on a le
savoir, on a 80% de la solution du problème. C'est pour cela que tout esprit
d'assistanat me paraît être un non-sens par les temps qui courent. Assistanat
spirituelle d'abord, puis assistanat matériel. Être pauvre ou assisté
volontairement, c'est devenir dépendant de l'autre. C'est compter sur sa
gentillesse et son empathie pour progresser, alors que l'on pourrait être
autonome soi-même. Et, même sans cette curieuse idée d'assistanat, on pourrait
devenir, lorsque cela se présenterait, un soutien pour l'autre. La richesse est
d'abord dans son potentiel humain. Elle n'est pas un crime ni un délit pourvu
qu'elle soit utile et pour les individus et pour la société toute entière.