Aucune
autre expression ne caractérise mieux ce monument des familles que celle du «
poids des traditions ». Le bourabah, c'était
l'armoirie d'une famille, le signe héraldique de la noble lignée de ses anciens
et le souhait de montrer son rang social. Il était lourd, cet héritage qui ne
sortait que lorsque les feuilles tombantes nous rappelaient que ce pays de
soleil se rendait compte que les saisons y avaient aussi leur place.
On le
sortait comme la relique qu'on se transmet de génération en génération, comme
les bijoux de l'arrière-grand-mère ou la chéchia du même âge. Rien que pour le
retourner, il fallait en être digne car la légèreté n'était pas du niveau de sa
noblesse. Mais de tous temps, il y a ceux qui donnent cette impression qu'ils
insultent les traditions ancestrales. Ils avaient osé mettre un drap en dessous
pour éviter une énorme rougeur dans le cou et une sensation de grattage
insupportable. Et lorsque la couette est apparue, beaucoup ont dit que c'était
la fin de la civilisation et que le grand-père a bien été heureux de mourir
sans voir l'écroulement des traditions. Pourtant, ils n'ont pas encore compris
que la grandeur des traditions ne réside pas dans un ancrage perpétuel dans le
passé. Le bourabah nous a transmis la conscience du
travail acharné du tisserand de l'époque et de l'impérative qualité. C'était la
marque de l'artisanat qui épuisait ces hommes et ses femmes courbés toute leur
vie devant le métier à tisser pour transmettre des compétences mais surtout le
prix de l'effort pour y accéder. La couette est la digne héritière du bourabah, son ancêtre en serait fier. Elle ne l'a pas tué,
elle a perpétué ses valeurs par une modernité qu'il avait conscience d'en avoir
été un des bâtisseurs au cours du temps. Le lecteur attentif à mes chroniques a
compris l'utilisation constante du second degré et de la parabole. Il y puisera
ce qu'il veut y trouver, avec sa propre interprétation.