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Un vrai Oranais ?

par Sid Lakhdar Boumediene

«Ils ont envahi la ville», «il n'y a plus de vrais Oranais», «Oran n'est plus ce qu'elle avait été». Une affirmation toujours accompagnée du murmure, du ton de la déception et de celui de la fatalité qui s'abat sur une civilisation ancestrale aux valeurs bien enracinées. Dans mon enfance, j'en étais parvenu à me demander qui était ce vrai Oranais, ce mystérieux et regretté personnage ? Exilé, décédé ou incarcéré ? Où est-il ? Je voudrais tant en voir un, juste un avant de quitter cette terre. Quel accent a-t-il ? Celui de notre voisin d'enfance ? Pas possible, il a celui de Tiaret. Ma famille ? Non, ils viennent de Tlemcen et de Saïda. Nos footballeurs ? Non, ils viennent de partout. Alors, bon sang, où est-il et qui est-il, ce vrai Oranais ? Un jour, j'avais enfin compris que je ne l'avais jamais quitté. Il m'accompagne tous les jours, on débat ensemble de tout et de rien en redessinant le monde et la société à l'image de notre sentiment. On se confie nos bonheurs et nos tristesses, nos amours et nos projets. J'avais enfin compris qu'un vrai Oranais n'était ni de quelque part, ni d'un caractère défini ni d'une langue ou d'un accent. Un Oranais, c'est celui qui aime la ville, qu'il y soit né ou non, qu'il la critique ou l'encense, qu'il en est le bienvenu et s'y sente heureux. C'est celui à qui on ne devrait exiger ni son bulletin de naissance ni son passeport pour attester de son appartenance en toutes choses et en tous lieux de ce pays. Ce vrai Oranais, c'est celui que je vois tous les jours dans la glace, c'est tout simplement moi.