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Dans les
années 60 commençait à se généraliser l'usage du stylo à bille. Il était
d'invention ancienne mais sa diffusion avait envahi les salles de classe.
C'était le diable qui entrait à l'école, la fin des boucles et reliés de
l'écriture des belles lettres avec la plume ?Sergent Major' et l'encre
violette. La culture s'était fourvoyée, la civilisation était menacée. Le
diable avait pris le pouvoir dans la grande institution de la république.
C'était ce qu'on nous disait bien que l'opposition à ce nouvel instrument du
diable ne pouvait aller jusqu'à l'interdire. L'épisode, semble-t-il,
inconcevable aujourd'hui ?
Absolument pas car ce diable est aussi ancien que les innovations humaines et abondamment présent à notre époque contemporaine. Combien nos arrières grands-parents ont dû être inquiets par l'arrivée du poste TSF, interrogatifs par la «vulgarité» des appareils de télévision, terrifiés par le magnétophone par lequel ils écoutaient leur voix pour la première fois de leur vie. Et l'invention de l'aéronef, de l'automobile et autres monstres qui semblaient s'abattre sur les populations. Dans l'époque plus récente, l'informatique, le smartphone, l'Internet et bien d'autres instruments de modernité ont fait peur aux parents, persuadés que leur rejeton ne lirait plus, ne réfléchirait plus et que leur cloisonnement dans la chambre les enfermerait dans une coupure avec le monde et la curiosité instructive. On va contrôler nos vies et nos esprits. On va alimenter les fake-news, on va imiter nos voix et nos visages. Les étudiants font leurs devoirs avec l'aide de cet outil du diable qui va se comporter comme l'inquiétant ordinateur de l'Odyssée 2001 ou Big Brother du roman de George Orwell. Et puis, comme toujours, les choses s'arrangent, l'outil est perçu comme une avancée technologique de l'humanité, indispensable à son développement et à son épanouissement. Le stylo Bic, la télévision, l'ordinateur, l'Internet et maintenant l'IA, tout cela est aujourd'hui le signe naturel des outils de la civilisation moderne. Car les cancres d'avant ne travaillaient pas, avec le stylo à bille ou non. Les jeunes, avec Internet ou pas, sont les mêmes qui réussissent ou échouent que ceux de l'époque antérieure. Ce diable, je m'y suis converti depuis longtemps. C'est vrai que c'est étonnant qu'il soit au service du bien de l'humanité. En quelque sorte, un diable qui a raté sa vocation. |
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