Tout le
monde connaît cette image de l'exode des pieds-noirs
d'Algérie. Une main devant, une main derrière, c'était la montée et la descente
de la passerelle du bateau, si étriquée à l'époque qu'il fallait transporter
les bagages, l'un devant, l'autre derrière. C'est ainsi que cette phrase est
devenue le symbole d'un exil des colons et que beaucoup avaient payé
l'aveuglement de nombreux autres. Aux mêmes causes, les mêmes conséquences, on
ne peut donc s'imaginer que la politique de colonisation d'Israël au mépris de
toutes les résolutions internationales et des accords ne puisse pas un jour
voir se reproduire le même départ, une main devant, une main derrière.
L'obstination du gouvernement israélien à restituer les colonies occupées
illégalement ne favorise pas un avenir certain de ce pays dans la région, la
force n'est jamais suffisante lorsqu'elle est au service d'une colonisation
territoriale. Il faut le reconnaître, beaucoup de juifs dans le monde, y
compris des Israéliens, se sont exprimés par des manifestations contre la
politique de massacre de la population à Ghaza « Not
in my name ». Mais ils sont
si peu nombreux dans la masse qu'ils sont encore inaudibles. Le sursaut
national suite à l'exécution et à la prise d'otages d'Israéliens et étrangers
ne donne pour l'instant aucun espoir de voir surgir une montée massive de la
contestation interne et internationale des opposants juifs. La déclaration la
plus convaincante de ces jours-ci est celle de Jacques Attali, ancien
conseiller du président François Mitterrand et essayiste : «Benjamin Netanyahu
est l'un des pires ennemis pour la survie de l'État d'Israël». Cette remarque
sonne comme une vérité de la raison même si elle semble improbable pour le
moment. Jamais Premier ministre israélien n'a été aussi farouche conservateur
et inflexible sur la question palestinienne. Jamais on a
vu pareille alliance avec des partis religieux extrémistes, favorables aux extensions
territoriales. Israël est dans une impasse historique, poussé à ses derniers
retranchements dans une fuite en avant qui ne tient qu'à l'aide d'une perfusion
par son indéfectible allié, les États-Unis. Si ces derniers ne semblent pas du
tout prêts à abandonner ce pays, les fronts se multiplient, la Chine et l'Iran
pour les principaux qui ne pourront plus laisser de place à une aide si massive
pour Israël. Si la population immigrée majoritaire, les Mexicains sont encore
une réserve pour le Parti conservateur, en sera-t-il toujours le cas ? Quant
aux juifs américains, nous arrivons à la quatrième génération qui a fait suite
à l'holocauste ainsi que la création de l'État d'Israël. L'attachement à ce
pays se délitera petit à petit et ne restera plus qu'une patrie lointaine,
certes encore présente dans leur esprit, mais le sentiment n'aura plus cette
force émotionnelle si puissante. Il est paradoxal de le dire mais Israël a
perdu depuis longtemps ses chances de survie. Répétons-le, lorsque la force
militaire n'est plus que le seul argument de colonisation, c'est l'annonce
d'une défaite assurée et d'un départ programmé.
Une main
devant, une main derrière.