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À d'autres
époques, d'autres mœurs et surtout d'autres approches médicales. La compétence
des anciens n'est absolument pas remise en cause car il ne s'agit pas là de la
fiabilité de l'expertise médicale mais de l'approche au patient et des
conditions qui étaient disponibles à ce moment. C'est ainsi qu'on nous a
expliqué pendant des décennies que la douleur n'était pas prise en compte, ou
très peu, dans les études médicales. Une question d'approche psychologique
différente selon les époques. Dans mon enfance oranaise, mon sentiment était
ambivalent lorsque la fièvre arrivait. Un diable dans mon oreille gauche me
disait que je n'irai pas à l'école et que c'était chouette. Dans mon oreille
droite un ange m'avertissait que le feu de l'enfer s'abattrait sur moi (une
plus forte fièvre) si je ne passais pas l'épreuve redoutée. Les docteurs de
l'époque se déplaçaient à la maison. La sonnette de la porte me faisait bondir,
le brigand n'a pas eu un accident sur la route. «Bonjour mon petit gars, alors
comme ça, on est malade !». Ce docteur n'avait pas été au courant des cachets
d'antibiotique. Dès que vous lui adressiez un mot, il vous répliquait par la
terrible phrase : «Je vais te faire une piqûre de pénicilline». On avait
l'impression que sa seule thérapie était la piqûre de pénicilline. Un mal à la
gorge, et hop, une piqûre de pénicilline ! Un mal au genou, et hop, une piqûre
de pénicilline ! Un chagrin d'amour à l'école, et hop, une piqûre de
pénicilline ! On avait donc l'impression que ses études de médecine s'étaient
arrêtées à la page «et hop, une piqûre de pénicilline !». Et là commence le
spectacle du drame, c'est que cet assassin était un maître du cérémonial avant
la mise à mort. Il faut bien vous rendre compte que la piqûre de cette époque,
ce n'était pas la même histoire. Le docteur sortait une boîte en métal et en
l'ouvrant avec un si grand cérémonial, vous tremblez devant l'engin. Une énorme
seringue avec trois parties séparées, une tige qui ressemblait à un sabre de
samouraï, un réservoir aussi grand que celui des cuvettes de l'hôpital et une
espèce d'engin terrifiant, celui qui devait pousser le liquide mortel. Alors,
il demandait qu'on fasse bouillir les instruments du diable car à cette époque,
les seringues jetables, walou ! Et de la chambre vous
entendez l'eau bouillir avec le pétillement des entrailles d'un volcan. Mais ce
n'est pas fini, les casseroles de l'époque était d'un acier qui ferait démolir
la tête de celui qui s'attaquerait à la cuisinière. Et vous entendez les trois
parties de la seringue s'entrechoquer et, surtout, cogner les parois de la
casserole avec fracas. Un vrai «supplice chinois» avant de passer à
l'exécution.
Puis il ouvre un flacon, plonge l'aiguille dans une fiole de pénicilline comme les sorcières d'antan avaient leurs fioles à préparer le produit maléfique. Et n'allez pas penser que c'est le très léger mouvement de seringue de la période actuelle. Pas du tout, à cette époque, les médecins et les infirmières levaient très haut la seringue pour prendre de l'élan et permettre une bonne pénétration dans la peau. Puis il remettait la seringue dans l'étui métallique, car ce sérial killer allait reproduire le même scénario de son crime à la pénicilline dans les maisons où l'attendent des pauvres bougres comme moi, incapables à notre jeune âge de repousser le monstre. Depuis, à chaque fois que je rencontre un médecin dans son cabinet, je prie le ciel qu'il n'ait pas fréquenté le docteur à la seringue dans la même université de médecine et qu'il soit au courant, lui, de l'existence des comprimés de pénicilline ou de ses variantes. Les époques changent, les mentalités avec. |
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