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Fin de la guerre en Ukraine à l'intégration inévitable de l'Inde, du Pakistan au Conseil de sécurité  - Le Plan B américain (1ère partie)

par Medjdoub Hamed

On peut se poser la question à juste raison pourquoi, le 20 septembre 2022, le président français, dans son discours à l'Assemblée générale de l'ONU, a demandé la réforme du Conseil de sécurité ; il a insisté sur la nécessité de prévenir une logique de « blocs » alertant sur un risque de « division du monde ». Quelques points essentiels de son discours à l'ONU :

« J'appelle à cette tribune les membres des Nations unies à agir pour que la Russie renonce au choix de la guerre, en mesure le coût pour elle-même et pour nous tous et mette un terme à son agression. Il ne s'agit pas ici de choisir un camp entre l'Est et l'Ouest, ni entre le Nord et le Sud. Il s'agit de la responsabilité de tous ceux qui sont attachés au respect de la Charte et à notre bien le plus précieux, la paix, car au-delà de la guerre, c'est un risque de division du monde qui se joue en raison des conséquences directes et indirectes du conflit. [...]

La première par principe, et je viens de l'évoquer. Notre organisation porte des valeurs universelles, ne laissons pas s'installer l'idée sourde qu'il y aurait dans les valeurs de la charte quelque chose de régional, d'adaptable. Notre organisation a bien des valeurs universelles et la division face à la guerre en Ukraine est simple : êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort, le non-respect de l'intégrité territoriale des pays et de la souveraineté nationale? Êtes-vous pour ou contre l'impunité ? [...]

Notre responsabilité commune est plutôt d'œuvrer pour aider les plus fragiles, les plus touchés à faire face à tous ces défis. Narendra MODI, le Premier ministre de l'Inde, a eu raison de le dire : l'heure n'est pas à la guerre. Elle n'est ni à la revanche contre l'Occident, ni à l'opposition de l'Ouest contre le reste. Elle est au sursaut collectif de nos pays souverains et égaux face aux défis contemporains. C'est pourquoi il est urgent de bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud, un contrat efficace et respectueux pour l'alimentation, pour le climat et la biodiversité, pour l'éducation. Le temps n'est plus aux logiques de blocs, mais à la construction de coalitions d'actions concrètes permettant de concilier intérêt légitime et bien commun. [...]

Les membres du P5 ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire. Et s'ils l'ont, et ils l'ont incontestablement, cela ne peut désormais fonctionner que si nous sommes capables d'œuvrer plus largement au consensus international nécessaire à la paix.

C'est pourquoi je souhaite que nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité afin qu'il soit plus représentatif, accueille de nouveaux membres permanents et reste capable de jouer tout son rôle en limitant le recours au droit de veto en cas de crimes de masse. Ce qu'il nous faut faire ensemble, c'est bâtir la paix et l'ordre international contemporain au service des objectifs de notre Charte. Sur ce chemin, les Nations unies pourront indéfectiblement compter sur la France. Sur ce chemin, chaque pays ici présent pourra indéfectiblement compter sur la France. » (1)

Dans ce discours, on retient la proposition du président français d'élargir le « privilège » du droit de veto à d'autres membres ; les seuls pays qui détiennent le droit de véto sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, la Russie et la Chine que l'on désigne parfois en P5 ; et depuis la création du Conseil de sécurité, le 17 janvier 1946.

Le jour suivant, le 21 septembre 2022, c'est au tour du président américain Joe Biden de s'exprimer. Dans un discours très attendu à la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies, le président américain a prononcé une ferme condamnation de la Russie, accusant Moscou d'avoir « violé de manière éhontée les principes de la Charte des Nations unies » en envahissant l'Ukraine. « Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, chers dirigeants.

Au cours de l'année écoulée, notre monde a connu de grands bouleversements : une crise croissante de l'insécurité alimentaire ; des records de chaleur, d'incendies, d'inondations et de sécheresses ; la COVID-19 ; l'inflation et une guerre brutale, inutile. Une guerre qui est le choix d'un seul homme, pour dire les choses telles qu'elles sont. Parlons clairement. Un membre permanent du Conseil de sécurité a envahi son voisin et tenté de rayer un État souverain de la carte. La Russie a violé sans vergogne les principes fondamentaux de la charte des Nations unies. Aucun n'est plus important que l'interdiction claire intimée aux pays de prendre de force le territoire de leur voisin. Une fois de plus, pas plus tard qu'aujourd'hui, le président Poutine a ouvertement proféré des menaces nucléaires contre l'Europe, au mépris irresponsable des obligations qui découlent du régime de non-prolifération. Maintenant la Russie appelle de nouveaux soldats à prendre part au combat. Et le Kremlin organise des simulacres de référendum pour tenter d'annexer des parties de l'Ukraine, une violation extrêmement grave de la charte des Nations unies.

Le monde doit voir ces actes scandaleux pour ce qu'ils sont. Poutine prétend qu'il était forcé d'agir parce que la Russie était menacée. Mais personne ne menaçait la Russie. Personne, sauf la Russie, ne recherchait un conflit.

En fait, nous avions prévenu qu'il se profilait, et avec beaucoup d'entre vous, nous avons cherché à l'éviter. [...]

Cette guerre vise à supprimer le droit de l'Ukraine à exister en tant qu'État, tout simplement, et le droit des Ukrainiens à exister en tant que peuple.

Qui que vous soyez, où que vous viviez, quelles que soient vos convictions, cela devrait vous glacer le sang. [...]

Je crois aussi que le temps est venu où cette institution doit devenir plus inclusive afin de mieux répondre aux besoins du monde d'aujourd'hui. Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis y compris, doivent systématiquement soutenir et défendre la charte des Nations unies, et s'abstenir de faire usage de leur droit de veto, sauf dans des situations rares et extraordinaires, afin de garantir que le Conseil reste crédible et efficace.

C'est aussi pourquoi les États-Unis soutiennent l'augmentation du nombre de représentants permanents et non permanents du Conseil. Cela implique des sièges permanents pour des nations que nous soutenons depuis longtemps et des sièges permanents pour des pays d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes. [...] Permettez-moi d'être direct concernant la concurrence entre les États-Unis et la Chine. Face à l'évolution des tendances géopolitiques, les États-Unis se conduiront en chef de file responsable.

Nous ne voulons pas de conflit. Nous ne voulons pas de guerre froide. Nous ne demandons à aucun pays de choisir entre les États-Unis ou tout autre partenaire.

Mais les États-Unis feront sans complexe la promotion de leur conception d'un monde libre, ouvert, sûr et prospère... » (2)

Que peut-on dire de ces deux discours les 20 et 21 septembre 2022, à l'Assemblée des Nations unies, d'abord par le président français le premier jour suivi du président américain ? Il est évident que pour vouloir réformer le Conseil de sécurité, et c'est le président de la première puissance du monde en personne qui le demande, et il est aidé par son allié ; et il y a des motifs très forts qui les poussent. Qu'en est-il de ces motifs ?

Pour comprendre ces motifs, il faut d'abord dire que la guerre en Ukraine pose un grand problème à la puissance américaine, et le président américain le souligne dans son discours à l'ONU et il le dit : « Face à l'évolution des tendances géopolitiques, les États-Unis se conduiront en chef de file responsable. » Le message est donc clair et il est adressé au monde entier, en particulier à la Russie et à la Chine; et peu importe l'évolution de la guerre en Ukraine, et ce qui résultera de cette guerre, les États-Unis « s'interposeront » obligatoirement dans ce qui découlera dans l'après-guerre « si le dénouement ne leur sera pas favorable ».

A suivre

*Auteur, chercheur en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective

Notes

1. Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur le conflit en Ukraine et les défis en matière de relations internationales, à New York le 20 septembre 2022.

https://www.vie-publique.fr/discours/286370-emmanuel-macron-20092022

2. « Discours du président Biden à la 77e session de l'Assemblée générale des Nations unies », Traductions en français. September 21, 2022

https://www.state.gov/translations/french/discours-du-president-biden-a-la-77e-session-de-lassemblee-generale-des-nations-unies/