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Le dernier cran...

par Abed Cherifi

En attendant de nous convaincre de consommer algérien - un peu comme préférer notre pain rassis au pain blanc des autres -, voilà que l'on apprend que des cargaisons de légumes secs ont été importées pour inonder le marché. C'est l'histoire «vache» racontée, les lèvres... cousues de fil blanc, d'un homme qui fit tout son beurre en sectionnant tous les pis taris de ses vaches sacrifiées. Traversant une longue et douloureuse période de vaches maigres, il serra la ceinture jusqu'au dernier cran. Cultivant ses champs comme une « terre brûlée», il décida de ne pas sacrifier la bête à traire, avant de voir grandir le veau. Et le veau brama pour devenir gros bœuf. Sans jamais s'engraisser assez pour devenir ce taureau géniteur, et prendre la tête de la grande bergerie.

En voulant toujours fabriquer plus de beurre, il se rendit compte, trop tard, que ce n'est pas la vache qui beugle le plus fort qui donne le plus de lait. Il eut son plus grand malheur lorsqu'un jour sa vache préférée agressa son bœuf, devenu comme fou... à lier. Et comme une vache, vue de loin, a toujours plus de lait, il décida de boire du lait, le jour où toutes ses vaches ont bien voulu manger du pain blanc. Mais comme il faut toujours flatter la vache avant de la traire, il se fourra le nez dans la bouse en découvrant que la robe ne fait pas la vache. Ne croyant jamais pouvoir manger un jour de la vache enragée, il eut recours à sa vache sacrée, décida de fabriquer le meilleur fromage de la région.

Victime d'un complot innommable, il fut arrêté et jeté en prison. A l'issue d'un procès ubuesque, il fut inculpé pour intoxication collective... au fromage frelaté. Il passa vingt ans, de sa triste vie, derrière quatre murs décrépis. Dans l'intimité du cachot, il écrivit un Livre blanc... de poche sur l'homme qui marcha sur la prune ! Dans son « grimoire», il dépeint, avec une plume érodée, la triste saga d'un homme de la terre qui vit toutes ses cultures frappées d'une curieuse maladie. Devenu comme barjot, il décida de brûler toutes ses terres qui donnèrent, la saison suivante, un meilleur blé que le meilleur des avrils pluvieux. Il contribua, ainsi, contre sa propre volonté, à réduire de deux iotas la «douloureuse bouftancière» du bled.