Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Liberté et exil...

par Kamal Guerroua

Je veux chanter, répétait Michel Berger, pour ceux qui sont loin de chez eux. Croire avoir perdu ce qui n'a, en fait, jamais été sien (une terre, une patrie, une âme, etc.) est pour un être humain aussi douloureux qu'une perte réelle d'un proche parent. Or, l'appartenance est, en réalité, une illusion, voire presque un grand mensonge. Avant que je me dise par exemple Égyptien, Anglais, Russe, il va falloir, de prime abord, que je me revendique «Humain». Car, ce qui nous relie aux autres, c'est avant tout notre «Humanité», et puis, on n'est pas la propriété de quelqu'un ou de quelque chose d'autre! Notre libre-arbitre ne dépend pas «souvent» de l'extérieur, mais de l'intérieur de nous-mêmes, de nos êtres profonds, de nos tripes. On est ce que l'on est et non pas ce que les autres veulent qu'on soit. Certes, ce n'est pas ici la règle, mais c'est le principe qui fonde l'existence elle-même. S'appartenir à soi-même vaut mieux davantage, sur l'échelle des valeurs morales, que d'appartenir à quelqu'un ou quelque chose d'autre. S'appartenir, c'est le principe même de l'humanité, de la liberté. Si les cigognes et les hirondelles partent et reviennent au gré des saisons à la terre d'où ils sont partis, c'est qu'ils s'y attachent d'une manière ou d'une autre pour diverses raisons. Mais ce qui est peut-être certain, c'est que, c'est dans ce mouvement migratoire qu'ils trouvent leur propre liberté.

La liberté d'être eux-mêmes partout et nulle part, la liberté de n'appartenir à personne, la liberté de pouvoir n'avoir plus de racines, la liberté d'être heureux, hors contrôle, hors frontières, hors atteinte. Le sentiment d'exil, m'expliquait un prof de littérature comparée, est quelque chose qui vient de très loin, de la toute petite enfance sans doute, de la première séparation d'avec le ventre de sa mère. Pour lui, certains enfants y abandonnent leurs racines, et en grandissant, ils auront du mal à se sentir chez eux où qu'ils aillent. D'autres, par contre, arracheront ces racines-là du ventre de leurs mères pour les porter éternellement à l'intérieur d'eux-mêmes.

Ainsi, en leur joignant des ailes, ils se sentiront bien partout. Avoir des racines sans ailes est un malheur car, quoiqu'on fasse, on ne fera que tourner autour du pot, sans aucune perspective d'ouverture ou de progrès vers l'autre, vers l'extérieur. Et avoir des ailes sans racines, est plus qu'un malheur, une tragédie, d'autant que, si ce sont nos ailes qui portent nos âmes et non pas le contraire, ce sera un danger certain, porte de toutes les dérives...