Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

BRICS ou pas, l'important est ailleurs

par El Yazid Dib

Fallait-il attendre un test de candidature pour que l'on soit pensif comment nous fixer à nos espoirs ? Si certains se délectent du revers et invoquent comme raisons tout un chapelet de malformation économique congénitale, de discours euphoriques prématurés, d'éveil tardif à l'aube d'un nouveau monde, de ramener tout à l'Etat, ils ne listent rien de ce qu'ils doivent faire à leur tour. Si comme ils attendaient un coup de main messianique ou un chariot élévateur providentiel. L'on ne fera pas élire le pays aux podiums des nations sans une discipline civique fortement citoyenne et un élan numérisé divinisant le travail. L'on parle de frustration, de désillusion, de désespoir, juste parce qu'une porte qui nous paraissait entr'ouverte, qui nous suggérait épanouissement et félicité, s'est dressée en portillon de contrôle, un sas difficile d'accès. S'il faudrait plus de punch, qu'à cela ne tienne. Savoir qu'un pays est plus qu'un bout de territoire et ne peut se nourrir uniquement de son sous-sol est déjà une main de posée sur n'importe quelle porte de club.

Reste cette prise de conscience que l'on ne peut aller de l'avant ni côtoyer les puissances sans avoir à se recycler, oublier le beylik, les chaînes, la paperasse, sacraliser le travail, ovationner le mérite, fédérer les compétences, savoir administrer, bâtir, enseigner, rendre justice, produire, consommer, aimer et s'aimer. Pour notre bien-être, ce désaveu «bricsiste» est un bienfait. Il nous fait placer dans une balance dont le cadran de la pesée n'est ni à nos commandes ni en des coulisses. Il nous montre, tel un bilan d'un œil extérieur, sans fard ni manipulation l'état de notre santé. Il nous décèle nos pathologies et nos affections latentes. Une vérité qui, d'ailleurs, ne doit pas nous offusquer ou nous être amère. La seule amertume qui nous tenaille, c'est ce temps perdu et depuis longtemps par un pouvoir occupé à gérer les équilibres et régler des comptes. L'amertume qui fracasse aujourd'hui nos faces est cette ivresse qui nous aveugle jusqu'à prendre la construction d'une mosquée Mihrab en mains pour la prouesse du siècle et des textes du Journal officiel pour des œuvres curatives de tous nos maux. Avec ou sans ce club, l'heure est donc au traitement radical, à un vrai diagnostic. Il nous fera montrer les failles de tous nos systèmes. De la banque et ses dinars, des prix et des salaires, des élections et des libertés d'expression. Le premier ennemi de ce pays n'est pas à l'étranger. C'est ici qu'il se niche, s'installe dans les couches de la rente, arrondit le dos, tout fier. Il est dans la peau de l'hypocrite, l'opportuniste, le profiteur. C'est ce gars-là qui applaudit sur tout, qui se goinfre à tous les râteliers du paysage politique, qui change de brassard à chaque changement d'équipe. C'est ce type-virus, citoyen contrefacteur qui gangrène la santé du pays. Il y a aussi cette épidémie à la course vers le confort, le gain sans le moindre effort. Le peuple tout entier est en concomitance responsable au même titre que ceux qui le gouvernent. S'il appelle ses dirigeants à plus de performance, il est appelé à son tour d'amadouer la frénésie revendicative des droits et ne pas se plaire dans l'abstraction des devoirs ou se complaire dans leur inaccomplissement. Un peuple figé et impassible qui, surtout, s'assoupit sur l'exploit de ses épopées ou s'adosse aux vaillances de ses héros, n'embrassera aucun triomphe. Un dirigeant qui ne fonctionne qu'aux ingrédients du pire populisme et aux verbes prometteurs ne verra aucune gloire. L'important est donc ailleurs. Fi'ha khayr inchallah.