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Dans un monde en constante évolution, d'anciens
métiers tendent à disparaître, oubliés par les générations passées et méconnues
par celle actuelle. A l'image de l'horlogerie, la sellerie-bourrellerie, la
ferronnerie et bien d'autres anciens métiers, la boulangerie traditionnelle
s'est quasiment éteinte dans la région extrême Ouest. Seul subsiste un ultime
four traditionnel « ferrane», symbole fort de la vie
sociale et patrimoine local perpétuant la tradition de cuisson du pain au feu
de bois. Situé au cœur du quartier historique Matmore,
et jusqu'à un passé récent, ce four était conçu en pierre et le toit en poutre
de bois avant qu'il soit restauré par son propriétaire, Kamel. « Les quelque 6
« ferranes », après avoir marqué l'histoire de cet
ancien quartier, ont disparu les uns après les autres. Le dernier est celui qui
était exploité, près de l'école «matmore », par
Mustapha Etterrah, témoigne, non sans amertume,
Kamel, soixantenaire propriétaire et enfourneur du
dernier four traditionnel qui semble avoir le métier dans les tripes. « Ce
centenaire four avait été repris par mon père après la mort de mon oncle qui le
détenait. J'ai ensuite emboîté le pas à mon père dans ce métier», dit-il. Initialement
cet espace qui avait sa place dans l'organisation structurelle traditionnelle
des quartiers avait pour principale vocation la cuisson du pain et celle des
gâteaux traditionnels à l'approche de l'Aïd El Fitr
et également les petits pains ronds (grissa) décorés
aux bonbons avec un œuf apparent au centre qui sont offerts aux enfants lors de
la fête de Yennayer. Cependant, l'avènement des fours
électriques et à gaz qui ont équipé les boulangeries a favorisé la
disponibilité du pain boulanger qui, avec le temps, a fait se détourner
jusqu'aux plus adeptes de la cuisson du pain au feu de bois.
La fabrication du pain traditionnel est actuellement considérée comme trop contraignante. Les nouvelles tendances de consommation ont également contribué au déclin de l'utilisation du four traditionnel pour la cuisson du pain. «Cet unique four traditionnel ne survit aujourd'hui que grâce à mon grand attachement à ce métier lequel ne nourrit plus son homme. Par moment je n'ai même pas de quoi payer le transport du bois qui me sert pour la cuisson et qui m'est souvent offert gratuitement », tient à souligner notre interlocuteur qui ajoute qu'« il très fréquent que je fasse des recettes inférieures à 500 DA par jour par manque de clientèle. Heureusement, je bricole à gauche et à droite pour arrondir les fins de mois ». En dépit de cela, Kamel se montre tenace, et ouvre son four, à la commande, pour la cuisson de toutes sortes de produits. Cela va des cacahuètes aux poivrons en passant par les « tajines », « tanjra », poulet... «En dépit des maigres rentrées financières, je continuerai à faire fonctionner ce four au bois pour les rares clients qui continuent à privilégier le bon pain cuit au feu de bois jusqu'à la fin de mes jours et ce pour la seule satisfaction de participer à la préservation des valeurs ancestrales », précise notre interlocuteur. La période qui précède l'Aïd semble être la seule période où notre interlocuteur vit pleinement sa passion. «A l'approche de l'Aïd, je retrouve mon enthousiasme et ouvre volontiers mon four pour la cuisson des gâteaux traditionnels de circonstance, ce qui me permet de me ressourcer et surtout pour ne pas priver les séniors des senteurs des gâteaux de leur jeunesse, caractéristiques de la fête de l'Aïd, et d'apprécier avec eux les délices d'un temps révolu et également pour permettre aux plus jeunes de découvrir le goût authentique et la valeur de ce patrimoine culturel ». Cet espace est plus qu'un four, c'est un monument historique qui témoigne d'activités révolues d'avant la boulangerie actuelle dans toute la région et qui survit toujours grâce au dévouement de Kamel. Afin que soit perpétué ce genre d'héritage culturel, un soutien est crucial pour ces artisans qui, faute de moyens, « disparaissent » à travers toute la wilaya. |
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