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Environnement tumultueux

par Abdelkrim Zerzouri

Empruntant le même rythme de la réconciliation des mémoires, la politique des petits pas, la commission mixte d'historiens algériens et français, décidée par les présidents, algérien, Abdelmadjid Tebboune, et français, Emmanuel Macron, à l'occasion de la visite de ce dernier en Algérie, en août 2022, ne semble pas avancer dans son travail. Les dix historiens membres de cette commission, cinq algériens et cinq français, qui doivent se pencher sur les archives de la colonisation, jusqu'aux origines, et de la guerre d'Algérie, n'ont pas réalisé grand-chose de leur mission. Si l'on se fie à ce qui a été rendu public dans ce sens, les cinq membres de la commission, côté français, ont été désignés, en janvier 2023, soit cinq mois après l'annonce de sa création, un peu plus tôt côté algérien, alors que la première réunion, et l'unique réunion, entre les dix membres, a été tenue en vidéoconférence le 19 avril dernier. Puis, rideau. Que se passe-t-il ? S'agit-il de problèmes bureaucratiques, d'une mauvaise volonté politique ou de parties qui mettent les bâtons dans les roues pour que rien n'avance dans le sens de l'émergence d'un dialogue mémoriel qui ouvrirait la voie à une véritable réconciliation sur ce registre sensible ? L'historien Benjamin Stora, qui co-préside cette commission, a donné une bribe de réponse à ces questions lors d'une intervention, le 19 mai dernier, sur les ondes de Radio France internationale (RFI), révélant que la prochaine réunion est prévue, théoriquement, vers la mi-juin. Mais il a été très critique dans ce contexte à propos du manque d'entrain des autorités françaises, allant jusqu'à dire que la commission d'historiens français « ne peut pas continuer à fonctionner sur le bénévolat ». Comment peut-on créer une commission sans lui donner les moyens, pas même d'honoraires ? Cela a créé des doutes dans les esprits des concernés eux-mêmes, directement engagés dans cette mission. M. Stora a soutenu que « du côté français, le problème qui va se poser est celui des moyens pour le fonctionnement de ce travail qui est énorme. « Personnellement, a-t-il souligné, j'ai travaillé bénévolement sur le rapport et je continue à le faire depuis 3 ans, mais il faut que les autorités dégagent les moyens pour la commission. Il faut un secrétariat, des assistants, etc. ». Le président Macron est au courant, donc, de ce manque de moyens dédiés aux membres français de la commission d'historiens, et sa réaction devrait mieux éclairer la situation dans ce sens.

 Parce que, il se peut que d'autres parties soient derrière ce blocage purement bureaucratique. Rien n'est à exclure quand on sait que ce dossier mémoriel très complexe reste otage des sensibilités et des courants de l'extrême droite française. Selon l'avis d'autres observateurs, le travail de la commission mixte d'historiens subit les effets des relations diplomatiques entre les deux pays, qui passent par une période d'hésitations difficile à cerner pour le moment.