«Les Algériens ont de l'argent et ils ne savent pas quoi en
faire», confie au chroniqueur une tempe grise, fonctionnaire de l'Etat depuis
plus de 40 ans?, mais toujours sans logement ni voiture personnels. «Oui,
beaucoup d'Algériens ont de l'oseille, mais ils ne veulent pas le montrer, ils
ont peur du mauvais œil» ! insiste mon interlocuteur.
Et comme pour donner la preuve du bien-fondé de ses propos, il me parle de ce
père de famille qui a acheté? en guise de cadeau d'anniversaire à son rejeton
gâté une Fiat 500 payée 235 millions rubis sur l'ongle ! Pourtant, d'un coup,
tout le monde s'est mis à manquer de sous. Même ceux supposés pleins aux as se
plaignent du rétrécissement de leurs portefeuilles. Et comme il faut bien
donner à manger au peuple, les autorités tentent de calmer la colère du front
social en ajoutant quelques sous aux bulletins de salaire et autres pensions de
retraite. De nature partisan du moindre effort, comment l'Algérien moyen peut-il
espérer améliorer sa condition sociale s'il continue à courir après l'huile de
table au lieu de produire de l'huile de coude ? Comme réveillé d'un long
sommeil pour avoir été pendant longtemps gavé de bobards et autres boniments,
l'Algérien se retrouve face à face avec son destin et droit devant l'austère
nudité de la vérité. L'Etat-providence est bel et bien mort et enterré et
chacun doit, aujourd'hui, se mettre dans la caboche que celui qui ne travaille
pas n'aura plus droit au pain quotidien. Et cela risque d'arriver plus tôt que
prévu, avec l'abandon progressif des subventions publiques. Une chose est sûre
: des résistances au changement vont se dresser sur le long chemin de la remise
sur rail du pays, longtemps abandonné aux mains baladeuses. Il faut le dire et
le répéter : les Algériens doivent faire l'effort de participer au sauvetage du
pays, puisque si le gigantesque paquebot doit couler, tout le monde y laissera
sa peau. Le pays n'a pas encore coulé sous le poids écrasant de ses 45 millions
de bouches ouvertes? aux quatre chances... L'urgence absolue est de se remettre
au travail. Et le plus tôt serait le mieux.