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Manipulation multiple ?

par Abdelkrim Zerzouri

Les migrants clandestins subsahariens sont toujours sous les feux de la rampe. Cette fois-ci, c'est vers la Tunisie que les projecteurs sont braqués, pour montrer au monde qu'ils sont victimes d'un discours « raciste et haineux ». Le président Kaïs Saïed, qui avait appelé son gouvernement à prendre des « mesures urgentes » contre la migration irrégulière des citoyens des pays d'Afrique subsaharienne, affirmant que leur présence en Tunisie est une source de « violences, de crimes et de pratiques inacceptables », ne s'attendait certainement pas qu'il allait déclencher des réactions en chaîne dénonçant dans leur ensemble, hormis quelques figures de l'extrême droite française, les propos du président tunisien.

 A commencer par les Tunisiens qui ont manifesté par centaines à Tunis, samedi, contre le « racisme » et la rhétorique dure envers les migrants des pays d'Afrique subsaharienne, appelant le Président Kais Saied à présenter ses excuses à cette communauté. Quoique cette masse de manifestants, même s'il existe en son sein des voix sincères, porte les relents politiciens de voix d'opposants naturels au président tunisien, qui aurait trouvé occasion de manifester contre lui s'il avait tenu des propos contraires. Aussi, on ne trouve aucun soutien au président tunisien sur le plan continental. La Commission de l'Union africaine (UA), à travers un communiqué, a « fermement » condamné, par l'entremise de son président, Moussa Faki Mahamat, les « déclarations raciales choquantes » du président tunisien, Kaïs Saïed, à l'encontre des « compatriotes africains ». La même source a relevé que le Représentant Permanent de la Tunisie accrédité auprès de l'Union Africaine a été reçu par la Vice-Présidente de la Commission, Monique Nsanzabaganwa, qui lui a exprimé les « vives préoccupations de l'Union africaine quant à la forme et le fond de la déclaration ciblant des compatriotes africains, nonobstant leur statut légal dans le pays ». Même son de cloche chez les organisations non gouvernementales, et quelques pays africains, qui ont exprimé leur condamnation des propos en question.

 Pourtant aucun pays au monde ne tolère la présence de migrants clandestins sur son sol. Les associations de défense des Droits humains et la Société civile n'ont pas les mêmes soucis que les pouvoirs publics face au phénomène de la migration clandestine. Les uns, mus par un sentiment humanitaire, cherchent à aider ces personnes qui ne fuient pas leur patrie par plaisir, et les seconds cherchent à protéger leur pays des menaces sécuritaires et sociales accompagnant ces flux migratoires illicites. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Nabil Ammar, a montré son « étonnement » face à ces réactions en chaîne condamnant les propos du Président Kaïs Saied. « Pourquoi ce discours raciste et haineux, quand il est tenu par d'autres pays que la Tunisie, personne ne le conteste, personne ne le critique ? », s'est-il interrogé dans ce sillage. Non sans opposer que « les propos du Président Kaïs Saïed n'ont rien d'injustifié et d'anormal, n'ont rien d'un discours haineux ». Le ministre tunisien des Affaires étrangères, qui a relevé que les migrants eux-mêmes sont des victimes de la traite des êtres humains, croit dur comme fer qu'il y a « une manipulation multiple » dans cette affaire. Une histoire d'eau pour faire tourner le moulin des opposants ?