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Avant
tout, il me semble important de rappeler qu'aucun pays au monde ne peut se
vanter d'avoir mis en place un système de santé parfait pouvant servir de
modèle aux autres !
Tout en sachant qu'un système de santé doit décrire les moyens organisationnels et stratégiques mis en place par chaque pays afin d'assurer une continuité, une qualité et même une équité des prestations en matière de santé médicale, il est souvent présenté avec une vision réductrice en le confondant avec un système de soins de santé dans lesquels on ne définit pas les grandes lignes directrices d'une politique de santé mais plutôt les règles de fonctionnement général à la manière d'un véritable code de santé publique fixant des règles, des normes, des limites, énonçant des principes fondamentaux de protection générale de la santé et consacrant le droit à la santé des citoyens. Il représente en fait un texte de base utile en termes de dispositions générales en santé et il porte l'appellation de loi sanitaire ! Comme cela est connu de tous, professionnels de la Santé ou autres, la pandémie de Covid-19 a indéniablement et, malheureusement, permis de révéler, dévoiler, ou mettre en évidence, avec une acuité extrême parfois, les différentes failles, généralement cachées, en matière d'organisation, de préparation et de réponse face à une épidémie par les hôpitaux eux-mêmes ainsi que les administrations compétentes en la matière, les différences de couverture sanitaire, très souvent criardes, entre les différents pays du monde, voire même les différentes régions d'un même pays, elle a aussi, en outre, permis de mettre en valeur les forces de certains autres pays. Certains autres pays considérés et qualifiés de modèle sont apparus en difficulté. Elle a aussi eu des conséquences dévastatrices sur tous les systèmes de santé dans le monde qu'elle a sérieusement ébranlés, du mieux jusqu'au moins bien organisé nous en avons ressenti, aussi chez nous en Algérie, les terribles secousses. Avant de fermer cette parenthèse Covid-19, il me paraît important de souligner l'engagement total de la nation et de l'ensemble des forces vives de notre pays, avec à leur tête, notre glorieuse « armée blanche », tous corps confondus, qui est restée lucide, déterminée jusqu'à l'épuisement et parfois jusqu'à la mort, dans la lutte contre cette épidémie, et ceci sans oublier ses nombreux martyrs du devoir, à qui nous leur rendons, ici, un vibrant hommage. Avant tout, il me semble utile de rappeler que la santé d'un peuple est un atout majeur pour l'édification et le développement individuel, sociétal, économique et social d'un pays, c'est un des véritables piliers stratégiques d'une société comme le sont l'Education, la Justice et la Défense pour ne citer que ceux-ci et que des contraintes multiples compromettent l'efficacité et les performances du système de santé de nombreux pays. L'évaluation d'un système de santé selon l'OMS doit se faire sur les résultats obtenus tant sur le plan de la qualité que sur le plan de l'équité des prestations et comporte 02 grands volets, un volet quantitatif et un volet qualitatif : 1/ Evaluation «quantitative» dans laquelle 03 critères principaux sont pris en considération : - l'amélioration de la santé, notamment physique et mentale, des citoyens dont l'indicateur principal en est l'espérance de vie. - la réactivité du système face aux différentes situations de crises endémiques ou épidémiques qui peuvent survenir ainsi que - l'équité des contributions financières entre les différents organismes composant l'ensemble du système, assurée et garantie par le caractère social de la politique de notre pays. Cinquante autres critères supplémentaires statistiques sont habituellement retenus pour évaluer une performance sanitaire relative aux évènements de la vie tels que: la mortalité générale, l'obésité, la couverture vaccinale, la mortalité infantile, l'espérance de vie au-delà de 65 ans, le nombre de médecins par habitant et l'appréciation de la qualité des soins rendus à la population. C'est ce dernier «critère populaire» qui fait la différence entre le système de santé qui sera, ou pas, qualifié de performant, sécurisant, facilement accessible et juste par les citoyens d'un pays de surcroît dans un état se qualifiant de social. 2/ Evaluation «qualitative», ou de la qualité des soins, est une démarche qui doit permettre de garantir, à chaque patient, l'assortiment d'actes diagnostiques et thérapeutiques lui assurant le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale. Il devient aisé de comprendre qu'il faut mettre la qualité au cœur des systèmes de santé, et non pas la quantité, afin d'assurer, de contrôler et d'améliorer en permanence la qualité des soins mis en place dans chacun des éléments essentiels des systèmes de soins, le personnel de santé, les établissements de soins, les médicaments, les appareils médicaux et d'autres outils technologiques les systèmes informatiques ainsi que le financement. Classement mondial OMS 2021 des Systèmes de Santé 1/- Singapour2/- Japon3/- Suisse4/- Corée du Sud5/- Norvège6/- Hong Kong7/- Islande8/- Danemark9/- Pays-Bas10/- Autriche11/- Israël12/- Allemagne 13/- Espagne14/- Malte15/- Suède16/- France....37/- USA52/- Tunisie81/- Algérie Par exemple, les USA qui ont le plus grand nombre de prix Nobel, et une médecine de pointe à l'avant-garde de ce qu'est la science d'aujourd'hui et parfois même futuriste sont classés 37e ! Classement en Afrique (OMS 2020) 1/- Afrique du Sud 2/- Tunisie 3/- Kenya 4/- Algérie 5/- Nigeria 6/- Egypte 7/- Maroc 8/- Rwanda Tous les acteurs de la santé et quel que soit leur corps dans un hôpital, dispensaire, polyclinique ou une administration sont unanimes pour affirmer que les urgences représentent un défi permanent souvent très difficile à relever et ceci dans tous les pays. Les activités des urgences médicochirurgicales représentent en moyenne 35-40% des activités d'un hôpital et occupent une place centrale dans le fonctionnement des hôpitaux, notamment universitaires et constituent une véritable «vitrine de l'hôpital». Ils sont considérés et ressentis, par la majorité de la population, comme une structure de santé où elle peut se faire soigner, H/24 et 7/7, par des professionnels, hautement qualifiés, en toute sécurité tout en pouvant bénéficier rapidement de tous les moyens d'investigation moderne. Leur rôle consiste à accueillir sans sélection H/24, tous les jours de l'année, toute personne se présentant en situation d'urgence, y compris psychiatrique et la prendre en charge, notamment en cas de détresse et d'urgence vitales. Les motifs les plus courants invoqués auprès des patients qui se présentent aux urgences sont généralement : - la proximité de la structure (47%) - le besoin de prise en charge spécialisée (ou de compétences) (44%) - l' « Exigence » de rapidité (38%) - Une perspective d'hospitalisation (32%) - l'assurance de pouvoir disposer d'un plateau technique spécialisé. Néanmoins, les urgences cristallisent une forme de mécontentement, tant des patients qui se plaignent et du délai d'attente et de l'accueil qu'ils y reçoivent et celui de la prise en charge qui leur y est offerte, que des professionnels eux-mêmes notamment devant les traditionnelles évacuations dont près de 70% sont abusives et anarchiques. Jusqu'à ce jour, les principaux hôpitaux qui doivent gérer leurs affaires courantes, avec toutes les difficultés quotidiennes que cela suppose, sont toujours confrontés à une situation du fait accompli, qui ne se répète, généralement, avec une certaine acuité qu'avec les week-ends ou les jours fériés ! Selon la configuration du système de santé, les demandes de soins de santé évoluent parfois, pour ne pas dire souvent, plus vite que les ressources publiques pour la simple raison que notre secteur n'est pas productif au sens économique du terme. Les conséquences logiques, du point de l'économiste, seront : une incapacité du système à répondre à la demande et une augmentation non maîtrisée des dépenses et des déficits chroniques. Sachant aussi que l'économie de santé est une branche des sciences économiques, avec toute la rigueur et le pragmatisme que cela entend, dans un domaine « ne produisant que » de biens et services, en rapport avec les besoins certes médicaux, pour cela, face aux difficultés engendrées par le décalage entre les dépenses et les recettes, trois types de stratégies sont possibles: - accroître encore les ressources, par une augmentation des prélèvements obligatoires - limiter les dépenses publiques, par un rationnement des soins ou par une baisse de la prise en charge - ou bien améliorer le fonctionnement du système pour «dépenser mieux». Pour l'année 2023, le secteur de la santé va bénéficier d'une augmentation de budget de 14% par rapport à l'exercice 2022 pour atteindre 616 milliards de dinars contre 410 milliards en 2021, ceci est une excellente chose en soi car elle témoigne de l'intérêt de l'Etat à améliorer les choses dans le domaine de la santé. Malgré les importants budgets régulièrement alloués à notre secteur, il n'en demeure pas moins que certaines structures sanitaires étaient dans un état d'hygiène discutable, les conditions d'accueil et d'hébergement, en deçà des moyens financiers octroyés, les équipements médicaux et chirurgicaux régulièrement en panne et mal entretenus par des « partenaires « irrespectueux des cahiers des charges compromettant la qualité des soins, les mauvaises conditions de travail des personnels de santé ainsi que l'insécurité n'étant pas là pour arranger les choses. Les choses ayant changé depuis. Des malades pouvant être mieux pris en charge et un personnel sérieux, dévoué, volontaire travaillant avec abnégation mais souvent démotivé dans des structures, mal entretenues pour certaines d'entre elles, tel a été le constat que nous avons pu faire, sommairement, de notre Santé en Algérie ; les récentes mesures d'augmentation salariales et donc du pouvoir d'achat ne peuvent être que bien accueillies! Au vu des dernières déclarations du ministre de la Santé, nous espérons sincèrement que cette gestion par une « administration rigide «, qui était très souvent sourde aux recommandations des principaux partenaires de professionnels, fasse partie du passé et que les « maux sociétaux « greffés, d'une bureaucratie «incitative», un laisser-aller complaisant ou complice, du népotisme, de l'absentéisme institutionnalisé, une corruption, mixée à des malversations et une surfacturation, très souvent, fatale aux équilibres financiers de nombreux hôpitaux, ou structures sanitaires, qui furent autant de causes à éradiquer afin de préserver les équilibres financiers, malheureusement très souvent mis à mal, généralement durant les derniers trimestres de chaque année dans lesquels se déclarent les ruptures de stocks en médicaments ou en consommables divers, disparaissent. La numérisation annoncée, et que nous avons préconisée depuis quelques années, de la gestion administrative de tout le système de santé, permettra de lever une certaine opacité sur la gestion, ainsi que celle du dossier médical des patients qu'il faudra transposer sur une forme de carte, alors que nous évoluons dans un environnement entièrement digital, fait que nous accusons un retard tel que cette correction devient une priorité à corriger ! Entre autres, les nombreuses insuffisances et carences multiples du système actuel notamment son « point faible «, au niveau des urgences, doit être corrigé par la mise en place d'une organisation dans laquelle un personnel composé essentiellement de titulaires et permanents, surtout au niveau de toutes les structures des urgences médicochirurgicales des CHU de notre pays, tels que des médecins urgentistes et infirmiers urgentistes qui répondront rapidement aux besoins et définiront la hiérarchisation de la prise en charge en fonction de la gravité de chaque cas. Quelques propositions me paraissent rapidement réalisables : Après de nombreuses années de pratique dans les hôpitaux, il apparaissait que la sécurité des patients ainsi que la qualité des soins prodigués relevait beaucoup plus du domaine des connaissances et compétences individuelles, en matière d'expertise médicale, mais avec ce recul et le capital expérience, il est devenu admis de tous que c'est l'organisation des services des équipes, la capacité des acteurs à travailler ensemble efficacement qui sont indispensables pour la qualité des actes médicaux des soins et la sécurité des patients. L'« équipe » est un groupe de professionnels, avec des compétences complémentaires, et non pas antagonistes, qui s'engagent à travailler ensemble autour d'un projet commun centré sur le patient et non pas des individualités, dotés de personnalités différentes, qui se côtoient et exercent dans un même service. Une feuille de route doit être imposée, et son application régulièrement vérifiée, afin de pouvoir créer cette nouvelle ambiance de travail afin que l'équipe de soignants devienne le fruit d'un véritable fonctionnement collectif en mettant les ego de tout un chacun de côté. Dans ce même ordre d'idées, il me semble que le moment est venu de réviser le mode de fonctionnement des CHU ainsi que les rapports administration-conseil scientifique (ou médical) qui peuvent être viciés ou détournés de leur véritable vocation d'intérêt général, en permettant une répartition équitable, et équilibrée, des différentes ressources tant humaines que matérielles entre les différents services hospitaliers en fonction de leur importance stratégique dans la prestation des soins et services médicaux. Revoir et enrichir la carte sanitaire et prioriser le renforcement de la couverture en soins spécialisés, en affectant des médecins spécialistes par « pools de compétences « dans les hôpitaux des Hauts-Plateaux et du Sud accompagnés d'un plateau technique adéquat et normalisé bien que depuis de nombreuses années les différentes autorités sanitaires ont tenté de mettre en place une planification sanitaire qui assurerait une répartition équitable des ressources tant humaines que matérielles et organisationnelles entre les différentes régions de notre pays dans le cadre d'un découpage régional pour aboutir à une carte sanitaire tant revendiquée depuis des années et adaptée à la réalité du terrain en vue d'une prise en charge améliorée et harmonisée en matière de soins médicaux de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national. Je ne terminerais pas cet exposé sans citer les « propositions classiques » telles que : - Améliorer les conditions d'accueil et d'hébergement, - Impératif d'hygiène stricte et indiscutable à observer. - Améliorer les conditions de travail des personnels de santé en leur dispensant, entre autres, et obligatoirement en intra-muros, des espaces de vie. - Mettre en place un système organisationnel national de fonctionnement de toutes les structures d'accueil des urgences médicochirurgicales, véritable « miroir des hôpitaux «, dans lequel aucune défaillance ou dysfonctionnement ne seront tolérés. - Numérisation dans toutes les structures de santé, dossier médical des patients compris, et télémédecine sont des chantiers urgents à mettre en œuvre. - Au vu du nombre important d'étudiants en médecine trop nombreux pour être accueillis convenablement dans les structures hospitalo-universitaires, très souvent submergées, il faudrait envisager d'impliquer les structures hospitalières privées dans la formation médicale en utilisant, s'il le faut, une formule de parrainage par un hospitalo-universitaire de rang magistral, bien entendu après l'aval du comité pédagogique de spécialité compétent. Pour ne plus m'étaler encore sur le sujet, comme tout système, le système de santé ne doit pas reposer uniquement sur ses composantes structurelles qui existent actuellement en Algérie mais sur leur interrelation, ce qui sous-entend une véritable organisation accompagnée d'une réforme de la gestion hospitalière, contrairement à ce que certains prétendent. Néanmoins, la gestion des établissements de santé doit faire l'objet d'une attention particulière en matière d'organisation des différents processus de soins et services qui sont à améliorer à l'aide des dernières technologies, éducatives y compris, au vu des différents dysfonctionnements décrits çà et là portant souvent atteinte à la crédibilité et, même pourrais-je dire, à l'honorabilité de telles institutions et de son personnel. Au regard des nouvelles acquisitions structurelles de ces derniers mois, notamment en matière de structures d'accueil et de prise en charge des urgences tant médicales que chirurgicales, il devient logique de conclure que, dans un pays où l'Etat se qualifie de social, la volonté d'améliorer l'état du secteur de la santé est devenue une priorité et nous ne pouvons que nous en réjouir tout en sachant que la santé n'a pas de prix mais elle a un coût, et tout le problème étant là et en tant qu'acteur de la santé dans mon pays depuis de nombreuses années, je continue à participer activement à enrichir, un tant soit peu, la qualité du débat sur les quelques aspects de la problématique qui me paraissent intéressants à développer au vu de la transformation positive qui est en train de s'opérer. *Professeur Hospitalo-universitaire en retraite - Ex-Médecin-Chef Service de Neurochirurgie, CHUO, Oran Sources : 1/- OMS (2007) L'affaire de tous ? Renforcer les systèmes de santé pour de meilleurs résultats sanitaires. Cadre de travail de l'OMS pour l'action 2/- Wikipédia (modifié 14 décembre 2022) 3/- M. Bouchakour : Réforme hospitalière, stratégie nationale de santé en Algérie : Réflexions - propositions, Le Quotidien d'Oran, 03 octobre 2021 4/- O. Zemirli : Réflexions sur l'organisation du système de santé en Algérie, en attendant sa mutation profonde, El Watan, 12 juillet 2022 |
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