|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Installé à la tête de la
wilaya de Tiaret il y a à peine quatre mois, Ali Bouguerra
a réussi en un laps de temps court, à revitaliser de nombreux projets à
l'arrêt, suscitant un grand espoir parmi la population de la wilaya. Approché
par le Quotidien d'Oran, M. Ali Bouguerra a bien
voulu répondre à nos questions.
Le Quotidien d'Oran : la population de Tiaret est en attente d'une bonne nouvelle, celle du dédoublement des voies de communication Tiaret-limite wilaya de Relizane, Tiaret-limite wilaya de Tissemsilt et Tiaret-limite wilaya de Djelfa. Où en est ce vaste chantier et quand sera-t-il achevé ? Ali Bouguerra : l'étude pour ces trois projets est en cours, j'ai mis en place un comité de pilotage pour un suivi permanent de ces projets. D'abord pour la RN 14 entre Tiaret et Tissemsilt jusqu'à Khemis Miliana pour la connexion sur l'autoroute Est-Ouest, une décision prise par le président Tebboune dans le cadre du programme complémentaire de la wilaya de Tissemsilt. Pour la RN23 entre Tiaret- limite wilaya de Relizane, le grand souci des usagers de la route de notre wilaya, il y a deux études en cours, celle de dédoubler la voie actuelle sur 40 km et l'autre variante, celle de la liaison autoroutière jusqu'à la localité de H'madna dans la wilaya de Relizane. Maintenant, le souci exprimé à monsieur le ministre des Travaux publics, c'est qu'il y ait une complémentarité entre les wilayas de Tiaret et Relizane pour mener à terme ce projet structurant aux répercussions économiques, commerciales et sociales indéniables. Sauf que j'insiste pour la qualité des études, à commencer par l'avant-projet sommaire et l'avant-projet détaillé. Q.O. : Tout le monde sait que Tiaret était le grenier à blé originel de toute l'Algérie, l'agriculture occupe aujourd'hui près de 12% de l'économie locale mais les défis du changement climatique et la raréfaction des ressources hydriques font que la production de céréales est en chute, où en est la wilaya avec l'irrigation d'appoint ? A.B. : Tout à fait, vous avez touché du doigt une question essentielle et plus que jamais d'actualité, celle de la rentabilisation des terres agricoles. Même si Tiaret est une wilaya céréalière par excellence, il y a des zones de haut rendement et des zones et d'autres zones comme le sud de la wilaya où les rendements sont moindres essentiellement à cause de la raréfaction de la ressource hydrique. Et en matière de conversion justement, pour s'adapter aux aléas climatiques et autres, nous nous dirigeons vers le développement soutenu de la culture de l'orge, pour accompagner l'essor remarquable des filières de l'aviculture et l'élevage ovin notamment. Et pour assurer la disponibilité de l'eau, nous avons délivré plus de 1200 autorisations de forage en deux ans. Sans parler de l'apport financier des plus conséquents sur concours définitif de l'Etat pour l'électrification des exploitations agricoles. L'électrification combinée au forage de puits va justement permettre une irrigation d'appoint pour les grandes cultures céréalières et surtout pour les unités d'élevage. Avec l'intéressement des agriculteurs aux espèces rustiques, moins consommatrices d'eau, comme l'oléiculture ou le pistachier de l'Atlas et la mise en œuvre de nouvelles techniques culturales sont autant d'atouts qui constituent un créneau prometteur à l'image de ce qui se fait à Ksar Chellala, Rechaïga, Aïn Dheb ou encore Sidi Abderrahmane. Dans moins de six mois, Tiaret va bénéficier d'une centrale des ventes, un marché de gros à vocation régionale, ce qui va permettre aux fellahs de plusieurs wilayas environnantes de trouver des débouchées pour leurs produits. Q.O. : Douze variétés de pomme de terre ont été développées au niveau de la ferme-pilote de Sebaïn, mais les équipements acquis par cette ferme ont été transférés vers une autre wilaya. Pour quelle raison ? A.B. : Effectivement, il s'agit d'une note d'amertume que je déplore vivement. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi ces équipements ont été transférés vers une autre région du pays, nous devons d'abord faire notre autocritique. Nous avons sept fermes pilotes au niveau de la wilaya avec des dominantes pour chacune d'elles, mais celle de Sebaïn dispose effectivement de tous les moyens pour développer cette recherche en matière de nouvelles variétés de pomme de terre. J'ai décidé d'informer monsieur le ministre de l'Agriculture de cette situation. Une mise à niveau de la ferme pilote de Sebaïn, qui dispose de tous les atouts (forages, électricité, etc.), est en cours avec l'assistance de l'institut national d'agronomie (INRA). Q.O. : Qui dit agriculture dit eau, où en est la wilaya de Tiaret avec la mobilisation des eaux de surface et du projet d'alimentation en eau potable à partir de la station de dessalement de l'eau de mer d'El Macta et le projet d'alimentation en eau potable de six communes au sud de la wilaya à partir de Chott Chergui? A.B. : C'est vrai, de nombreuses communes de la wilaya souffrent d'un déficit criard en matière de ressources hydriques à l'image de Mahdia, Hamadia surtout et Bougara avec un rabattement de la nappe, mais aussi Rahouia, Oued Lilli, Mechraâ Sfa et M'ghila où le déficit hydrique reste important. Et au vu de cette situation d'urgence, nous avons décidé d'engager un programme ambitieux, à commencer par la réalisation de forages dans plusieurs communes avec un excellent débit et une alimentation quotidienne, sans parler de la ville de Tiaret où l'approvisionnement en eau potable a été renforcé avec la reprise de l'ancien réseau AEP et la mise en service d'un château d'eau au niveau de Z'mala, deux châteaux d'eau de 5000 l chacun dans la commune de Sougueur et un autre à Frenda. Combiner de manière alternative les eaux du barrage et des forages en fonction des stocks disponibles reste la meilleure manière pour une gestion rationnelle du précieux liquide. Décision a été prise aussi de transférer la gestion de l'eau des APC vers les services de l'ADE au niveau de certaines communes. En ce qui concerne le MAO pour alimenter le nord de la wilaya de Tiaret sur 150km, l'étude a été achevée et validée mais le lancement des travaux a été reporté en raison de problèmes financiers. Q.O. : Tiaret est l'une des wilayas du pays qui a bénéficié d'importants projets de construction de logements tous types confondus avec un TOL (taux d'occupation par logement) parmi les plus appréciables à l'échelle nationale, mais la demande reste importante avec plus de 40.000 dossiers en attente pour la seule ville de Tiaret ? A.B. : Tiaret a la chance de se trouver dans la moyenne nationale en matière de TOL, sauf que les 40.000 demandes de logement pour la ville de Tiaret méritent d'être actualisées et minutieusement examinées. Force est de constater que le fichier des demandeurs de logements n'a pas été assaini. Le côté aberrant de la chose nous vient de la commune d'Aïn Kermesse où il y a plus de 7.000 demandes de logements pour une population de 30.000 âmes. Une seule famille fait jusqu'à cinq demandes, ce n'est pas normal. Pour les bidonvilles de Karman et de la zone industrielle, tout le monde n'est pas originaire de Tiaret, il faut avoir le courage de le dire. Il y a un programme de résorption de l'habitat précaire en cours, mais le logement ira à celui qui le mérite. En matière de nouveaux programmes, nous avons 500 logements sociaux en cours d'étude, 500 autres logements LPA et pas moins de 5000 logements promotionnels libres et 110 autres logements RHP. Q.O. : L'une des revendications leitmotiv de la population locale est le CHU, tributaire de la création d'une faculté de médecine. Le dossier a été peaufiné et déposé auprès du ministère de la santé, ce projet va-t-il voir le jour? A.B. : La création d'un CHU à Tiaret est une décision des autorités centrales, mais le dossier est en bonne voie grâce notamment au travail des élus nationaux de la wilaya auprès des départements ministériels concernés. Outre la mise à niveau de l'infrastructure, le problème réside surtout en matière de spécialistes et d'enseignants de rang magistral pour pouvoir créer une faculté de médecine. De nombreux professeurs et médecins spécialistes ont déjà exprimé le vœu de venir travailler à Tiaret. Avec le nouveau pôle médical sur la route de Sougueur, l'érection d'un CHU est tout à fait possible dès les prochaines années, en tous cas, j'en fais l'une de mes préoccupations majeures, surtout que ce CHU pourrait servir les citoyens de plusieurs wilayas voisines. Q.O. : Après un retard de plusieurs années, les chantiers du rail semblent reprendre de plus belle ? A.B. : Tout à fait, les chantiers avancent bien puisque nous réceptionnons la ligne Tissesmsilt-Bougara-Boughezoul et l'autre ligne Ain Kermesse-Frenda-Saïda-Sidi Bel Abbès-Oran. Le seul projet qui reste à l'arrêt et qui sera relancé dès 2023, est celui de la ligne ferroviaire Relizane-Tiaret-Tissemsilt. Les crédits ont été dégagés pour ce projet Q.O. : A la plus grande satisfaction de la population, la ville de Tiaret, première vitrine de la wilaya, change de visage avec le nettoyage quotidien des boulevards et principales artères de la ville, sans parler de Tiaret-Nadhafa qui s'occupe de l'enlèvement des ordures ménagères au niveau des quartiers, mais les moyens matériels semblent manquer pour assurer une pérennité de cette tâche? A.B. : L'EPIC Tiaret-Nadhafa, chargé de la collecte des ordures ménagères entre autres missions, connaît un malaise depuis plus d'une année maintenant. La revendication du collectif des travailleurs de créer une section syndicale est légitime et je les appuie pour cela. Ce n'est pas un problème d'équipements qui se pose pour cette entité, mais il s'agit bien d'un problème de gestion. Un audit est en cours pour décider d'éventuelles mesures pour assainir cette entreprise dont les indicateurs financiers notamment ne sont pas à la hauteur. En plus de la nouvelle sectorisation de la ville de Tiaret pour le ramassage des ordures ménagères, il y a aussi le module éclairage auquel j'accorde la plus grande importance. Des sorties nocturnes inopinées sont effectuées par le secrétaire général de la wilaya pour évaluer les résultats sur le terrain. J'ai même décidé d'intégrer les jeunes entreprises privées en soutien des entités publiques (Tiaret-Nadhafa et le CET) pour l'enlèvement des déchets ménagers et inertes. Q.O. : L'aéroport "Abdelhafidh Boussouf" de Aïn Bouchekif est en jachère depuis plusieurs années alors qu'il est classé parmi les plus importants du pays avec une piste d'envol de 3000 m de longueur sur 45 m de large capable d'accueillir de gros porteurs. Sauf qu'il demeure largement inexploité au vu de ses grandes capacités. Pour quelle raison selon vous ? A.B. : Il est vrai qu'il s'agit de l'une des préoccupations majeures du citoyen Tiarétien. Ce que je sais, c'est que pour la compagnie nationale Air Algérie, il s'agit d'abord d'un souci de rentabilité commerciale. L'aéroport « Abdelhafidh Boussouf » dispose de toutes les commodités techniques dignes d'un niveau international y compris en matière de sécurité aéronautique, la solution alternative est peut-être de faire de l'aéroport de Aïn Bouchekif un aéroport de transit vers le sud du pays et même une plateforme régionale pour le fret ou le transport de marchandises. Rétablir les dessertes vers les lieux saints de l'islam reste aussi une autre solution, surtout que cela peut servir toutes les wilayas voisines. Il y a un problème d'alimentation en eau potable au niveau de cet aéroport, le problème est pris en charge, comme j'ai espoir qu'une ligne internationale Tiaret-Frankfurt où une importante communauté issue de Tiaret et sa région séjourne reste du domaine du possible, comme cela a été proposé à monsieur le ministre des Transports. Q.O. : Le wali de Tiaret, M. Ali Bouguerra, est devenu un cas d'école en Algérie. Médias, réseaux sociaux et autres forums s'intéressent de près à ce qu'on pourrait appeler la "méthode Bouguerra" qui séduit. Quel est le "secret" de votre méthode? A.B : Je suis d'abord un commis de l'Etat, et un pur produit de l'école algérienne. Je suis issu d'une famille modeste d'une petite commune rurale de la wilaya de Bordj Bou Arreridj qui s'appelle Belimour. Après être sorti de l'école nationale d'administration, j'ai servi l'Etat au niveau de six wilayas. Et au vu de mon capital expérience, mon constat au niveau de l'administration locale est qu'il y a manifestement un problème de communication à la base. Les orientations du ministère de l'Intérieur sont claires à ce sujet: les walis de la République doivent faire de la communication leur leitmotiv quotidien. Nous avons subi une formation dans ce sens avec cette faculté de pouvoir parler le langage de chaque catégorie de citoyens, puisque communiquer avec le monde rural ne se fait pas de la même façon qu'avec la communauté estudiantine ou les enseignants ou les autres tranches de la société. Et à propos justement de ma méthode de travail, il n'y pas de secret, tout ce que je fais c'est que je prépare mes dossiers, je prends l'information avant de me déplacer sur le terrain. Même s'il est difficile d'obtenir l'information contradictoire qui est un principe de droit (écouter les deux parties), j'insiste pour préparer une fiche de synthèse pour chaque projet que je visite. J'ai une méthode de travail réfléchie, j'aime aller au contact direct du citoyen pour décider de la solution sur place, je n'aime pas faire des promesses que je ne peux pas tenir. |
|