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RAÏNA? RAÎHOUM !

par B. Ahcene-Djaballah

Il était temps. Voilà donc que le Raï (musique et paroles populaires) est désormais inscrit dans la liste du patrimoine immatériel de l'Humanité.

La lutte a été ardue, d'autant qu'à un certain moment qui n'a pas, heureusement, trop duré (comme tout ce qui est excessivement politisé) un autre pays voisin, voulait s'approprier la chose musicale par le seul fait qu'une de nos grandes vedettes y séjournait fréquemment.

La lutte a été longue puisqu'elle date de plusieurs décennies, passant par l'interdiction pure et simple, par le rejet de la sphère publique (entraînant une certaine ghettoïsation), par des éclaircies médiatiques, tout particulièrement au début des années 80, avec l'émergence de mécènes, à l'image de feu le premier Dg de l'Oref, le colonel Senouci, qui avait «osé», de chercheurs universitaires (exemple de feu le Pr Meliani de l'Université d'Oran), d'apparitions (plus à l'étranger qu'en Algérie même)) de véritables stars, de la radio Chaîne 3 aussi avec des animateurs d'avant-garde.

La résistance, plus officielle que populaire, en dehors de la traditionnelle mince frange conservatrice et pudibonde, pour ne pas dire hypocrite, de la société, n'a pas duré longtemps, la voix du Raï étant devenue la voix du Peuple, ce qui a été habilement exploité par le pouvoir politique de l'époque (années 2000), un Cheb s'étant transformé, à la surprise générale, en «Porte-parole» officiel, lors de la maladie de l'ancien Chef de l'Etat.

Aujourd'hui, la chose musicale qu'est le Raï «dialna» est devenue officiellement un genre musical respectable et respecté, puisque faisant partie du petit lot de patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, ce qui n'est pas rien. Pour emprunter à un spécialiste qui a beaucoup travaillé sur le dossier «le débat est scellé, le genre est acté, le raï est labellisé». Par l'Unesco, Svp ! Ainsi donc, dorénavant, le Raï Algérien n'appartient plus à la seule Algérie, n'appartient plus seulement au monde de ses fans, ici et ailleurs à travers le monde, mais à l'Humanité et ce pour l'éternité. A mon avis et sans diminuer de leur valeur, bien plus que les huit autres biens culturels immatériels déjà classés. Raï-na est devenu (aussi) Raï-houm. Il a gagné, en plus de ses galons de «voix musicale populaire du Peuple» une notoriété et une respectabilité culturelles qu'il faut désormais encourager pour une plus grande croissance qu'il faudra savoir exploiter ; tout cela au bénéfice de l'image culturelle du pays. Exploiter d'abord par le respect du genre, à tous les niveaux.