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Pr Djamila Touati: La résistance aux antibiotiques inquiète

par M. Aziza

Dans un entretien accordé au Quotidien d'Oran, le Professeur Djamila Touati, Pharmacienne, Maître de conférences en Microbiologie, Cheffe du département de Pharmacie d'Alger, a affirmé que la lutte efficace contre la résistance aux antibiotiques passe par la création de comités de l'antibiothérapie souverains. Et bien évidemment, par la prévention contre les infections, notamment par le respect des règles d'hygiène.

Le Quotidien d'Oran : Comment jugez-vous le phénomène de la résistance aux antibiotiques, aujourd'hui en Algérie ? Sachant que certains professionnels parlent de la résistance de certaines maladies aux antibiotiques. Ils ont évoqué, à tire d'exemple, la résistance de la tuberculose aux antituberculeux (antibiotiques).

Pr Djamila Touati : La résistance aux antibiotiques est un phénomène naturel et mondial. L'OMS a tiré la sonnette d'alarme depuis quelques années déjà. Et si rien n'est fait d'ici 2050, les décès par infection à bactéries résistantes seront plus importants que les autres pathologies comme les cancers. L'objectif est de ralentir ce phénomène naturel.

Je préfère le terme infection à maladie. La tuberculose est une infection particulière à antibiotiques réservés avec un schéma bien standardisé où la résistance reste maîtrisée, suite à la mise en place d'une politique de lutte contre la tuberculose. On assiste, ces dernières années, à une augmentation des souches XDR qui veut dire une résistance aux antibiotiques de première et deuxième générations.

Q.O.: Est-ce que vous avez des informations sur d'autres infections qui résistent actuellement aux antibiotiques ?

Pr D.T.: Les infections associées aux soins, surtout celles acquises à l'hôpital comme les infections du site opératoire, les infections urinaires qui sont dues souvent à des bactéries résistantes aux antibiotiques, ce sont les bactéries multi-résistantes comme Klebsiella pneumoniae résistantes au Cefotaxime ou le Pseudomonas aeruginosa à l'Imipénème

Q.O.: Est-ce que l'utilisation abusive et excessive des antimicrobiens est le seul facteur incriminé dans l'apparition de pathogènes résistants aux médicaments ?

Pr D.T.: D'abord la prescription des antibiotiques est un acte médical qui engage le médecin prescripteur et le pharmacien qui délivre ce dernier. Bien sûr l'utilisation abusive des antibiotiques est une source de la résistance, mais pas que, notre alimentation, notre hygiène contribuent à cette résistance.

Q.O.: Vous êtes membre du Réseau algérien de Surveillance de la Résistance aux Antibiotiques, est-ce que l'Algérie a mené des études sur la résistance aux antibiotiques ? Sachant que notre pays est classé parmi les pays grands consommateurs d'antimicrobiens.

Pr D.T.: Le Réseau algérien de Surveillance de la Résistance aux Antibiotiques, donne un état des lieux de la résistance selon les bactéries et le site de l'infection, ce qui permet au médecin de prescrire une antibiothérapie empirique si nécessaire, mais sa devise pas d'antibiotique sans une analyse microbiologique. Ces analyses doivent être faites autant que possible pour deux raisons : Corriger une antibiothérapie si nécessaire. Je m'explique, on passe d'un antibiotique à spectre large vers un spectre étroit, afin de préserver le macrobiote de l'homme. Et aussi établir des données épidémiologiques de la résistance en Algérie, qui permettra au clinicien de choisir l'antibiotique le plus efficace en situation d'urgence.

Q.O.: Comment voyez-vous les comportements des médecins et des pharmaciens à l'égard de l'usage des antibiotiques en Algérie ?

Pr D.T : Les médecins et les pharmaciens en Algérie pensent (pas tous) que les antibiotiques sont des médicaments miracles, mais je leur dis : les antibiotiques utilisés à tort font plus de mal que de bien aux malades mais aussi, à toute la société.

Q.O.: Que peut-on faire pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens afin d'éviter les scénarios catastrophiques dans l'avenir ?

Pr D.T : Lutter contre la résistance aux antibiotiques passe par la création de comités de l'antibiothérapie, qui doivent être souverains, mais la prévention par l'utilisation des antiseptiques et le respect des règles d'hygiène demeurent importants. Ne pas oublier également, le rôle de la vaccination, avec son effet bénéfique dans les méningites à Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae b.

Les scientifiques doivent à leur tour communiquer, que ce soit dans le secteur public ou privé, sur le danger de la résistance aux antibiotiques. Notamment sur l'absence de nouveaux antibiotiques et la transmission de la résistance d'une bactérie à une autre. Enfin je dirais « mieux utiliser les antibiotiques pour préserver leur efficacité ».