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Courage politique

par El-Houari Dilmi

La loi de finances 2023 préserve le caractère social de l'Etat algérien, fidèle à l'un des fondements de la Déclaration du 1er Novembre 1954. Mais l'Etat, loin de ses missions régaliennes, peut-il encore s'occuper du prix du repas des Algériens, quand il a d'autres chats à fouetter ? Pour parler un langage terre-à-terre, l'Etat-mamelle peut-il continuer à s'occuper de la gamelle du peuple, avec des dépenses sociales probablement les plus élevées des pays à revenus équivalents ? Si l'Etat, en tant que régulateur, a pour responsabilité d'assurer la sécurité alimentaire du pays, c'est manifestement l'huile de coude qui manque le plus pour que nous puissions arriver un jour à manger ce que nous produisons de nos propres mains.

«Des mesures exceptionnelles» ont été annoncées par le ministre du Commerce pour freiner la hausse du prix des fruits et légumes. Sans mettre en doute la volonté des pouvoirs publics de combattre les spéculateurs de tout acabit, la sempiternelle rengaine de la folle sarabande des prix ne convainc plus les Algériens. Loi économique élémentaire, le seul moyen de lutter efficacement contre les pratiques spéculatives, le monopole des marchandises et les pénuries, c'est d'inonder le marché. L'autre solution qui nécessite un «courage politique», celle de libérer les prix et soutenir directement les couches sociales défavorisées.

Le débat public, entre controverse et polémique, sur l'abandon des subventions généralisées est un pas que l'Etat n'a pas encore franchi, tant les avantages et les inconvénients de cette mesure ne sont pas encore bien cernés par tout le monde. La politique sociale volontariste de l'Algérie a atteint ses limites, puisqu'il suffit de se rendre compte qu'il est justement injuste de faire payer la baguette de pain ou le sachet de lait au smicard au même prix qu'un milliardaire. L'Etat subventionne de nombreux produits alimentaires de base mais également l'électricité, l'eau, le gaz et l'essence, le logement, la gratuité de l'éducation et des soins. C'en est trop pour les finances publiques et contreproductif pour réapprendre à l'Algérien à gagner son pain quotidien à la sueur de son front.