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Faire honneur au soleil...

par El-Houari Dilmi

S'il est connu et reconnu que l'Algérien n'est pas un bosseur au sens « stakhanoviste » du terme, il est aisé pour tous de constater que nos commerçants ne sont pas des lève-tôt. Peut-être veulent-ils faire honneur au soleil, en le laissant se lever le premier...Même le boulanger et le laitier ont pris goût à la grasse matinée et n'ouvrent boutique que vers neuf heures passées... Doit-on perdre espoir de voir ceux qui arrivent au travail en retard cesser de croiser ceux qui partent en avance ? Sinon, où, quand, comment «nicher» un Algérien, en chair et en os, qui bosse au sens stakhanoviste du terme ? Comment s'appelle-t-il, a-t-il fait la révolution, sous quelle étoile est-il né, à quelle école a-t-il été, a-t-il voté un jour, mange-t-il de son pain blanc, quel vaccin lui a-t-on inoculé ? Oui, nous tous, les Algériens sommes dignes d'un prix Nobel de la baraka, mais à l'envers ! Assis dans un salon, l'Algérien rêve d'acheter la nouvelle bagnole montée à Tiaret, de préférence avec un crédit bancaire bonifié et une bonne ristourne par-dessus le marché...de dupes ! Selon le vade-mecum de tous nos paradoxes grandeur nature, l'Algérie est le pays où l'on paye l'eau la moins chère du monde, le pain le plus facile d'accès de tous les pays à destin équivalent, l'essence la plus gaspillée des pays pétro-dépendants, le loyer le plus modéré des modérés, l'énergie électrique la moins coûteuse de tous les pays... éclairés. Selon une théorie algéro-algérienne, le travailleur de chez nous fait semblant de se retrousser les manches lorsqu'on fait semblant de le payer. Il veut donner l'impression trop fausse de trimer à la tâche, pas pour améliorer le BNC (Bonheur national collectif), mais pour lutter contre l'ennui sidérant, le vice dévorant et le besoin irrépressible de marcher sur la lune sans jamais laisser de trace...

Comble de l'art jamais enseigné dans aucun bahut au monde, l'Etat, seul employeur aux yeux de tous les sans-emploi, a décidé d'augmenter la solde du commun des crypto-travailleurs algériens pour mieux les aider à vider leurs poches, avec en prime le sourire en bandoulière, et les mains derrière le dos. Et parce que le travail était, à l'origine des temps, un accident de la vie, avant de changer de statut particulier, pour devenir une maladie chronique, il est peut-être plus glorieux de mourir d'épuisement que d'ennui...