Un
coffre de voiture ne peut servir de catafalque ni d'autel de sacrifice à un
ange. Ni une crèche pour une scène de tuerie et d'abattoir. Sa place est dans
l'amour soyeux des siens et des autres. Dans un landau sous les sons d'une
mélodieuse berceuse. Pas dans le sang, pas dans les sévices. L'on ne tue pas
l'innocence, on la vénère. L'on ne cisaille pas la tige à peine embryonnaire
d'une rose, lorsqu'il est permis de se pavaner dans les allées d'un jardin
ouvert. Lola, ce visage nimbé du ciel, cette étoile montante, cette icône de
toutes les pures enfances n'avait pas à subir les pires démences. Lola, El-Durah ou autre reste, dans ce drame, une gifle à cette
humanité qui s'effondre de jour en jour. C'est lorsqu'on perd le sens des
sourires enfantins que l'âme criminelle de tous les démons s'apprête à vous
habiter. Rien n'est excusable quand la mort, le supplice, le vice et la
perversion remplacent le cœur. Rien n'est justifiable quand la rancœur
surplombe la douceur, et l'hystérie, la candeur. Tuer avec volonté cet enfant à
cet âge-là, sous n'importe quel ciel, n'importe quel patronyme, n'importe quel
mobile, n'est pas seulement un infanticide. C'est un « angicide
». C'est comme si l'on tente de vider ce bas monde de ces p'tits êtres
angéliques, sans qui nulle espérance ne saura subsister. Ce sont pourtant nos
enfants qui motivent notre existence. Ce sont eux, leurs futiles bêtises, leurs
utiles sottises qui nous aident à arpenter le chemin périlleux d'une vie
devenue très pénible. La protection de l'enfance ne doit être ni un bus
électoral, ni une poésie sans rimes à clamer en temps d'examen. C'est une
affaire en toute copropriété, de tous les segments de la société universelle.
Il n'y a pas là de partis pris, entièrement à part;
mais tous et à part entière. Le crime de Lola ne porte la signature d'aucun
dieu, d'aucun saint, d'aucune croyance. Il est le signe de la déroute, de
l'atrocité qu'aucune transhumance, infortune ou clandestinité du temps n'est
apte à l'admettre. Si certaines chapelles haineuses œuvrent à dénicher dedans,
cette immigration pour y pointer une accusation; c'est
se tromper d'emblée de piste. Un criminel est un criminel et le demeure; peu importe son statut, sa généalogie, sa foi ou sa
géographie. Chacun de nous abrite en son sein une part de folie et une autre de
raison. Chacun alimente la part qui lui sied. Et l'on ne saura jamais, hélas,
identifier les prédispositions meurtrières, ni dans les rues, ni dans les
taudis, ni dans les manoirs. Mêmes les théories les plus élaborées dans les
sciences criminologiques n'ont pu découdre cet écheveau. Dommage Monsieur Marco
Césare Lombroso ! Il ne nous reste cependant
qu'espérer que l'homme puisse réintégrer la dimension de paix et de sécurité
qu'il a tant louée. Qu'il n'assombrit plus pour ne pas les crever les rêves
naissants. Compassion et consternation pour Lola et tous les bourgeons rasés
par la barbarie humaine.