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De la rétro-révolution des «khobzistes» !

par Abed Cherifi

La guerre menée contre l'argent sale et autres mains baladeuses est 5loin d'être terminée. «Quand la corruption s'érige en norme, l'honnête homme est ridiculisé, exilé ou tué», disait, je ne sais quel bel esprit éclairé. Non, mais quelle différence y a-t-il entre un pot-de-vin, une kahwa, un pourboire, un bakchich, un dessous-de-table, un sous le manteau, ou encore un «graissage de patte» en version soft ? Maladie «honteuse» des temps opulents, la corruption serait comme ce médecin véreux qui administre des médicaments contrefaits à des patients qui font semblant de tomber malades. Le pain ou la kahwa, en tant que «leviers» naturels de graissage des mécanismes enrayés, sont-ils devenus le chemin le plus court vers la bourse, pour délier ses cordons mal serrés et s'en servir à volonté, sans se sentir forcé de laisser traîner ses mains baladeuses parmi la faune léonine des chipeurs par vocation ? Premier casus belli du bipède face à son congénère : le loup de haute montagne, le pain, par une curieuse mutation stomacale, est devenu, à l'ère du tout mangeable, la destination «naturelle» de l'homme-tombereau. Jusqu'au jour où naquit l'homme-quignon qui, par le miracle de la rétro-révolution des «khobzistes», fera, du vaccin sous lingual, son miroir de poche grossissant. Présent contre son gré à tous les râteliers et premier argument massue pour réduire au silence les bouches... trop pleines, il est l'invité désobligé de tous les festivals des croquemitaines costumés. Première raison de vivre du bipède et autres croquemitaines costumés «panifiés», l'ancêtre du flouze n'a pas le même arrière-goût pour toutes les bedaines brettelées. Selon qu'on soit un «œnologue» de pain blanc ou un goûteur de pain perdu, tout le monde ne mange pas le même pain... par le même bout. Selon qu'on émarge au budget (à fonds perdus !) de l'Etat-mamelle ou dans la gamelle sans fonds de l'infra-peuple, le pain n'a pas la même saveur pour celui qui le mange sous la lumière crue du jour, et celui qui le picore dans les nids douillets, à la nuit tombée.

 Qu'il soit «imbibé» de sueur trop chaude ou «relevé» à l'huile de coude, le pain n'a pas la même couleur pour celui qui le mange en roupillant, en «fourrageant» dans l'arrière-cuisine des repus, en essuyant les auges des rassasiés à vie, ou même en ouvrant simplement sa bouche béante, pointée vers le ciel, en ramassant les miettes tombées du haut du bec acéré des rapaces. Aussi vrai que se désengluer du pétrin gigantesque de toutes nos incuries n'est pour demain la veille?