La guerre
menée contre l'argent sale et autres mains baladeuses est 5loin d'être
terminée. «Quand la corruption s'érige en norme, l'honnête homme est
ridiculisé, exilé ou tué», disait, je ne sais quel bel esprit éclairé. Non,
mais quelle différence y a-t-il entre un pot-de-vin,
une kahwa, un pourboire, un bakchich, un
dessous-de-table, un sous le manteau, ou encore un «graissage de patte» en
version soft ? Maladie «honteuse» des temps opulents, la corruption serait
comme ce médecin véreux qui administre des médicaments contrefaits à des
patients qui font semblant de tomber malades. Le pain ou la kahwa,
en tant que «leviers» naturels de graissage des mécanismes enrayés, sont-ils
devenus le chemin le plus court vers la bourse, pour délier ses cordons mal
serrés et s'en servir à volonté, sans se sentir forcé de laisser traîner ses
mains baladeuses parmi la faune léonine des chipeurs par vocation ? Premier
casus belli du bipède face à son congénère : le loup de haute montagne, le
pain, par une curieuse mutation stomacale, est devenu, à l'ère du tout
mangeable, la destination «naturelle» de l'homme-tombereau. Jusqu'au jour où
naquit l'homme-quignon qui, par le miracle de la rétro-révolution des «khobzistes», fera, du vaccin sous lingual, son miroir de
poche grossissant. Présent contre son gré à tous les râteliers et premier
argument massue pour réduire au silence les bouches... trop pleines, il est
l'invité désobligé de tous les festivals des croquemitaines costumés. Première
raison de vivre du bipède et autres croquemitaines costumés «panifiés»,
l'ancêtre du flouze n'a pas le même arrière-goût pour toutes les bedaines
brettelées. Selon qu'on soit un «œnologue» de pain blanc ou un goûteur de pain
perdu, tout le monde ne mange pas le même pain... par le même bout. Selon qu'on
émarge au budget (à fonds perdus !) de l'Etat-mamelle ou dans la gamelle sans
fonds de l'infra-peuple, le pain n'a pas la même saveur pour celui qui le mange
sous la lumière crue du jour, et celui qui le picore dans les nids douillets, à
la nuit tombée.
Qu'il soit «imbibé» de sueur trop chaude ou
«relevé» à l'huile de coude, le pain n'a pas la même couleur pour celui qui le
mange en roupillant, en «fourrageant» dans l'arrière-cuisine des repus, en
essuyant les auges des rassasiés à vie, ou même en ouvrant simplement sa bouche
béante, pointée vers le ciel, en ramassant les miettes tombées du haut du bec
acéré des rapaces. Aussi vrai que se désengluer du pétrin gigantesque de toutes
nos incuries n'est pour demain la veille?