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La
polémique de l'été en Algérie tourne autourde Yasmina
Khadra !
C'est lui faire un imbécile procès que de lui reprocher d'avoir déjeuné avec un ambassadeur étranger. On a feint d'ignorer le parcours rare et exceptionnel de sa vie pour tenter de ternir les racines d'un homme non commun qui s'est livré corps et âme à son pays (Abdou Benabbou). Beaucoup l'admirent, comme le démontrent les salles archicombles partout où il met les pieds en Algérie ; d'autres ne le portent pas dans leur cœur, comme on le voit à travers les critiques qu'il essuie sur les réseaux sociaux. On l'aime ou on ne l'aime pas, on le défend ou on l'enfonce, l'auteur de «Les hirondelles de Kaboul » ne laisse jamais indifférent. Kaboul capitale de l'Afghanistan, Kaboul justement, qui fera office de «fil rouge» de ma présente contribution publiée en 2013, faudrait-il le rappeler, et remise au goût du jour compte tenu de la polémique au centre de laquelle se trouve, par devers lui, Mohamed Mousselhoum alias Yasmina Khadra ! Ce que je connaissais donc de l'Afghanistan, outre la culture du pavot, se résumait succinctement, dans la vie et l'œuvre de Jamel-Eddine El Afghani. Malgré une existence éphémère, ce personnage haut en couleur et héros en son temps a traversé l'histoire en y laissant son empreinte. Il a également suscité une polémique autour de son origine : afghane ou iranienne ? Peu importe, dès lors où il était connu aussi comme un réformateur, imbu par ailleurs d'émancipation, grâce à son séjour en Occident. Gonflé qu'il était, il rêvait de voir la démocratie et les libertés s'installer en terre d'islam déchirée par les luttes fratricides et l'absolutisme qui y régnait. Pourquoi j'évoque ce personnage, maintenant et dans ces colonnes ? Je vais vous le dire ! Ce Jamel-Eddine El Afghani incarnait aux yeux du jeune homme que j'étais, «le chevalier sans peur et sans reproche». De plus, il était le héros d'une série égyptienne qui nous était servie en prime time, par «l'unique». Nour Ech-charif ou peut-être bien Mahmoud Yassine, je ne sais plus, campait magistralement le rôle de ce personnage, qui apparaissait à l'époque, aussi sympathique que téméraire. Et exit Jamel-Eddine El Afghani et son épopée ! Il s'est estompé de ma mémoire lui et ses idées rétrogrades, somme toute. Quant à l'Afghanistan d'aujourd'hui, il ne se distingue à mes yeux que par l'horreur de son interminable bilan macabre : ? 1.756 enfants tués ou blessés des suites du conflit qui se déroule dans ce pays, depuis 2001. ? Soit 4,8 enfants tués par jour, selon l'UNICEF. ? Pertes humaines innombrables liées «à un usage sans discernement de la force», selon un rapport de l'ONU, paru en avril 2012. ? Explosions de voitures et de motos piégées, au quotidien. Comment aussi ne pas haïr tous ces talibans qui ont profité du chaos laissé par l'occupant soviétique, pour asseoir leur domination, à coups d'idées néo-fondamentalistes et à coups de balivernes du style «les talibans affrontaient les chars russes à mains nues» ? Et le mollah Omar, aussi borgne que Mokhtar Benmokhtar, caché le plus souvent dans les grottes de Bora Bora, et qui devient de facto leur chef, une fois qu'ils se sont accaparés du pouvoir ! Il prend le titre de «commandeur des croyants», après avoir occis en route, l'ancien président communiste mais néanmoins légaliste, Mohamed Nadjibullah. Depuis cette époque, les événements d'Afghanistan ont fait intrusion dans nos foyers, par effraction, via la télévision nationale, pour nous pourrir tout simplement nos dîners et nos soirées. Avec la parabole et les chaînes satellitaires, les massacres nous étaient livrés «en live», quotidiennement : 1. Assassinat du commandant Massoud. 2. Kamikazes, ceintures d'explosifs. 3. Lapidation, pendaisons au quotidien. 4. Dynamitage des statues de Bouddhas géants de Bamiyan, vieilles de 15 siècles. 5. Absence de toute vie culturelle, de toute vie tout court. 6. Et autres cruautés à oublier au plus vite comme les dégâts de la décennie noire où «nos Afghans» non moins féroces, ont causé tant et tant de drames inoubliables. D'autres pays ont commencé, à leur tour, à ressentir directement et dans leur chair, les effets de leur engagement en Afghanistan : ? Les USA avec les attaques contre ses ambassades de Nairobi et Dar es Salam. ? La France avec 88 soldats tués. Et leur opinion publique de se poser des questions, de haïr la guerre, l'Afghanistan et d'en débattre, avec véhémence, dans les médias ! Et vinrent les événements du 11 septembre 2001, qu'il n'est point besoin de rappeler ici. Ainsi que la starisation d'Oussama Ben Laden et son intronisation au sein d'une opinion musulmane, plus déroutée qu'admirative de ses exploits supposés ! Aujourd'hui, même après sa mort, on continue à subir les dommages induits par ses attentats, dont on ne cesse d'en payer les frais, collégialement, musulmans en général et arabes en particulier. Personnellement, je désespérais de voir ce pays renaître, connaître la paix, prospérer et retrouver sa place dans le concert des nations. Je me suis désintéressé de l'Afghanistan, jusqu'au jour où j'ai tenu entre mes mains «Les hirondelles de Kaboul» de Yasmina Khadra. Je vous fais le «pitch» du livre ? Oui ? Alors voilà: Dans les ruines brûlantes de Kaboul, la mort rode, un turban noir autour du crâne. Ici, une lapidation de femme, là, un stade rempli par des exécutions publiques. Les talibans veillent-la joie et le rire sont devenus suspects- Atiq, le courageux moudjahid, reconverti en geôlier, traîne sa peine. Toute fierté l'a quitté. Le goût de vivre a également abandonné Mohsen qui rêvait de modernité. Son épouse Zuneira, avocate, plus belle que le ciel, est désormais condamnée à l'obscurité grillagée du tchadri. Alors Kaboul, que la folie guette, n'a plus d'autres histoires à offrir que des tragédies. Quel espoir est-il permis ? Le printemps des hirondelles semble bien loin encore. Quel livre ! Quel auteur ! «Douter de son talent et de son art ne peut relever que de la jalousie». Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un journaliste du Quotidien d'Oran, à la carrière bien remplie et de surcroît, directeur de l'Ecole de journalisme. Merci aussi à vous, Yasmina Khadra d'avoir écrit ce merveilleux livre qui m'a réconcilié, un tant soit peu, avec cet Afghanistan occupé, violenté, meurtri, mais si émouvant par les histoires de vie qui s'y déroulent et que vous avez parfaitement restituées à vos lecteurs ! Malgré les horreurs, la mort et le sang, les gens résistent, espèrent, pleurent souvent, rient parfois et ne cessent jamais de croire aux lendemains qui chantent. Vous m'avez, par votre livre, aidé à planter le décor de cette contribution. Ce qui me permet, en quelque sorte, d'enchaîner avec Hamid Karzaï. Ce président de l'Afghanistan qui est devenu le chef du pouvoir intérimaire après avoir été investi par la «Loyah Jirgah», cette grande assemblée qui est convoquée par les chefs de tribu. Ce président qui se distingue par son costume traditionnel et néanmoins original qu'il a promené partout dans le monde, dans l'espoir de susciter quelque intérêt pour son pays, ou pour le moins changer le regard qui lui est porté. Il se prénomme Hamid, un prénom bien de chez nous, vous l'aurez certainement remarqué. Il a annoncé, il y a juste quelques jours, qu'il ne briguerait pas un autre mandat, à l'issue de sa présidence en 2014. Il estime qu'après le retrait annoncé des troupes de l'OTAN, les leaders politiques et la population afghane prendront en mains leur destin. Et qu'ils en sont capables ! Cette nouvelle de nature à faire le buzz, n'a apparemment pas emballé les rédactions. Encore moins suscité quelques commentaires. A croire qu'un président qui ne rêve pas de se succéder «à lui-même » est une pratique courante dans nos contrées d'ici-bas. Comme si l'alternance, «zaama», est une vertu politique et une constance cultivée de Kaboul à Damas en passant par Baghdad, pour arriver là où vous fantasmez. Les bras m'en tombent ! A moins que le rédacteur de «la lettre de province», celle contenue dans la dernière livraison du Soir d'Algérie, n'y aille de son commentaire et me conforte ou pas, dans mon analyse. Lui qui supputait concernant l'abandon du pouvoir «ce n'est rien d'autre que de la sagesse dont on sait, hélas, qu'elle est la philosophie la moins bien partagée, lorsqu'on a connu l'ivresse du pouvoir». Quand à Hamid Karzaï, au-delà des reproches qu'on peut lui faire, sur son parcours ou ses liens supposés avec les USA qui l'auraient intronisé président, on ne peut lui dénier sa sincérité, encore moins sa volonté affichée de se détacher du pouvoir. N'a-t-il pas été lui-même l'artisan de sa retraite annoncée ? Moi, rien que pour ça, je lui dis : Hamid, si tu m'entends respect ! Et à Yasmina Khadra, je demande pardon. 1. De lui avoir détourné, sans son accord, une de ses hirondelles pour intituler tout d'abord cette contribution. 2. Ensuite de n'avoir pas su retenir cette hirondelle qui s'est d'ailleurs envolée, à tire-d'aile, à destination de Kaboul... 3. Et, suprême outrage, d'ignorer si elle a survécu à son long voyage. Quid de l'Afghanistan d'aujourd'hui ? Vingt ans après avoir gouverné l'Afghanistan de 1996 à 2001, les talibans ont repris le pouvoir le 15 août 2021 au terme d'une reconquête éclair qui a surpris le monde entier et les talibans eux-mêmes. Certes, l'échec américain était déjà inscrit dans l'accord de Doha, signé le 29 février 2020 entre le représentant américain Zalmay Khalilzad et le négociateur taliban Mollah Baradar, mais personne n'imaginait que l'État afghan, construit et financé par la communauté internationale à coups de milliers de milliards de dollars depuis 2001, était fragile au point de s'effondrer comme un château de cartes en quelques heures et sans résistance, alors que les talibans n'étaient pas encore entrés dans Kaboul ! Quant à Yasmina Khadra... «...C'est lui faire un imbécile procès que de lui reprocher d'avoir déjeuné avec un ambassadeur étranger. On a feint d'ignorer le parcours rare et exceptionnel de sa vie pour tenter de ternir les racines d'un homme non commun qui s'est livré corps et âme à son pays. A l'adresse des esprits délurés cultivant outrageusement l'ignorance et la gratuité de la violence verbale, il est utile d'indiquer que la renommée internationale de l'écrivain n'est pas tombée du ciel. Elle est le fruit d'un riche destin hors du commun...» (Abdou Benabbou). |
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