
C'est la
culture des exclusivismes qui a créé le virus des intégrismes. Si j'appartiens
à une culture, à une langue ou à une religion donnée, cela ne devrait pas faire
de moi un homme qui nie à l'autre, porteur d'une autre culture, d'une autre
langue ou d'une autre religion, qu'il soit mon «concitoyen». Car, de mon point
de vue, la citoyenneté exige de moi d'accepter l'autre dans sa différence à
condition qu'il accepte la mienne, dans le respect de l'Etat de droit, gérant
de la collectivité citoyenne. La locution «à condition» qui se trouve au milieu
de ma phrase ne saurait être comprise comme une sorte de «commandement» ou
d'ordre donné à l'autre pour que je «cohabite» avec lui, mais comme une forme
d'hospitalité cordiale, de séduction généreuse, d'attraction humaine à la bonne
entente. «Je ne te force pas à être comme moi, mais j'essaierai de te faire
comprendre que ce que tu penses n'est pas forcément pareil à ce que je pense.
Et que, finalement, pour qu'on cohabite, il nous faut un ensemble de points sur
lesquels l'on devrait nous mettre d'accord. Cet accord de principe s'appelle
«consensus». Si on démarre du principe «exclusiviste», l'autre n'est là que
pour être à la marge, dans les seconds rôles, une sorte d'élément de «décor»
plus proche de «l'exotisme voyeur» que d'une expression de diversité culturelle
proprement dite. Une zone de «no man's land» se crée de facto, encourageant
communautarisme, crispations, replis identitaire et surtout racisme.
J'aime
l'expression du poète français Arthur Rimbaud : «Je est un Autre»; que je trouve d'une parfaite logique, dans la mesure où
elle met en valeur «l'autre», source de notre richesse, de notre force, de
notre existence même. On ne pourra pas être s'il n'y a pas ce rapport à
l'autre. On se comprend à travers l'autre, on s'aime à travers l'autre, on
s'instruit à travers l'autre, on se connait à travers l'autre, on s'enrichit à
travers l'autre, on se construit à travers l'autre, on existe à travers
l'autre. Sociologiquement parlant, l'Autre n'est pas un (notre) «concurrent»,
mais un (notre) «complément». C'est pourquoi, l'exclure (cet autre-là), nous force
à nous exclure nous-mêmes, en nous repliant dans notre carapace d'égoïsme, et
pire d'égocentrisme. Autrement dit, on se croirait le nombril du corps, le
centre du monde, le pilier de la maison. Or, la réalité nous jettera tôt ou
tard dans nos propres contradictions. Cela est d'autant plus dramatique que,
dès le premier écueil rencontré, nos faiblesses rejaillissent à la surface, en
nous montrant que «point de force sans diversité». Ce qui suggère que,
l'acceptation de celle-ci est plus qu'une condition, c'est une obligation.