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A
entendre toutes les horreurs et toutes les insanités qui se déversent
quotidiennement sur notre espace médiatique, on peut, sans risque de se
tromper, dire que la mondialisation inique qui s'est instaurée est en train de
prendre une forme insidieuse effrayante.
Perdus dans les arcanes du nouvel espace médiatique, les citoyens désireux de s'informer se trouvent dans l'obligation de surfer d'une chaine à l'autre, d'un réseau à l'autre et d'un site alternatif à l'autre, pour mesurer la température ambiante. Cela nécessite cependant une vigilance plus accrue car les relais peuvent être nuisibles. Combien de non-dits et de faux scoops participent à la désinformation en faisant subir de graves distorsions aux règles élémentaires d'éthique et de déontologie ? Au concret, cela se traduit par un décodage partiel et partial des informations, sans effort d'analyse ou de synthèse, sans mise en contexte et sans commentaire critique. Le contingent primant sur l'essentiel, le récepteur, à défaut de véritables informations, collecte des intuitions, des émotions et des colères. Sous influence, il ne soupçonne même plus l'ampleur des complots qui le visent. Les vérités cachées sont remplacées par un souffle insidieux d'informations alambiquées à l'allure authentique, par des idées qui semblent à priori justes et sincères et par des jugements hâtifs qui apparaissent crédibles. Dès lors, distinguer une «info» d'une «infox» ( fake news) ne semble guère aisé pour tout un chacun, surtout lorsque cette dernière revêt quasiment l'apparence de la neutralité, de l'objectivité et de la bonne foi. Certes, des abus se multiplient tout comme les dévoiements et dérapages sémantiques. A l'instar d'autres professions, les métiers du journalisme comptabilisent nombre d'incapables, de paresseux et de parasites dans ses rangs. Mais est-ce une raison pour généraliser le port des muselières et condamner totalement toute une profession ? N'avons-nous pas tous démissionné moralement au prétexte de notre impuissance, de notre faiblesse et de notre lâcheté ? Refrénant nos ambitions, évitant d'aborder des sujets scabreux, sulfureux ou simplement à risques (corruption, fuite des capitaux, rente, passe-droits, faussaires, usurpateurs, terrorisme, islamisme, chômage, dérives bureaucratiques, etc.), nous avons tous, en tant que « signaux d'alerte », quelque part failli. Dans leur ensemble, les praticiens de l'information écrite et audiovisuelle ne savent plus à quels saints se vouer. La question de la vérité et du mensonge, du dit et du non dit, et du crédit que l'opinion publique leur accorde les hante. Mais, lorsque la liberté est en danger et que le risque augmente d'intensité, certains trouvent prudent d'opter pour le jeu de l'autruche en attendant que les tornades passent. Une chape de plomb implacable, accompagnée d'un silence assourdissant, envahit alors le monde des laissés-pour-compte du progrès, des démunis face à leur désespoir et des miséreux sous les bombes qui subissent le malheur sans broncher. La question lancinante qui se pose à nous peut être formulée ainsi : puisque nous souffrons tous d'injustices qui nous sont propres, par quels problèmes du monde devons-nous nous sentir concernés en priorité ? Par ceux qui nous touchent directement ? Par les gens qui nous sont proches, par la nationalité, le milieu social, la couleur de peau, la même religion ou qui appartiennent à la même ethnie que nous ? N'est-il pas anormal qu'un tremblement de terre lointain qui a provoqué des milliers de morts et de blessés, ne fasse l'objet d'aucun commentaire dans les mégas Network mondiaux ? D'aucuns diront que notre lâcheté est liée à notre impossibilité de redresser des torts et d'améliorer le sort du monde. L'autruche nous propose sa solution : face à la gravité des dangers, mieux vaut vaquer tranquillement à ses occupations et à ses affaires dans cette humanité qui parait, le moins qu'on puisse dire, grotesque. Une fois le danger passé, libre à chacun de relever sa tête. Mais, en tentant de refreiner notre empathie, notre insouciance, notre indignation et notre honte, avons-nous conscience de notre implication dans la mascarade mondiale à laquelle nous sommes conviés ? «L'indifférence est une paralysie de l'âme, une mort anticipée» (Tchekhov) Mais n'est-elle pas un boulevard pour les cyniques que nous sommes devenus, bien malgré nous ? Hier les infos de Beyrouth, de Kaboul, de Tripoli et de Gaza étaient top secret. Aujourd'hui, pas un mot sur les déplacés syriens, palestiniens, afghan et soudanais qui constituent l'essentiel des 100 millions de réfugiés dont ne parle que le Haut Commissariat de l'ONU. Même les journalistes courageux sont étouffés et n'arrivent plus à attirer un regard, à capter une attention, à retenir des lecteurs ou téléspectateurs sollicités de toutes parts. D'autres, pour attirer une attention, versent tout simplement dans la démagogie et la surenchère, dramatisant ici à l'excès, accentuant là, au maximum les tensions. Dans leur désir de séduction, ils n'hésitent même plus à franchir le rubicond, au risque d'offrir une vision éthérée complètement surréaliste du monde. Tous les médias semblent au garde à vous en faveur des huit millions d'Ukrainiens en exil. Georges Ghosn (du Point) précise que « Ces boat people ont la bonne couleur de peau, la bonne religion et en plus, ils sont Européen et Chrétiens. ». Plus de cent millions de migrants crient chaque jour leur désespoir. Ces nouveaux « Damnés de la terre », qui souffrent en silence (pauvreté, famine, misère, torture, sévices multiples...) sont inaudibles. Ils n'ont droit à aucune attention particulière de la part des neuf magnats français qui détiennent l'ensemble des médias. Notre tranquillité, ne la devons nous pas à nos lâchetés individuelles et collectives ? Même le Stade de France a été choyé avec plus d'une semaine de couverture médiatique. Alors que les événements à l'origine de cette importante mobilisation n'ont pourtant provoqué ni mort ni blessé.... Nos fausses excuses sur notre ignorance de l'ampleur des catastrophes sont-elles crédibles, alors que nous sommes infiniment plus au courant qu'autrefois des malheurs du monde et de la gravité des dangers. Aujourd'hui, la démultiplication des écrans permet à chacun de choisir ce qu'il veut savoir, ce qu'il supporte de savoir, ce qu'il trouve commode de savoir en écoutant la radio ou en surfant sur le Net avec la télé allumée. L'influence de la communication médiatisée sur les destinataires est grande. C'est même sans doute, cela qui la caractérise par rapport aux autres formes d'information. Aujourd'hui, ce sont les médias et les formes de la communication politique qui articulent la consistance symbolique des discours iconiques et sonores. C'est d'ailleurs pourquoi, dans la communication politique, il est possible de distinguer le rôle des énonciateurs de celui des destinataires. D'où la possibilité d'articuler la communication politique à l'exercice du pouvoir. La période électorale, qui vient de prendre fin en France, a vu les médias engager des stratégies énonciatives visant à assigner aux spectateurs et autres récepteurs, une place d'acteurs particuliers dans l'espace public et donc d'électeur en faveur de tel ou tel candidat. En engageant des campagnes d'opinion, les médias soutiennent, qu'ils le veuillent ou non, une cause, un projet ou un parti politique en tentant d'influencer les récepteurs afin que ces derniers adoptent la position qu'ils entendent leur faire prendre. Une fois le « choix » réalisé, les médias pourront alors se targuer d'une certaine influence (disons plutôt d'une certaine domination) et d'un rôle dans la communication politique qu'ils exercent dans l'espace public. La première fonction des médias, toute anodine, est une fonction de formation des publics à la citoyenneté. Par le biais de la diffusion d'informations, les acteurs prennent conscience de leur sociabilité. Cette mission didactique participe à la construction de l'opinion publique. Mais les médias ne sont pas seulement des organes de diffusion des opinions et des relais d'influence. Ils contribuent aussi à la circulation des idées dans l'espace public en proposant des informations sur le monde, en faisant évoluer les termes du débat public et en laissant apparaitre des acteurs nouveaux de la médiation politique. Ils peuvent aussi faire disparaitre des parasites. Combien de personnes craignent que l'effacement progressif de l'image de Zemmour sur les écrans ne soit que provisoire. En effet, les médias boloriens qui l'ont mis sur la touche peuvent à tout moment le ressortir de leur chapeau. Magiciens, peut-être, mais les médias ne sont pas les seuls magiciens de notre iconosphère. Il existe ce qu'on appelle désormais la communication d'expertise qui permet à certains spécialistes d'entrer en scène et de jouer un rôle essentiel dans les dynamiques constitutives de l'influence politique, et cela grâce à au pouvoir d'influence qui leur est dévolu. La face cachée des professionnels de la communication. L'ébouriffant dessous de cartes Ainsi, d'une décade à l'autre, on se rend bien compte, que la guerre de l'information prend une ampleur démesurée. Elle a aujourd'hui ses réseaux interplanétaires, ses stratèges et ses guerriers qui phagocytent aussi bien le politique, l'économique que le social. Chaque jour, en guise d'information et d'objectivité, ils dramatisent à l'excès, minimisent des événements graves et en occultent d'autres. De gigantesques entreprises de désinformation et de manipulation ont fini par voir le jour à l'échelle mondiale. Tels des gaz chimiques, les instruments qu'ils utilisent, censés nous informer et nous cultiver, nous anesthésient, nous troublent et nous perturbent. Ils en arrivent même parfois à « fabriquer » l'événement en élevant le mensonge manifeste au rang de vérité. Et c'est ainsi que les dérives médiatiques sont devenues choses banales. L'administration américaine, comme nous venons de le voir ci-dessus, constitue l'archétype exemplaire. Elle joue de main de maître le jeu de la transparence opaque grâce à tous les experts assermentés qui ont inondé les networks du monde d'images et de sons soigneusement canalisés, triés et aseptisés. Le manque d'intérêt pour la communication officielle traditionnelle, et le scepticisme à l'égard des partis et des leaders politiques s'expliquent aisément. Les politiques se rendent bien compte que c'est l'absence d'explication sur le choix d'une décision politique, et l'absence de connaissance à propos d'un sujet déterminé, qui alimentent l'incompréhension et génèrent les conflits. Au terme de cette brève intervention, il importe de souligner l'importance de l'information. Elle et certes, source d'inquiétude permanente, d'interrogation et d'angoisse, mais elle est aussi un devoir et une obligation, une nécessité et un droit pour les citoyens. Son rôle est essentiel pour ne pas dire fondamental. Le vide informatif agit sur notre existence et engendre des réactions de défense s'il se perpétue. C'est ce que nous ressentons lorsque nous manquons totalement d'information. Souvenons nous de la période Covid 19 et des moments importants où l'inquiétude était totale en raison des informations contradictoires émanant du Ministère de la Santé et de hautes instances. Revoilà depuis quelques jours l'angoisse qui débarque. Il importe donc de mettre à la disposition des citoyens, dès le plus jeune âge, des éléments objectifs d'appréciation sur tous les sujets sensibles et délicats qui les concernent. C'est probablement le seul moyen de réduire l'écart entre les gouvernants et les gouvernés, entre l'information et la désinformation, et cela afin de laisser prévaloir la raison surtout lorsque les thèmes deviennent passionnels. Sachant que l'essentiel des principes vertueux de la communication publique repose sur la transparence, il est nécessaire aussi de développer une stratégie de méfiance généralisée face à la presse, aux médias, aux décideurs et aux conseillers de tous poils installés au niveau de tous les pouvoirs. Une refonte radicale du champ médiatico-politique s'impose donc. Le verrouillage de la parole publique est obsolète. D'où la nécessité d'un véritable civisme de l'information car, au-delà des aspects institutionnels ou législatifs, il s'agit bien d'un enjeu civique concernant tous ceux qui veulent être acteurs à part entière d'une démocratie véritable, sans laquelle, il n'y a pas d'information libre et pluraliste. |
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