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Des espoirs vains ?

par Abdelkrim Zerzouri

L'Afrique pourrait-elle échapper à « l'ouragan de la famine », selon les craintes de l'ONU, et aux violences qui en découlent de source, dans ce contexte de blocage des exportations des céréales, du blé et des engrais notamment, venant de l'Ukraine et de la Russie ? De nombreux pays africains sont dépendants à plus de 50% de ces deux pays dans leur approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité, le blé et les engrais, alors que les navires sont bloqués par la guerre dans les ports ukrainiens, et la Russie est frappée de sanctions économiques mises en œuvre par l'Union européenne (UE), qui n'épargnent pratiquement aucun secteur. Sans oublier de souligner que leur rareté sur le marché mondial a provoqué une flambée des cours des céréales et des huiles, qui rappelle l'époque des « printemps arabes » de 2011 et des émeutes de la faim de 2008.

Dans ce cadre, le président de l'Union africaine (UA) est allé plaider auprès du président russe, Vladimir Poutine, la cause de ces pays africains. Durant une dizaine de minutes, le temps de l'entrevue entre le président de l'UA et le président russe, les discussions ont été exclusivement axées sur ce chapitre de la crise alimentaire qui se fait sentir en Afrique. «Malgré d'énormes pressions, la majorité des pays africains ont évité de condamner la Russie. Il y a une bonne partie de l'humanité qui, en réalité, est très attentive à ce qui se passe. C'est au nom de tous ces espoirs que je suis venu vous voir pour demander de prendre conscience que ces pays, même s'ils sont éloignés du théâtre, sont des victimes de cette crise au plan économique», a signalé le président de l'UA, Macky Sall, au président Poutine. Mais, que peut ce dernier pour débloquer les exportations ukrainiennes dans cette situation de guerre ?

Selon Macky Sall, Poutine lui a exprimé sa disponibilité à faciliter l'exportation des céréales ukrainiennes et que la Russie, de son côté, est prête à assurer l'exportation de son blé et de son engrais. Notons que l'Union européenne a déjà précisé que les sanctions européennes ne touchent pas les exportations de céréales russes. Le blé et les engrais arrivent, donc, dans les ports africains ? Pas aussi simple que cela en a l'air. Car, la Russie ne peut pas engager facilement des transactions commerciales à cause des sanctions occidentales qui paralysent plusieurs banques russes, et il faut pour cela lever les sanctions européennes. Et, même si on parle de plus en plus d'un espoir de corridors maritimes pour sortir des céréales d'Ukraine, les bateaux ne peuvent pas lever l'ancre et naviguer sans risque avec toutes ces mines à la dérive dans les eaux de la mer Noire.

Avec une situation qui se complique de plus en plus, seule la paix peut lever toutes les contraintes qui pressurent les exportations de blé et des engrais. Et, faire revenir à la normalité le marché pétrolier, où le prix du baril, tout comme le blé, cause des problèmes énormes pas seulement aux Africains, mais également aux Occidentaux. Tant qu'on parle encore d'une guerre en Ukraine « qui va durer longtemps », il ne faut pas se leurrer avec des espoirs vains.