Quelque
chose ne fonctionne pas sous nos cieux très particuliers. Sinon, comment
expliquer que le pays continue à tourner quand les cafés sont pleins à craquer
du matin jusqu'au soir, et des rues bondées de bagnoles et d'une foule bigarrée
? Par une sorte de baraka divine, tout le monde mange à sa faim ou boit à sa
soif sans que personne (ou presque !) n'ahane à la tâche. L'histoire de Tahar
est à méditer : encore un jeune imberbe, Tahar n'a jamais levé le bras ni
retroussé ses manches de toute sa vie. Vivant aux crochets de son paternel, il
se réveillait à midi pour se coucher à l'aube. Inquiet pour l'avenir de son
rejeton, paresseux comme une couleuvre, le papa à Tahar remue ciel et terre
pour lui trouver un job. Entre-temps, Tahar prend des rides et des cheveux
blancs et se retrouve sans toit ni famille la quarantaine bien consommée. Un
jour heureux, le pauvre paternel trouve enfin un job pour son fils qui n'a
jamais travaillé... pour se reposer toute sa vie. Et le jour sans soleil où le
paternel, fou de joie, annonça à son fils, réveillé de son profond sommeil,
qu'il venait de lui trouver un boulot, Tahar décocha au visage horrifié de son
géniteur : « vas-y toi travailler, toi qui n'a pas de père, moi j'ai encore mon
père qui travaille pour moi, encore et toujours » !