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Guelma: L'insouciance qui perdure...

par Mohammed Menani

Il n'est pas assez difficile de se forger une opinion sur le champ de vision environnemental qui s'offre à nous à chaque levée du jour où, en quête d'assouvir le plaisir des yeux, nous ne balayons que des sites muets, des paysages meurtris par la grisaille du ciel, amplifiée par l'ionisation du ciment gris et le noir bitumeux des voies urbaines ponctuées par des nids de cigognes. Les effets pervers de l'insouciance humaine ont réussi à exclure toute symétrie des repères ou la hiérarchisation des ensembles, au point d'accélérer le processus de dénaturation de nos villes, entravant ainsi, l'harmonieuse répartition des constructions et annihilant tout effort consenti en vue d'un urbanisme rationnel, cohérent et fonctionnel. Après les indus errements dans la création d'un POS nord sacrifiant un patrimoine agricole à haut rendement, l'urbanisation du chef-lieu de wilaya a été réorientée sur le cap sud-est, projetant une extension sur les bas contreforts au pied des massifs de la Mahouna, dont les reliefs y attenants, aspiraient à un reboisement intensif et à haute qualité d'agencement sylvestre. Les différents plans directeurs d'aménagement mis en œuvre à ce jour, n'ont pas manqué de se faire biseauter dans des maillages alternés par des desseins spéculatifs, l'excès de zèle de l'infamant squat ou les incivilités envers les équilibres socioéconomiques et écologiques de nos villes. En cela, la variante de création des segments attractifs et les vecteurs multidimensionnels d'une bonne occupation au sol, n'ont abouti qu'à une prolifération des infrastructures non consolidées par des liaisons durables et cohérentes, sans omettre les indues découpes sur des espaces destinés à la dispersion des flux d'échanges et à l'aération des villes. Dans ce charivari environnemental où la chose publique, l'édilité et la participation civique citoyenne sont reléguées au second plan, l'on ne peut que concevoir une urbanisation en perpétuelle refonte et en constante quête d'une hypothétique nuance d'esthétique. Les interprétations erronées des termes de la loi N°15/08 relative à l'achèvement des constructions entamées, n'ont fait qu'accentuer les tergiversations sur des échanges creux et aux germes populistes douteux qui ont ralenti l'exécution de l'idée maîtresse qui consiste à aménager l'urbanité de nos villes. A l'année 2021, la lecture du rapport de la commission permanente de l'APW fait ressortir le traitement de moins de 20% des dossiers présentés dans le cadre de l'application de la loi n°15/08 et c'est l'implacable insouciance qui perdure dans le temps, favorisant le tremplin des aventuriers de la surenchère sur la prébende et la dîme. C'est dans cet état d'âme de nos villes que l'on s'apprête à célébrer les Journées mondiales de la forêt, de l'eau et de la météorologie. La Journée mondiale de l'eau a épousé en 2022 le thème intitulé «Eau propre et assainissement pour tous en 2030», mettant l'accent sur l'importance de l'eau douce et son impact sur notre survie. La Journée mondiale de la météorologie affiche en 2022 le slogan intitulé «Alertes précoces et actions rapides» impliquant nos pouvoirs publics à une ouverture à outrance de la communication qui tend à assurer la diffusion des informations hydrométéorologiques et climatologiques utiles à la prévention des risques et catastrophes naturels. Les grandes conférences onusiennes sur l'environnement ont toujours favorisé les options de «solutions vertes», pour les fluides de la vie que sont l'air et l'eau, en cataloguant l'arbre comme un «être-ressource», contribuant à la fourniture de bois, la protection contre les dangers naturels, la création des lieux de détente oxygénés et les refuges pour les nombreuses espèces ainsi que les foyers de la biodiversité. «Les forêts et leur apport en production et en consommation durables» est le thème 2022 qui place une interpellation adjacente de faire de nos villes des lieux plus verts et plus sains, où il fait bon vivre. Le slogan reste un appel à sélectionner la qualité d'un bois durable pour les personnes et pour la planète. Nous demeurons persuadés que les forêts sont les écosystèmes les plus riches en termes de biodiversité biologique, abritant plus de 80% des espèces végétales et animales sur terre. Malgré les précieux avantages économiques, écologiques, sociaux et sanitaires, nous détruisons nos forêts à un rythme infernal, sans se soucier que la déforestation ouvre des clairières prédatrices et procréatrices de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique. La mise au vert de nos territoires implique la revitalisation à travers le grand reboisement pour compenser les milliers d'hectares du patrimoine forestier incendié et l'essaimage à outrance des points verts en milieu urbain, sans oublier de replanter les arbres victimes des incivilités criminelles, notamment pour l'exemple, les fucus centenaires déracinés et les platanes sciés à la tronçonneuse à la faveur d'une impunité déclarée effrontément. D'aucuns vous diront que les forêts et les arbres, de par leur capacité à stocker le carbone, contribuent à atténuer les effets de changements climatiques dans les zones urbaines en périphérie et parviennent miraculeusement à réduire la consommation énergétique, atténuent la pollution sonore et constituent d'excellents filtres contre les particules fines et les polluants nocifs en suspension dans l'atmosphère. Nous disposons d'une batterie d'instruments régissant notre urbanisme et notre hydraulique ou notre végétation, et tout transite par l'application stricte de ces textes sans démesure ni discrimination. Ceci demeure du ressort de technocrates de la filière, consciencieusement prévenants et imprégnés des concepts évolutifs, modulables sur les vecteurs tissulaires et réticulaires dans un projet d'ensemble prometteur. De nos jours, l'on se complaît dans la fonctionnalité routinière de l'inertie, sans projection futuriste d'objectifs communautaires, ni l'intensification de l'action urbaine comme catalyseur de l'essor d'un réel environnement, et l'attitude passive ne fait que favoriser la descente aux enfers, dans un bouleversement de toute la cohésion de l'urbanité. En se noyant dans un verre d'eau, l'équipage en place étale ses limites dans la perception de l'équation citoyenne sur une certaine douceur de vivre dans une ville équilibrée. A vouloir rechercher et disséquer la flamme novatrice rare, la boîte de Pandore nous déçoit par le jaillissement d'un flux de dysfonctionnements complexes, de compromissions scandaleuses qui portent un grave préjudice aux institutions de l'Etat. Dans les chaos provoqués, l'on se permet de détruire un arbre comme l'on peut détruire des matrices d'actes conservées ou «détruire» le lancement fictif d'un projet existentiel au développement local, dans une banalité déconcertante dépassant tout entendement. Les perspectives d'urbanisation englobant «les solutions vertes» à instaurer dans nos moeurs avec l'appui de tous les instruments de droit, dessinent clairement un défi que toute la composante de la collectivité doit relever. Ce n'est point une sinécure car il y a lieu de faire converger toutes les synergies sur la plateforme de la solidarité agissante, réceptacle des réflexions, des ingéniosités et des moyens appropriés pour une mise à niveau féconde. Détruire un arbre n'est pas le propre de l'homme car c'est un crime contre la nature, et l'individu citoyen qui croit au renouveau national, ne peut être tenté par l'idée d'aller sciemment polluer l'air ou ses sources d'eau douce.