Il n'est pas assez difficile de se forger une opinion
sur le champ de vision environnemental qui s'offre à nous à chaque levée du
jour où, en quête d'assouvir le plaisir des yeux, nous ne balayons que des
sites muets, des paysages meurtris par la grisaille du ciel, amplifiée par
l'ionisation du ciment gris et le noir bitumeux des voies urbaines ponctuées
par des nids de cigognes. Les effets pervers de l'insouciance humaine ont
réussi à exclure toute symétrie des repères ou la hiérarchisation des
ensembles, au point d'accélérer le processus de dénaturation de nos villes,
entravant ainsi, l'harmonieuse répartition des constructions et annihilant tout
effort consenti en vue d'un urbanisme rationnel, cohérent et fonctionnel. Après
les indus errements dans la création d'un POS nord sacrifiant un patrimoine
agricole à haut rendement, l'urbanisation du chef-lieu de wilaya a été
réorientée sur le cap sud-est, projetant une extension sur les bas contreforts
au pied des massifs de la Mahouna, dont les reliefs y
attenants, aspiraient à un reboisement intensif et à haute qualité d'agencement
sylvestre. Les différents plans directeurs d'aménagement mis en œuvre à ce
jour, n'ont pas manqué de se faire biseauter dans des maillages alternés par
des desseins spéculatifs, l'excès de zèle de l'infamant squat ou les incivilités
envers les équilibres socioéconomiques et écologiques de nos villes. En cela,
la variante de création des segments attractifs et les vecteurs
multidimensionnels d'une bonne occupation au sol, n'ont abouti qu'à une
prolifération des infrastructures non consolidées par des liaisons durables et
cohérentes, sans omettre les indues découpes sur des espaces destinés à la
dispersion des flux d'échanges et à l'aération des villes. Dans ce charivari
environnemental où la chose publique, l'édilité et la participation civique
citoyenne sont reléguées au second plan, l'on ne peut que concevoir une
urbanisation en perpétuelle refonte et en constante quête d'une hypothétique
nuance d'esthétique. Les interprétations erronées des termes de la loi N°15/08
relative à l'achèvement des constructions entamées, n'ont fait qu'accentuer les
tergiversations sur des échanges creux et aux germes populistes douteux qui ont
ralenti l'exécution de l'idée maîtresse qui consiste à aménager l'urbanité de
nos villes. A l'année 2021, la lecture du rapport de la commission permanente
de l'APW fait ressortir le traitement de moins de 20% des dossiers présentés
dans le cadre de l'application de la loi n°15/08 et c'est l'implacable
insouciance qui perdure dans le temps, favorisant le tremplin des aventuriers
de la surenchère sur la prébende et la dîme. C'est dans cet état d'âme de nos
villes que l'on s'apprête à célébrer les Journées mondiales de la forêt, de
l'eau et de la météorologie. La Journée mondiale de l'eau a épousé en 2022 le
thème intitulé «Eau propre et assainissement pour tous en 2030», mettant
l'accent sur l'importance de l'eau douce et son impact sur notre survie. La
Journée mondiale de la météorologie affiche en 2022 le slogan intitulé «Alertes
précoces et actions rapides» impliquant nos pouvoirs publics à une ouverture à
outrance de la communication qui tend à assurer la diffusion des informations
hydrométéorologiques et climatologiques utiles à la prévention des risques et
catastrophes naturels. Les grandes conférences onusiennes sur l'environnement
ont toujours favorisé les options de «solutions vertes», pour les fluides de la
vie que sont l'air et l'eau, en cataloguant l'arbre comme un «être-ressource»,
contribuant à la fourniture de bois, la protection contre les dangers naturels,
la création des lieux de détente oxygénés et les refuges pour les nombreuses
espèces ainsi que les foyers de la biodiversité. «Les forêts et leur apport en
production et en consommation durables» est le thème 2022 qui place une
interpellation adjacente de faire de nos villes des lieux plus verts et plus
sains, où il fait bon vivre. Le slogan reste un appel à sélectionner la qualité
d'un bois durable pour les personnes et pour la planète. Nous demeurons
persuadés que les forêts sont les écosystèmes les plus riches en termes de
biodiversité biologique, abritant plus de 80% des espèces végétales et animales
sur terre. Malgré les précieux avantages économiques, écologiques, sociaux et
sanitaires, nous détruisons nos forêts à un rythme infernal, sans se soucier
que la déforestation ouvre des clairières prédatrices et procréatrices de gaz à
effet de serre contribuant au réchauffement climatique. La mise au vert de nos
territoires implique la revitalisation à travers le grand reboisement pour
compenser les milliers d'hectares du patrimoine forestier incendié et
l'essaimage à outrance des points verts en milieu urbain, sans oublier de
replanter les arbres victimes des incivilités criminelles, notamment pour
l'exemple, les fucus centenaires déracinés et les platanes sciés à la
tronçonneuse à la faveur d'une impunité déclarée effrontément. D'aucuns vous
diront que les forêts et les arbres, de par leur capacité à stocker le carbone,
contribuent à atténuer les effets de changements climatiques dans les zones urbaines
en périphérie et parviennent miraculeusement à réduire la consommation
énergétique, atténuent la pollution sonore et constituent d'excellents filtres
contre les particules fines et les polluants nocifs en suspension dans
l'atmosphère. Nous disposons d'une batterie d'instruments régissant notre
urbanisme et notre hydraulique ou notre végétation, et tout transite par
l'application stricte de ces textes sans démesure ni discrimination. Ceci
demeure du ressort de technocrates de la filière, consciencieusement prévenants
et imprégnés des concepts évolutifs, modulables sur les vecteurs tissulaires et
réticulaires dans un projet d'ensemble prometteur. De nos jours, l'on se
complaît dans la fonctionnalité routinière de l'inertie, sans projection
futuriste d'objectifs communautaires, ni l'intensification de l'action urbaine
comme catalyseur de l'essor d'un réel environnement, et l'attitude passive ne
fait que favoriser la descente aux enfers, dans un bouleversement de toute la
cohésion de l'urbanité. En se noyant dans un verre d'eau, l'équipage en place
étale ses limites dans la perception de l'équation citoyenne sur une certaine
douceur de vivre dans une ville équilibrée. A vouloir rechercher et disséquer
la flamme novatrice rare, la boîte de Pandore nous déçoit par le jaillissement
d'un flux de dysfonctionnements complexes, de compromissions scandaleuses qui
portent un grave préjudice aux institutions de l'Etat. Dans les chaos
provoqués, l'on se permet de détruire un arbre comme l'on peut détruire des
matrices d'actes conservées ou «détruire» le lancement fictif d'un projet
existentiel au développement local, dans une banalité déconcertante dépassant
tout entendement. Les perspectives d'urbanisation englobant «les solutions
vertes» à instaurer dans nos moeurs avec l'appui de
tous les instruments de droit, dessinent clairement un défi que toute la
composante de la collectivité doit relever. Ce n'est point une sinécure car il
y a lieu de faire converger toutes les synergies sur la plateforme de la
solidarité agissante, réceptacle des réflexions, des ingéniosités et des moyens
appropriés pour une mise à niveau féconde. Détruire un arbre n'est pas le
propre de l'homme car c'est un crime contre la nature, et l'individu citoyen
qui croit au renouveau national, ne peut être tenté par l'idée d'aller
sciemment polluer l'air ou ses sources d'eau douce.