Le gouvernement espagnol a changé de fusil d'épaule sur la
question du Sahara occidental. Madrid soutient désormais publiquement le plan
d'autonomie présentée en 2007 par le Maroc. Pouvait-on s'attendre à ce
revirement de la position espagnole ? Il ne faut plus s'étonner de rien sur le
plan des relations internationales, qui connaissent ces derniers jours de
profonds changements, et qui sont appelées à évoluer comme jamais dans le
proche avenir sur des bases anciennes mais détachées de toute délicatesse, sans
compassion, à savoir sur le seul intérêt que peut rapporter telle ou telle
position diplomatique. L'empirisme diplomatique qui tente de surfer entre les
flots, sans fâcher ni une partie ou une autre, n'est plus de mise. Ainsi,
l'Espagne, qui est passée d'un soutien à l'application du plan onusien
d'autodétermination au Sahara occidental, à la neutralité prudente face à la
question, pour ne pas indisposer ses voisins marocains et algériens, et qui
arrive aujourd'hui à supporter l'initiative d'autonomie présentée par le Maroc,
obéit à ses propres intérêts stratégiques. Peut-on conclure que les intérêts
stratégiques avec l'Algérie sont moindres ? Certainement que la formule
diplomatique qui sanctionne généralement les rencontres entre les deux pays, où
on loue le partage des points de vue autour des questions régionales, ne sera
plus évoquée dans les déclarations communes. Plus loin encore, l'Algérie serait
amenée à redéfinir son action diplomatique, voire toute coopération, avec
l'Espagne, sur la base de ce nouveau développement sur la scène régionale. l'Algérie ne peut rester insensible face à cette nouvelle
donne. Le Front Polisario a dénoncé, vendredi dernier, cette nouvelle position
du gouvernement espagnol, l'accusant de «succomber au chantage et à la politique
de la peur utilisée par le Maroc». A ce point, le Maroc peut-il faire peur à
l'Espagne jusqu'à lui faire changer de cap sur une question qui engage sa
pleine responsabilité politique, juridique et morale, en tant qu'ancien
colonisateur ? Il est certain que l'Espagne se range là derrière d'autres pays
européens, qui cherchent par ces temps à unifier leurs actions diplomatiques,
mais la question divise encore au sein de la classe politique à l'intérieur de
ce pays. Des voix s'élèvent, déjà, au sein de l'exécutif espagnol pour dire que
« toute solution au conflit au Sahara occidental devait passer par le respect
de la volonté démocratique du peuple sahraoui ». Ce n'est pas fort comme
opposition, certes, cependant, elle invite les principales parties à se
manifester face à ce revirement qui fait prendre un tournant aux principes de
la politique étrangère espagnole. Il est à se demander, maintenant, de quoi
peut user le Front Polisario pour imposer cette « volonté démocratique du
peuple sahraoui » ?