L'Europe n'aide que les siens, y compris quand il s'agit de
sauver des vies humaines. C'est valable en tout temps, en tout lieu et en toute
circonstance. Cette guerre en Ukraine nous jette à la face cette triste
réalité, les Africains ne sont nulle part les bienvenus. Fuyant les
bombardements et les batailles violentes entre Russes et Ukrainiens, les
Africains qui séjournent en Ukraine, pour la majorité des étudiants, ont dû
affronter les affres de la discrimination, du racisme et d'un traitement
inhumain qui leur a été réservé sur le long chemin de leur fuite vers des pays
frontaliers. Les nombreux témoignages d'Africains, bloqués aux passages
frontières, maltraités avant d'en arriver là par des agents de sécurité et
empêchés de prendre place dans les trains et les bus qui prenaient les
populations en exode vers les pays voisins, ont poussé l'UA à faire part
officiellement de sa grande préoccupation à propos de cette situation. Macky Sall, président du Sénégal
et de l'Union africaine (UA), ainsi que Moussa Faki,
président de la Commission, rappellent ensemble dans ce sens que «toute
personne a le droit de franchir les frontières pendant un conflit et doit
bénéficier des mêmes droits quelle que soit sa nationalité ou son identité
raciale». Pourquoi alors refuse-t-on aux Africains ce droit de traverser la
frontière de l'Ukraine ? Pour les victimes de cette maltraitance, il ne s'agit
ni plus ni moins que de comportements racistes. Dans sa déclaration sur ces
mauvais traitements infligés aux Africains qui tentent de quitter l'Ukraine,
l'UA évoque «des rapports selon lesquels les Africains sont l'objet d'un
traitement différent inacceptable, choquant et raciste, et violerait le droit
international», exhortant tous les pays «à faire de la même empathie et du même
soutien envers toutes les personnes qui fuient la guerre, nonobstant leur
identité raciale». De ces réactions se dégage une conviction claire,
inébranlable, les Ukrainiens et les autorités des pays d'accueil des
populations fuyant la guerre (les pays frontaliers comme la Hongrie, la
Roumanie et particulièrement la Pologne) sont animés d'un sentiment raciste à
l'égard des Africains. Mais ces Africains qui résident en Ukraine et qui ont
fui ce pays au même titre que des centaines de milliers de personnes sont-ils
maltraités uniquement à cause de la couleur de leur peau, ou existe-t-il
d'autres causes enfouies à l'origine de ce comportement scandaleux ? En sus
d'un racisme assez courant dans ces contrées, on se demanderait si on ne fait
pas face à une rancœur qui fait payer aux Africains les pots cassés de
l'absence d'un franc positionnement des gouvernements africains contre
l'invasion de l'Ukraine par la Russie ? D'autre part, les pays d'accueil, qui font
partie de l'Union européenne, refusent d'accorder aux Africains des visas
d'entrée dans l'espace Schengen. Ce qui n'est pas nouveau à proprement dire. Ce
qui est choquant dans l'histoire, c'est seulement cette conjoncture du conflit
armé, qui donne le droit à toute personne de franchir les frontières afin de se
mettre hors de danger, et qui n'est pas respectée par ces pays. Voilà pourquoi
les pays africains, qui ont pris conscience de cet état de fait, doivent
s'impliquer davantage dans les opérations d'exfiltration et de rapatriement de
leurs ressortissants.