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Safi Boudissa1 cet homme d'exception et apôtre des humbles nous a quittés

par Abdelkader Khelil*

SAFI Boudissa est né le 22 août 1929 à El Bayadh. Il est originaire de la faction d'Ahel Z'nina (Idrissia) du côté de son père. Sa mère qui a mis au monde trois garçons et une fille, était quant à elle issue de la faction d'El Hourch. Ces deux branches sont en fait rattachées à la grande tribu des Ouled Nail de Djelfa.

Son père est venu déposer ses « bagages » et élire domicile dans la ville des roses, Blida, ou le jeune Boudissa a été inscrit à l'école primaire du centre-ville. Mais contrairement aux fils des colons souvent envoyés en vacances à la métropole, s'est à Messaad (wilaya de Djelfa) que le petit écolier blidéen âgé de 8 à 11 ans venait passer des vacances caniculaires. Loin des plages de la corniche algéroise et du plaisir de la mer strictement réservé aux enfants des colons, il était bien pris en main par son grand-père maternel, Si El Hadj ATTA'ALLAH.

Bien des fois son père l'envoyait aussi chez ses cousins de Figuig (ville marocaine frontalière) au climat aussi sec que celui de Djelfa, afin qu'il puisse s'imprégner de leurs techniques d'élevage, eux les astucieux agro-pasteurs reconnus pour leur savoir-faire.

C'est dans ces contrées semi-arides, marquées par la vie rude et difficile des années 1930 à laquelle vient se greffer l'injustice de l'occupant durant la longue nuit coloniale, qu'a été façonné l'esprit d'endurance et de sobriété forgé dans une atmosphère de dénuement total, ce quotidien des populations locales privées des éléments les plus basiques de la vie courante, mais aussi, son caractère rebelle.

Cette « bonne graine » rustique du « pays » de l'alfa qu'était le jeune Boudissa, semée par le vent sur les terres de cette Algérie profonde de l'honneur, de l'authenticité et de la dignité, mais privée de tout, allait devenir au fil du temps, cette « pousse patriotique » très vigoureuse et plus tard, ce Grand Militant Humaniste hors pair. Que l'on en juge ! Dès son enfance et à l'âge de 12 ans, le jeune élève costaud de l'école du centre-ville de Blida a été amené à tabasser le fils d'un colon qui venait d'agresser un de ses camarades de la classe « indigène ».

Cela lui a valu bien sûr une injuste et sévère mise à pied de l'établissement et un avertissement de la part du directeur de l'école. Quelques jours plus tard, le même agresseur s'attaque cette fois-ci au petit Henri DAHAN, fils d'un armateur juif au port d'Alger et, voisin de Boudissa qui a été obligé de lui porter secours, lui le « justicier » en herbe. Il fut donc convoqué par le directeur de l'école qui lui asséna une raclée, accompagnée d'une exclusion définitive...

Fâché et très déçu de ne pouvoir continuer à rêver à l'instar de tous les petits enfants de son âge de l'école de l'éducation et du savoir, même si elle était aussi, celle de l'injustice pour ne pas dire de l'apartheid, notre patriote en herbe prend sa fronde et quelques petits cailloux bien choisis, tout en « ruminant » sa vengeance.

Il attend le week-end de sorte qu'il n'y ait pas d'élèves dans les salles de cours et se met à tirer rageusement sur les carreaux de cette école française de Jules FERRY qui l'a banni et qui n'est plus la sienne. C'était là, sa vengeance, son premier acte de rébellion contre un des symboles de cette France dite pourtant civilisatrice ...

Après la mort de son père, le petit Boudissa est resté auprès de sa mère et l'âme en peine, lui l'exclu du système scolaire injuste, fait dans la débrouille pour subvenir quelque peu, aux besoins basiques de sa famille. Il trouve alors le moyen de vendre les belles oranges de la Mitidja aux soldats anglais et américains stationnés à la base aérienne de Boufarik durant la deuxième guerre mondiale.

Mais il était loin d'imaginer que ce petit boulot, ce gagne-pain dérisoire en ces temps très durs du rationnement, allait bouleverser toute sa vie, lui qui a fini par apprendre et par maîtriser l'anglais pour devenir interprète auprès des soldats américains et britanniques. Il devient rapidement la mascotte de la caserne.

Pour la petite histoire, quelques années plus tard, SAFI Boudissa l'ouvrier syndicaliste de chez Peugeot, retrouve par un pur hasard son ami et voisin d'enfance Henri DAHAN à Paris. Cet ami qui avait gardé de lui un bon souvenir, l'a invité chez ses parents. Au moment de se séparer, il remit de l'argent à Boudissa, le rassure de son amitié et de son soutien après avoir su ce qu'il était venu faire à Paris et lui dit : « Si tu as besoin de plus d'argent ou de faux documents tu me le fais savoir ! »

C'est à partir de ces bribes d'anecdotes rapportées par lui-même et laissées en héritage à ses enfants, ses proches et ses amis, mais aussi et surtout, par son long parcours prestigieux de militant inscrit en lettres d'or dans l'Histoire de notre Révolution et de ce que j'ai appris sur ce personnage d'exception avec lequel j'ai établi jusqu'à sa mort, et durant plus de quatre décennies, des liens solides, durables et sans faille.

C'est à partir de là qu'est née chez-moi l'idée d'écrire l'ouvrage : « Romance du parcours d'un militant atypique » (publié en 2019 chez Hibr Éditions) qui me tenait à cœur. Une discussion autour du rôle et de la place de ce Grand Homme des Hauts Plateaux et non moins Militant nationaliste dans la belle aventure du développement de l'Algérie postindépendance avec des amis, m'a amené par obligation morale à lui rendre par cet écrit, un hommage des plus appuyés.

Nous partagions avec lui un même idéal, celui qui relève d'une conviction forte quant à la nécessité de concevoir et surtout de mettre en œuvre un vaste projet de développement qui soit à la fois structurant et mobilisateur autour du principe de l'équilibre régional donnant lieu, à une meilleure répartition des richesses du pays à travers l'ensemble du territoire et notamment, ses régions les plus marginalisées des Hauts Plateaux et du Sud.

Notre ami SAFI Boudissa était surtout animé et préoccupé par le souci de justice, d'équité et d'égalité des chances pour toutes et pour tous. Ces principes fondamentaux sur lesquels doit reposer la construction de toute Nation qui se veut être unie dans sa riche différence et sa pluralité géographique, ethnique et sociale. Une Nation, solidaire dans ses actions pour le bien-être global au bénéfice de tout un peuple.

Aussi, avait-il trouvé auprès de ma modeste personne, un allié et un compagnon pour focaliser dans un même élan et pendant quatre décennies au sein de l'association « Ibn Al Awam »; nos réflexions, nos visions et nos échanges sur la nécessaire et impérieuse stratégie d'aménagement des régions qui nous tenaient le plus à cœur, ces deux grands ensembles déjà délaissés par le système colonial; qui accusaient effectivement un grand retard sur les autres régions du Nord. Celles considérées par la France coloniale, comme « Algérie utile », c'est-à-dire, l'espace exclusif des colons.

Avec notre ami SAFI Boudissa, nous étions fortement convaincus que ce projet majeur en termes d'équilibre territorial et de répartition judicieuse du peuplement, était à inscrire dans la permanence de la nécessaire mutualisation des efforts de toutes les institutions de l'État, afin de prévenir et de lutter contre les effets pervers de l'exclusion et de la marginalisation de pans entiers de notre société.

Combien de fois l'ai-je vu pleurer par commisération et fidélité pour les humbles, mais fiers et dignes fils de ces régions semi-arides et arides dont il était à la fois l'apôtre et l'ambassadeur attitré, dévoué et fidèle ! « Ces pauvres gens qui n'ont plus pour nourriture que du pain sec et du petit lait, sont guettés par la faim et la misère rampante! » me disait-il. Il était écœuré par l'incompétence, l'indifférence et l'incurie de ceux qui devaient être à leur service pour tout au moins, les orienter et les accompagner.

En plus de cela, ces bureaucrates et leurs hiérarchies n'accordaient que peu de crédit aux conseils et avertissements que prodiguait gracieusement SAFI Boudissa en homme généreux et en « vigile », pour éviter que ces territoires en dérives au niveau de leurs parcours steppiques, de leurs ksour et oasis, ne voient leur situation se dégrader de façon irréversible.

Les messages qu'il émettait en parfait connaisseur du milieu agro-pastoral et des subtilités du monde de la ruralité à l'état brut, mais à l'esprit aussi vif que forgé par une longue et riche expérience, n'ont jamais été assimilés et/ou entendus bien évidemment. A suivre

Il manquait en effet à nos gouvernants la volonté d'intégration de la connaissance des terroirs et de la participation des principaux acteurs du développement à la conception, à la réalisation et au suivi de « leurs » projets. Jusqu'à ce jour, un décalage énorme existe entre l'expression des besoins exprimés par les citoyens et les réponses apportées par l'administration au niveau de ces régions mais pas qu'elles seulement.

SAFI Boudissa a même été bien des fois raillé par certains esprits sans envergure pour ne pas dire imbéciles et méprisants, lui qui était en avance sur tous ces « responsables » insouciants, voire inconscients qui ont minimisé et négligé le risque majeur des phénomènes pourtant lancinants et destructeurs.

Ceux de la désertification, de la précarité de la condition de la femme rurale, du déclin des activités pastorales, oasiennes aussi et de l'absence d'une formation adaptée et mieux appropriée pour les jeunes chômeurs de ces régions en rupture d'équilibre. Il n'avait de cesse de porter haut et fort leur cri de détresse sans jamais renoncer, ni se décourager, pour poursuivre son travail de sensibilisation des décideurs que ce soit au niveau central que local.

Oui ! Safi Boudissa était ce phare qui a éclairé, accompagné et soutenu les carrières de celles et de ceux parmi nous qui voulaient bien prêter attention aux grandes idées novatrices et pleines de bon sens qu'il développait avec générosité pour leur faire économiser du temps, tout en minimisant les erreurs de parcours des jeunes cadres inexpérimentés qu'il cherchait à protéger et, à en tirer le maximum de leur potentiel de connaissances et de savoirs.

En tribun des humbles, cet homme à la faconde facile, en ancien syndicaliste chevronné qu'il était, a toujours su trouver les mots justes et « faisant mouche » pour booster les esprits attentifs à ses propos, à ses idées généreuses et à ses projets. Il arrivait par la force de la persuasion à en faire d'eux, des alliés objectifs au service de la noble cause qu'il défendait bec et ongles, et de véritables « soldats » en acteurs conscients, au service du développement d'une jeune République naissante.

Il avait aussi cette qualité de savoir manager les ressources humaines qu'il dénichait partout dans notre vaste pays. Il les prospectait et les trouvait: chez ses amis Mozabites à Ghardaïa pour la maîtrise de l'ingénierie et de la gestion de l'eau, Chambiis à Metlili, à Ouargla, à Touggourt, à Biskra et à Adrar pour la maîtrise des systèmes oasiens, à Tébessa, à Laghouat, à Djelfa, à Naâma, à El Bayadh, à Saïda pour la valorisation des systèmes agro-pastoraux.

Mais aussi, dans des amphithéâtres et des laboratoires des jeunes universités de Tébessa, de Batna, d'Oum El Bouagui, de M'Sila, de Djelfa, de Biskra, de Tiaret, de Saïda, de Blida, de Mostaganem, de Mascara, à l'ISGP et dans les grandes institutions parmi les « militantes » et les « militants » du développement économique autonome et autocentré.

Son souci premier était l'accroissement des capacités d'encadrement et de gestion de tous ces grands projets de développement qui lui tenaient à cœur par : « des jeunes non contaminés par la corruption », comme il lui plaisait de dire et, de répéter avec la hargne propre du vieux militant se sentant définitivement trahi par tous ces dirigeants et gouvernants qu'il avait sollicités...

Tout cela, était fait dans le sillage de son action militante et de sa grande générosité de cœur, sans penser à tirer comme le font certains responsables; des dividendes pour lui et/ou pour ses proches, sinon que le plaisir et surtout, la satisfaction de rendre service à son pays, à travers celles et ceux qui sont dans le besoin et méritent que leurs situations s'améliorent durablement. «Fi Sabil Allah !» avait-il l'habitude de dire à toutes celles et tous ceux qui étaient subjugués par son parcours. « Fi Sabil El Watan ! » et sans plus.

Nombreux sont les gens qui gardent à différents degrés, bien des souvenirs de lui et de son combat pour la libération et le développement de l'Algérie indépendante ! En tout premier lieu, des syndicalistes, des politiques et des hommes d'églises français lui ont apporté en toute amitié et humilité, souvent au péril de leurs vies, de leurs libertés et de leurs ex communions, leurs précieux et fraternels concours. Ils furent à ses côtés en ces moments difficiles où il n'était pas aisé d'être amis d'algériens surtout à Paris où le « collabo et pro-nazi » des années 1942 à 1944, sous l'occupation de la France par le Troisième Reich, préfet de Police Maurice PAPON, tenait tout ce beau monde sous sa haute surveillance, de mars 1958 à 1962.

C'est dire que la Révolution algérienne avait beaucoup d'amis en France et d'Algériens d'origine européenne en Algérie qui ont su faire avec courage et en toute conscience, leur choix en franchissant le Rubicon pour défendre la cause juste de l'Algérie pour son indépendance, et en se rangeant aux côtés de la lutte des Algériens pour leur émancipation du système colonial.

C'est pourquoi, nous devons en permanence, rendre justice à ces justes, Hommes et Femmes de l'ombre qui n'ont pas lésiné pour donner le meilleur d'eux-mêmes, alors qu'ils étaient traités par la presse et les politiques de la colonisation en Algérie et en France, comme des « traîtres » à leur pays, eux qui n'ont fait qu'exprimer courageusement l'élan humaniste de leurs cœurs. Gloire à ces Hommes et à ces Femmes d'honneur qui par leur élan humaniste, se sont mis du côté de la juste cause de notre peuple et ont partagé avec lui, sa détresse, ses luttes et ses espoirs.

Vous êtes pour nous de véritables frères ! Vous êtes nos véritables sœurs !, aurait dit de vous SAFI Boudissa. Toutes celles et tous ceux qui comme nous, savent apprécier et mesurer à leur juste valeur ces grands et précieux soutiens à notre combat d'émancipation et plus tard, à celui difficile de la reconstruction du pays pour lequel vous étiez nombreux à payer de votre honneur, de vos vies et plus tard, de votre savoir et de votre expérience, vous diront la même chose.

Oui ! Vous êtes nos amies et nos amis, nos sœurs et nos frères, à jamais ! Les braves de ce pays martyr depuis des millénaires, se souviendront certainement de vous ! Vous méritez bien que vous soit dédié, tout un Mémorial en hommage à votre combat comme l'aurait voulu SAFI Boudissa, cet Homme non complexé.

En figure de proue, SAFI Boudissa l'autodidacte à l'esprit toujours ouvert sur le savoir, la nouveauté et la connaissance symbolisés par l'expérimentation et le travail de terrain, exerçait avec un sens aigu l'entreprenariat productif dans la ferme de Ksar Chellala qu'il a héritée de son père. Non de celle d'un colon absentéiste, dont il aurait pu en bénéficier en sa qualité de Moudjahed de la première heure.

SAFI Boudissa a toujours surpris son monde par son assiduité aux nombreux séminaires et ateliers de réflexion organisés par les nombreuses institutions de recherche et les universités du pays. Il y prenait part sans jamais être dissuadé par les longues distances qu'il parcourait pour s'y rendre et retournait chez-lui toujours à ses frais, mais le cartable bien rempli de documents scientifiques et techniques, après avoir fait sa moisson dans les différents ateliers de travail et la tête pleine des thèses, des expériences théoriques et pratiques des chercheurs participants à ces séminaires et colloques scientifiques .

Et pourtant ! À Ksar Chellala, ses bêtes n'avaient souvent presque rien à brouter, tant les parcours steppiques se dégradaient progressivement. Son cheptel manquait d'orge et d'aliments, parce que son ennemie la sécheresse passait très souvent par là et, près de chez-lui, comme pour lui rappeler son éternel et inlassable combat contre la désertification, les fléaux de la faim et de la misère du ventre qu'elle entrainait.

Oui ! Je me devais de cerner au plus près possible de la réalité et mettre à jour, la nature de la lutte multiforme que menait cet illustre personnage atypique, dont le comportement exemplaire et l'aura qu'il dégage de son visage toujours illuminé par un généreux sourire laissant paraître, l'image d'un Homme de bien toujours attentif aux intérêts de sa communauté. Il n'a jamais voulu chercher ni gloire ni reconnaissance pourtant largement méritées. Son action a toujours été, celle d'un philanthrope bien aimé de toutes et de tous ...

Cette considération était toute sa fortune et il en tirait un immense plaisir ! Cela lui suffisait amplement et faisait tout son orgueil, en même temps qu'il était admiré par des Hommes et des Femmes d'honneur qui savaient faire la différence entre le bon grain et l'ivraie.

Ce personnage de légende, appartenait à cette lignée de braves qui font de plus en plus, cruellement défaut à notre société bafouée et marquée si profondément, par la perversité d'une classe dirigeante amorale, prédatrice, boulimique et suicidaire qu'avait mis à nu le Hirak, au point d'être honnie et rejetée par toutes les catégories du peuple, parce que mettant fortement l'Algérie de nos Chouhada en danger. Cette caste sans foi ni loi, avait toujours considéré les précieuses et fondamentales valeurs de l'honnêteté, de la probité, du sacrifice et du travail productif (ces nobles idéaux) comme des pratiques ringardes et obsolètes à bannir et à remiser au musée.

Ce qu'a montré le travail de fourmi de SAFI Boudissa tout au long de sa vie doit nous inspirer au plus haut point. Disons-le avec force, au risque de faire des jaloux parmi ceux qui n'ont pas su marquer utilement et honnêtement leurs passages dans la vie de notre pays et de notre société. Une société à qui ils ont voulu faire perdre ses véritables valeurs en la faisant fonctionner le plus souvent sur des contre-valeurs nouvelles de la triche, de la prédation, de l'usurpation des fonctions, du vol et de l'accumulation indue des biens et des services de la collectivité nationale.

À contrario, tous les actes de vie de notre ami SAFI Boudissa sont l'exemple même et le prototype de ce qu'aurait dû être la longue chaîne de continuité du serment fait aux martyrs, pour construire en pleine conscience et avec enthousiasme, cette Algérie sociale, libre et de progrès à l'émergence de laquelle, ils y ont contribué par leur sacrifice suprême. Et que les Algériennes et Algériens qui sont sortis par millions dans les rues des villes et villages au cours des mois de février à mai 2019, ont appelé massivement à bâtir dans le cadre d'une nouvelle République plus sociale et plus démocratique.

Gloire à nos Martyrs toutes croyances religieuses confondues et à nos jeunes qui ont réussi à insuffler l'espoir et la dignité! Cette Algérie fière, digne et débarrassée des séquelles de l'époque coloniale, des excès du féodalisme, des méfaits de l'injustice sous toutes ses formes, conviviale dans tous ses lieux de vie et de travail, dans ses villes et campagnes et où, il doit faire bon d'y vivre en tout temps dans son merveilleux, immense et riche territoire. Tel était aussi, le vœu de notre ami SAFI Boudissa, Allah Yarhmou !

Les actes de cet Homme d'honneur aux principes immuables, doivent retenir toute notre attention. Ce qui l'intéressait n'était ni la sécurité de la fonction honorifique de ministre, ni le faste protocolaire et les privilèges qui lui sont liés, ni les ors de la République, ni la sur rémunération que lui aurait procurée, une place au demeurant bien méritée dans l'une ou l'autre des Chambres du Parlement et/ou du Conseil de la Nation.

Sa décision de s'éloigner du microcosme d'Alger étant prise, SAFI Boudissa n'avait pour unique et seule ambition que, celle de se mettre au service exclusif des populations de sa région pastorale et, notamment, celles de la vallée de l'Oued Touil et ses 850.000 hectares à mettre en valeur. Il était sur le terrain de la lutte contre la misère et les fléaux qui menacent durablement les contrées steppiques des Hauts Plateaux et les systèmes oasiens en rupture d'équilibre.

Dans son habit de noble paysan chevaleresque aimant le sport équestre et la fantasia, et tel un arbre plongeant ses racines au plus profond du sol afin d'élaborer la sève nourricière qui le fait croître et fructifier, il s'était solidement ancré dans son terroir d'origine au milieu de sa communauté parmi les siens.

Il avait pris ses distances avec les cercles politiques de la « politicaillerie » et de la magouille, de ceux qui ont vendu leurs âmes au diable et ont « tourné le dos » aux nobles principes et idéaux dont-ils ne se rappellent d'ailleurs, qu'occasionnellement.

SAFI Boudissa a accompli dignement son long parcours avec beaucoup de ténacité et de courage jusqu'à la limite de ses forces en ce mois de février 2022. Il pouvait s'enorgueillir de n'avoir durant toute sa trajectoire de vie, aucun rapport intéressé à l'argent et, aux conditions matérielles. Pas de vaches importées par dizaines, pas de bisness de l'import-import de pièces détachées, pas de concession et d'accaparement de ferme pilote convoitée et dont-il aurait pu en bénéficier, n'ont été son souci premier.

Oui ! Ce n'était pas là, sa culture ! SAFI Boudissa a toujours vécu très modestement pour ne pas dire à la spartiate, se suffisant du peu, à la manière de ses autres amis et compagnons Jésuites et/ou syndicalistes qu'il a connu en France, durant son activité et son travail militant dans l'exil.

Aussi, l'ouvrage que je lui ai dédié est en quelque sorte, le tribut payé en guise de reconnaissance à celui qui a tout donné aux côtés de ses frères de combat, toutes croyances confondues, pour la libération de notre pays, au Grand SAFI Boudissa cet homme d'honneur, cet humaniste, cette « quintessence » de sagesse et de bonté. Ma satisfaction est qu'il a pu le lire avec comme à son habitude, le sourire sur les lèvres et l'esprit enfin apaisé après une vie riche et admirablement bien remplie, lui le brave chevalier sans médaille décernée et fièrement portée, sinon que la reconnaissance des siens, de sa communauté et de ses amis d'ici et d'ailleurs.

C'est là ! Que du bonheur et beaucoup de plaisir pour moi, d'avoir contribué à sortir de « l'enfer de l'oubli et de la solitude pesante » de son retrait à Ksar Chellala, cet Homme de bien qui était et restera, une référence pour toutes et pour tous. Je crois aussi, que c'est cela qu'il a retenu de son vivant, comme meilleure image des plus expressives et des plus marquantes ...

À sa famille et ses proches, je dirais que notre ami Boudissa peut reposer en paix, avec la certitude que toutes celles et tous ceux qui savent mesurer à sa juste valeur, la nature de son combat et ceux de ses semblables, lui seront certainement très reconnaissants. Que Dieu Tout-Puissant puisse l'accueillir dans Son Vaste Paradis ! Ina lilahi wa ina ilayhi radjioune !

*Professeur

1. SAFI Boudissa a eu un parcours des plus élogieux et un engagement ininterrompu pendant 70 ans au service de l'Algérie. Il est d'abord chef de daïra MTLD à Guelma à l'Est, puis à Mascara à l'Ouest. En 1948, il émigre en France. Il est ouvrier aux usines Peugeot et se fait des amis parmi les syndicalistes français de la Fédération du bâtiment et du bois CFDC, devenue CFDT en 1964. Il est l'un des principaux organisateurs du MTLD à Montbéliard. En février 1952, il organise l'évasion d'Ahmed Benbella et d'Ahmed Mahsas du pénitencier de Blida. Dès 1952, il commence à acheter des armes et à stocker de la dynamite. Il est membre fondateur du FLN au printemps 1954. Fondateur et animateur de l'Amicale générale des travailleurs algériens (AGTA) en février 1957. Il est nommé vice-président de la Panafricaine syndicale ouvrière créée en juillet 1957, à Accra. En juin 1960, c'est aussi lui qui crée l'Ecole des commissaires politiques EMG-ALN, à Ghardimaou en Tunisie, auprès de l(état-major dont Boumediène était le chef. Il est également fondateur du mouvement coopératif algérien en 1963, après avoir créé à Blida la première coopérative ouvrière Aissat Idir, en octobre 1962. De 1963 à 1966, il est membre du Comité central du FLN et en même temps ministre du Travail et des Affaires sociales. En janvier 1989, il crée l'ONG Ibn Al Awam.