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« La vérité est
incontournable, la peur peut la rejeter, l'ignorance la retarder, la
malveillance la déformer, mais elle reste ce qu'elle est » WINSTON CHURCHILL
Et la faire jaillir comme une source de renouveau, c'est pour nous un devoir sacré à accomplir devant Dieu au nom de notre conscience. En tout cas, la nécessité d'un nouvel examen de conscience se fait sentir aujourd'hui. Car l'heure de la vérité a sonné pour l'Algérie, comme elle a sonné à la veille du 1er Novembre 1954, comme elle sonne chaque fois qu'on a un compte à régler avec sa conscience. Tout ceci peut être un des instants privilégiés de l'Histoire, comme un rendez-vous avec le Destin, où une politique paraît menacée de tous les dangers, alors qu'en réalité le péril dégage l'horizon d'une manière tellement décisive qu'il présente plus d'avantages à éclater au grand jour que de risques pour l'œuvre, car les obstacles qu'il met en évidence éclairent si bien la situation qu'ils ressemblent davantage à des appels à une prise de conscience et à une stratégie, comme un rappel à l'ordre, qu'à des barrières dressées sur le chemin à parcourir. Il en est ainsi de l'évolution actuelle de la situation de notre pays qui fait face aux défis et aux menaces internes et externes aux multiples facettes, de sorte que les tentatives de développement s'en trouvent affectées. Alors que notre pays a tout ce qu'il faut pour relever les défis et déjouer les menaces croissantes qui pèsent sur sa sécurité et son développement économique et social dans un contexte de mondialisation accrue et dans un monde de plus en plus dynamique où les enjeux dépassent le simple cadre des politiques locales et nationales. Cette contribution tentera de mettre en lumière les principaux obstacles qui entravent la prise de conscience des possibilités et des opportunités qui s'offrent à nous nécessaire au changement social. Ceux qui permettront à l'Algérie de faire un choix judicieux, la nécessité de choisir une seule voie parmi celles qui se présentent, celle susceptible de lui redonner la vie. C'est à la fois une chance exceptionnelle, et une menace impalpable mais bien réelle. La chance, comme tenir dans ses mains la clé de son destin, c'est la possibilité d'un développement harmonieux et durable en tirant avantage des opportunités et des possibilités qui s'offrent à nous à travers l'exploitation des technologies de pointe en tant que leviers potentiels du développement et de la croissance économiques illustrées dans notre contribution précédente1. La menace, c'est le risque, faute de prise de conscience et de sens de responsabilité et de carence d'idées et d'idéaux, de nous conduire vers des abîmes, parce qu'on y avance en aveugle et à tâtons. Comment construire une synthèse ? Depuis plus d'un demi-siècle d'indépendance, l'Algérie n'a jamais connu un véritable essor économique et social faute d'élaboration d'un véritable plan stratégique plaçant la science et la technologie (S&T) au cœur de l'action. C'est là la véritable source et la genèse du problème le plus important auquel notre pays est confronté et auquel il ne parvient pas à trouver de solution. L'action juste ne peut être le fruit que d'une compréhension juste et objective de la situation et de la genèse de ce problème d'ordre civilisationnel. L'Algérie est aujourd'hui à un tournant décisif de son histoire et de son évolution, comme l'a affirmé le Président de la République, l'année 2022 sera consacrée exclusivement à l'économie, et en espérant que nous ne reproduirons plus les erreurs du passé. Face à ce tournant historique, notre société actuelle doit savoir avec quel bilan elle s'engage de 60 ans d'indépendance dans la nouvelle étape qualitative de son développement pour une Algérie nouvelle juste, équitable et prospère. Il est donc indispensable et urgent de prendre le temps de la réflexion et mettre de l'ordre dans nos idées afin qu'elles prennent leur sens et leur envol en envisageant les composantes à moyen et long termes susceptibles de fonder le renouveau de notre économie sur un socle solide. L'effort principal doit être celui de clarification des idées déjà préconisées; rendre clair le fait que nos problèmes se posent d'une manière radicalement nouvelle : nationale, globale et mondiale, et expliquer comment nous pouvons dans le contexte international actuel, avoir prise sur les évènements. Il faut nous libérer de toutes les inerties qui stoppent l'effort et de tous les prétextes qui justifient notre paresse. Le gigantesque amas de connaissances est disséminé dans les revues spécialisées, dans les conventions, des forums internationaux, traités et accords internationaux et dans le cerveau des scientifiques. Chacun n'en possède qu'un fragment. Il faut réunir ces parcelles en un tout et faire vivre ce tout dans l'esprit des forces potentiellement capables de réaliser une mutation historique à ce tournant décisif de notre histoire. Alors la science de l'homme deviendra féconde et l'Algérie renaîtra de ses cendres. Cette entreprise est difficile et complexe. Cela nous conduit à renouveler ici une véritable question déjà posée par le prix Nobel de médecine, Alexis Carrel : « Comment construire une synthèse ? ». Cette question rejoint également la préoccupation de notre célèbre penseur, Malek Bennabi, dans son livre « Les conditions de la renaissance : problème d'une civilisation », où il écrit « Notre recherche ne doit pas être empirique, si l'on ne veut pas qu'elle devienne une anarchie, un chaos, dominés par ?l'homme unique' ou par la ?chose unique'. Nous devons la rendre scientifique et rationnelle. C'est la seule manière qui permet de saisir dans la civilisation à laquelle nous nous adaptons, non pas des fragments et des apparences, mais une essence et une synthèse. Et, c'est cette synthèse qui résorbera les dissonances et les inharmonies de l'Algérie actuelle, en les fondant dans une culture générale consciente de son but et condition première d'homogénéisation et d'unification d'une société qui cherche son nouvel équilibre ». Ceci étant dit, nous pensons que la matière même de nos récentes contributions et leur développement apporteraient quelques éléments qui permettraient de parvenir à une proposition alternative concrète à celles que proposent certains économistes qui soumettent tous les rapports entre humains à la seule logique de l'économie et de la finance1,2. C'est une illusion que de croire que les processus de changement économique et social ne peuvent avoir lieu que via l'investissement et l'instauration de l'économie de marché. Dans un pays comme le nôtre, il s'agit plutôt d'amorcer un nouveau processus de développement qui constituerait le commencement d'un nouveau chapitre de notre histoire où l'Etat, au départ, animé d'une volonté politique et jouissant d'une gouvernance forte et visionnaire, aura un rôle essentiel à jouer dans l'évolution et l'accompagnement de ce processus de réforme adaptée aux conditions nouvelles du décollage de notre pays. De tout cela, comme nous l'avons déjà illustré, l'époque contemporaine nous offre des exemples éloquents de pays, notamment du Sud-Est asiatiques, qui devraient inspirer nos gouvernants, ayant effectué des progrès considérables en matière de développement social et de croissance économique dans des délais très courts. Ces pays ont réussi, grâce à la lucidité et la détermination inébranlable de leurs protagonistes comme précurseurs de leur essor, à élaborer leurs propres plans globaux de développement conformément aux impératifs opérationnels et à faire la synthèse de tous leurs plans sectoriels de manière systématique, coordonnée et cohérente3. Les vérités au sujet de l'élaboration des politiques nationales en matière de S&T Après près de quatre décennies d'indépendance, l'Algérie était dépourvue d'une politique scientifique et technologique, une lacune que nous avons déjà soulevée lors d'une émission télévisée consacrée à la fuite des cerveaux de Said Oulmi, une question également posée à un ministre depuis près de trente ans, et suite à une initiative de certains chercheurs préconisant la pérennisation de la recherche et développement (R&D), le gouvernement d'alors s'est efforcé de combler ce retard en matière d'élaboration de politique (policy-making) dans ce domaine en promulguant la loi n° 98-11 portant loi d'orientation et de programme à projection quinquennale sur la recherche scientifique et le développement technologique qui constitue l'instrument de sa politique en cette matière. En février 2008, une deuxième loi a été promulguée, modifiant et complétant la première. Celle-ci fixe toute une série d'objectifs du développement socio-économique du pays. En toute logique, cela suppose que le politique ait réellement des objectifs de développement. Dans les faits cependant, comme nous l'avons signalé ailleurs, ce n'est pas nécessairement le cas, puisque l'organe, créé en janvier 1992, chargé de les fixer et déterminer les priorités relatives ne s'est jamais réuni en l'occurrence le Conseil National de la Recherche Scientifique et Technique (CNRST). Il y a lieu de rappeler que cette procédure de «loi de programme» de la programmation de la R&D est une astuce procédurière bien connue en démocratie parlementaire. Elle consiste à faire acter des engagements par voie législative, en transformant la programmation en loi de programme pour une durée jugée convenable (cinq ans ou plus). Cela revient à réserver d'avance les moyens budgétaires, indispensables durant cette période et à rendre difficile toute modification d'un tel engagement législatif. Ces deux lois de programme n'ont pas été élaborées selon les méthodes et principes reconnues en la matière, lesquelles étaient par conséquent vouées d'avance à l'échec tel que nous l'avions annoncé, notamment dans notre contribution citée en référence au point 5. Il s'agissait en fait d'un véritable fourre-tout où l'on mélange absolument tout : les sciences de l'ingénieur et les sciences sociales et humaines. La simple lecture de ces lois suffisait de se rendre compte, il en ressort une série d'amalgames déjà énumérés dans nos contributions4,5. En décembre 2015, le gouvernement a promulgué une loi d'orientation sur la recherche scientifique et le développement technologique, remettant de manière inopportune, de ce fait, la procédure de «loi de programme». Il est inconcevable que le gouvernement décide de retourner en arrière plus de dix ans et abandonne de manière impardonnable un instrument qui permet de pérenniser l'activité de R&D. Il semble très paradoxal de soulever encore une fois une autre question au sujet de cette loi dans son article 9 qui mentionne la stratégie nationale de développement global alors qu'elle n'existe même pas ! Ceci s'appelle de l'amateurisme pour ne pas le qualifier d'un jeu politique sournois. Si les choses n'ont guère évolué dans ce domaine en Algérie, c'est essentiellement parce que nos dirigeants politiques se préoccupent davantage des aspects juridiques que scientifiques et technologiques qui sont étroitement calqués sur ceux des français. Nous n'en voulons pour preuve que le dernier exemple en date, celui de la promulgation du décret exécutif n° 21-549 du 30 décembre 2021 fixant le statut du Centre de l'Innovation et du Transfert Technologique (CITT) prévu par la loi susmentionnée, soit six ans après sa promulgation. Cette structure est similaire au Centre Régional d'Innovation et de Transfert de Technologie (CRITT) français qui est par contre une association régie par la loi 1901 regroupant les acteurs locaux du monde professionnel et de la recherche publique dans un domaine donné. Son financement est réparti entre l'Etat, les collectivités locales et la participation des industriels. Il existe environ deux cents CRITT en France. C'est donc une attitude d'esprit qu'il faut changer et adopter une autre plus sérieuse. Décidément en Algérie, la plupart des gouvernements qui se sont succédés, ont adopté des politiques de colmatage et d'improvisation basées sur le principe de facilité, qui n'ont eu d'autres résultats que le maintien du statu quo plutôt qu'une transformation en profondeur qu'elles doivent enclencher sans plus tarder. Sinon, comment expliquer que l'Algérie ne soit pas parvenue aux résultats des pays émergents, dont il est question plus haut, atteints dans des délais relativement courts et partis pourtant du même point de départ et avec moins de ressources propres. Encore une fois, nous pouvons affirmer en vérité que les différents plans lancés au cours des deux dernières décennies, bénéficiant d'importants investissements, qui s'élève à près de 400 milliards de dollars, ne prenaient pas en considération l'intégration des politiques scientifiques et technologiques dans le processus de planification. Où en serait l'Algérie, si depuis vingt ans, tous les moyens humains, matériels et financiers, avaient été utilisés dans le but de consolider l'Etat de droit, de promouvoir la bonne gouvernance et de produire un véritable développement socio-économique ? Dans cette perspective, comme nous l'avons maintes fois répété, il est donc de la première importance que les décideurs s'imposent le devoir de constituer des capacités dans le domaine du management des activités scientifiques et technologiques dont l'objectif n'est autre que l'intégration de la politique scientifique et technologique dans le processus de planification comme conditions du développement socio-économique dans une perspective nationale et internationale. Ce serait à nos yeux faire preuve de myopie politique peu commune que de ne pas réaliser combien il y va de l'intérêt de l'Algérie d'accorder une plus grande importance quant à l'élément intégration des apports de la S&T dans les plans et les activités concrètes de développement économique, social et culturel du pays. Il est donc illusoire d'adopter une autre voie qui ne peut mener qu'à une impasse. A cet égard, nous prenons appui des recommandations du programme d'action de Vienne, issu de la conférence des Nations Unies sur la S&T au service du développement (CNUSTD), tenue à Vienne en août 1979, et nous retiendrons ce passage qui résume tout : «Des éléments de science et technologie devraient être inclus dans les stratégies ou les plans nationaux de développement en tant qu'instruments fondamentaux pour la réalisation des divers objectifs et buts qui y figurent ; ces plans devraient aussi comprendre des dispositifs précis, au niveau sectoriel et intersectoriel, en vue de l'avancement, de la maîtrise, du transfert, de l'acquisition, de la diffusion locale, de l'assimilation et de l'utilisation de la science et de la technologie, y compris le savoir-faire». Cette conférence qui intervenait à un moment critique de l'évolution de l'économie mondiale et faisait partie intégrante des efforts déployés en vue d'instaurer un Nouvel Ordre Economique International (NOEI), un concept fondamental lancé en 1974 par le défunt Président Houari Boumediene lors d'une session extraordinaire de l'ONU tenue, faut-il le signaler, à sa demande, sur les problèmes les plus urgents du développement auxquels les pays tiers étaient confrontés. Principaux obstacles au changement et révolution authentique Il apparaît clairement qu'un des principaux obstacles au changement social se trouve en nous-mêmes. Que nous n'avons pas simplement la volonté, la détermination et la foi pour lutter efficacement contre la cupidité, la dispersion, le gaspillage, l'autoritarisme et l'irresponsabilité. En plus, même si la prise de conscience nécessaire au changement était répandue ? et elle l'est beaucoup plus chez nos intellectuels qu'on le reconnaît généralement comme l'illustrent leurs analyses et leurs réflexions dans les articles, les éditoriaux et les chroniques des grands journaux à l'échelle du pays, pour qu'il y ait place à l'espoir ? il est cependant extrêmement difficile de traduire cette prise de conscience en action sociale directe dans un contexte où il n'existe pas, à l'intérieur de la société, de structures sur lesquelles puisse s'appuyer cette transformation ? où les structures en place entravent même le changement en profondeur, reflètent, entretiennent, protègent et encouragent l'obéissance, la docilité, l'illusion et le fatalisme qui préservent le statu quo ; matériellement protecteur et rémunérateur. Dans un tel milieu social qui inspire à tous l'irresponsabilité, la personne ? celle qui pense, qui observe et qui raisonne ? dont les comportements vont à l'encontre de l'irrationalité ambiante et s'éloignent des normes en vigueur, des fausses croyances, des idées reçues, des illusions et des intérêts qui prévalent ? et c'est là une constante dans l'histoire ? est systématiquement mise sous le boisseau ou dont on s'en débarrasse par des moyens ingénieux. Elle est qualifiée de « molle », de « dépressive », de « cyclique », de « déséquilibrée », voire carrément de « folle ». Des sanctions pour la plupart informelles qu'elle subisse, perturbent notre besoin d'authenticité, d'identité et de rationalité et réduisent davantage l'exercice de la liberté particulièrement dans les domaines où les gens en ont plus besoin pour rester maîtres de leur vie et de leur créativité. A suivre... Soit dit en passant, il y en a de toutes sortes, c'est mon cas par exemple, et je vais certainement surprendre les lecteurs et peut-être en choquer, mais tant pis : Cela a un lien avec le projet de réalisation de la centrale de technologie de microélectronique du CDTA par la société M+W Zander, un projet de 2 milliards de DA (soit 21,7 millions d'euros) inscrit dans le cadre du Plan de Soutien à la Relance Economique (PSRE) auquel j'ai dénoncé très clairement, juste avant le lancement de la construction, les dysfonctionnements et les anomalies constatées du marché et dans la conduite du projet qui ont été d'ailleurs mentionnés dans des lettres ouvertes, des articles publiés dans divers journaux et dans les colonnes de ce même journal6,7,8. Puis, un jour de l'année 2007, je fus convoqué par le médecin du travail à son cabinet, par téléphone. Une fois arrivé sur place, elle me fait une proposition, laquelle doit être restée très restreinte selon elle, c'est de savoir si j'accepte de subir un test psychiatrique. J'ai toute suite vu d'où le coup venait. Mon amour-propre en a vraiment pris un coup. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, je l'avoue. C'est le comble de l'hypocrisie et de l'irresponsabilité. Toutefois, au départ, j'ai accepté naïvement la proposition pour prouver que je suis sain de corps et d'esprit. Une fois sorti de son cabinet, j'ai croisé un collègue auquel je fais confiance et je lui ai dit sur ce qui s'est passé. Il m'a conseillé de refuser la proposition qu'on ne peut manquer d'y voir qu'une étrange machination. Je suis ensuite retourné vers le médecin pour lui rendre ma décision finale sur la question. Elle me répond en toute franchise en ces termes : « Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage ». Voici la vérité toute crue ! Mais ce qui est dramatique encore, c'est lorsqu'on est victime de traitements injustes, vous trouverez personne pour vous venir en aide. Cette attitude désinvolte et inertie qu'adoptent nos scientifiques face au gaspillage, à l'inefficacité et aux abus constitue l'un des principaux obstacles au changement. Ceci ne pouvait être possible faute de disposer d'une communauté scientifique au sens propre du terme où tous les membres adhèrent à la même déontologie et partagent un système de valeurs : responsabilité, loyauté, solidarité, courage, audace, respect, etc. J'aimerais cependant profiter de l'occasion qui se présente aujourd'hui pour dire quelques mots sur cette désinvolture et sur l'état actuel de ce projet. Il s'agit de la réalisation clé en main d'une centrale de technologie de microélectronique donnant le droit d'exploitation d'un procédé sous licence. Il a été réceptionné le 31 mai 2016, alors que la date prévue d'achèvement était novembre 2005. Il convient de signaler que les circuits et les dispositifs de test issus du procédé technologique sous licence n'ont pas été produits conformément au contrat qui prévoit de répéter le procédé de fabrication trois fois par le fournisseur de la licence, c'est une disposition pour assurer le transfert des connaissances et le savoir-faire reliés au procédé de fabrication. Mais le comble de l'absurdité, venant d'une personne promue aux plus hautes fonctions de l'Etat, quoiqu'éphémère et trompeuse, en charge alors du CDTA, est de construire une autre infrastructure à proximité de la centrale de technologie de microélectronique à une échelle relativement petite dédiée au développement d'activités de recherche en microsystèmes pour lesquelles un espace leur est déjà réservé dans la dite centrale restée largement inexploitée. Voilà un gâchis épouvantable que nous ne pouvons faire semblant de ne pas entendre ou de ne pas voir, car nous connaissons trop bien les conséquences désastreuses de la politique du laisser-faire, et je pourrais donner encore bien d'autres exemples. Il arrive toutefois que les décisions absurdes ne le sont pas tant que cela, que le but recherché par leurs auteurs n'est pas du tout de redresser une situation anormale ou difficile à surmonter, mais de la tourner à leur profit personnel tout en faisant croire que ces décisions vont dans le sens de l'intérêt national. A regret, les gens responsables et soucieux de redresser la situation dans laquelle se trouvait le projet du centre ont été mis à l'écart ! Cependant, au vu des difficultés et des problèmes techniques de la centrale de technologie de microélectronique du CDTA, une évaluation externe est nécessaire et indispensable, car elle favorise l'objectivité tant des analyses que des recommandations. D'ailleurs, c'est une proposition transcrite dans notre rapport projet portant le titre « Recherche et Innovation en Microélectronique : Vision et Plan Stratégique National Horizon 2030 » pour lequel une demi-journée lui a été consacrée à sa présentation devant des ministres, des représentants des ministères et des hauts cadres au siège du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) le mois de février 2021. Tout compte fait, nous devons avoir le langage de la vérité comme l'écrivait Malek Bennabi : « Si la vérité et le mensonge peuvent être deux armes, il vaut mieux utiliser la première parce que ses conséquences les plus mauvaises sont encore moins mauvaises que celles du mensonge ». Cela étant dit, et à la lumière de notre courte expérience en tant que Directeur de la programmation de la recherche, de l'évaluation et de la prospective au MESRS, nous avons le sentiment que la volonté d'évoluer et d'agir est entravée principalement par l'incertitude politique, les hésitations et la trahison des idéologies. Les nombreuses failles et incohérences de la réalité passent généralement inaperçues, et lorsqu'elles sont mises en lumière, deviennent gênantes, elles sont ignorées par le pouvoir, contournées ou reprises carrément à son compte. Dans cette situation, l'Etat expose sa loi, étouffe la conscience individuelle, détruit la personnalité et empêche le développement du sens critique, et lui substitue un appui aveugle au statu quo, présenté comme une réalité inexorable à laquelle tout le monde doit se soumettre. Et les forces du statu quo, dissimulées dans les départements ministériels, en sont conscientes et consacrent plus d'efforts à entretenir cette «psychologie de l'inertie» qu'à faire directement obstacle au changement. Dans ce contexte, quand nous y faisons face ? particulièrement après plusieurs tentatives pour changer les choses ? il entraîne souvent un sentiment d'impuissance. La tâche semble trop lourde. Quand nous éprouvons un tel sentiment de désespoir et d'échec, nous concluons que la démocratie telle que conçue avec un pluralisme politique et un gouvernement parlementaire de façade n'est qu'une tromperie pour masquer la réalité, et que la justice et l'équité sociale ne sont qu'une utopie. Le mode de fonctionnement de l'Etat serait plus juste et conforme plutôt à celui de « corporatisme » et de « clientélisme » qu'à celui de la « démocratie ». A ce sujet, Brian H. Murphy, militant, éducateur et écrivain canadien, fait l'observation suivante, qui s'applique à toutes les sociétés et à tous les pays, qu'il nous paraît utile de la citer : « Dans toutes les sociétés, le pouvoir est centralisé et contrôlé par un système qui fait qu'une clique privilégiée détient toutes les «réponses» (qui sont le capital et la garantie véritable de toute société) et formule aussi les questions. Les réponses viennent d'abord ; les questions ne servent qu'à justifier et à confirmer les réponses imposées. Les gardiens du savoir manipulent les questions pour imposer leurs réponses, protégeant ainsi leurs privilèges et leur pouvoir. Quiconque pose de nouvelles questions, ou des questions auxquelles cette clique ne peut répondre, est marginalisé, censuré, voire carrément écarté. La personne qui réussit à poser ne serait-ce qu'une seule question qui éveille la conscience et l'imagination de la population ébranle le pouvoir établi et ? momentanément du moins ? rend la révolution possible »9. Le mal n'est donc pas irréparable et une telle révolution est loin d'être impossible. Mais une révolution du type nouveau auquel nous aspirons, digne de celle de notre révolution de Novembre, sans esprit de revanche et de discrimination, n'a pas besoin de la violence pour se réaliser. Elle est efficace en elle-même; car elle est d'une clarté qui s'impose d'elle-même. Une révolution de ce type ne peut se définir seulement par le changement des structures et des hommes, mais aussi par le changement des modes de pensée et de comportement. Car le problème essentiel n'est pas celui de la violence et de la légalité de changement, mais de son contenu, de ses méthodes et de son orientation. La seule révolution authentique est celle qui permettra de nous conduire à accepter de faire un examen de conscience et à reconnaître qu'il faudrait bien de se rendre à l'évidence que le mal se trouve en nous-mêmes. Celui d'être victimes des limites imposées par notre façon de penser, par notre manque d'imagination et de vision. Cette prise de conscience de nos lacunes et de nos possibilités insoupçonnées devrait déboucher naturellement sur notre volonté de l'exprimer en action sociale directe et concrète. Car nous aurions franchi le seuil de la conscience, celui de nous ouvrir à tout un univers à portée de main où nous pouvions jouer un rôle actif et créatif. Un univers où la morosité, l'oisiveté, le désespoir, l'apathie, la léthargie et la lassitude céderont le pas aux langage, objectivité, connaissance, curiosité, apprentissage créatif, motivation intérieure, espoir, intention et libre choix. Celui qui n'aura pas compris cela, n'aura rien compris au verset suivant : «Dieu ne change pas l'état d'un peuple tant que celui-ci ne change pas ce qui est en lui-même». Qu'est-ce qu'une décadence ? Dans ce contexte, nous devrions connaître le mot de Paul Valéry, poète et essayiste français : « Nous autres, civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles. ». L'Algérie parviendra-t-elle à redonner confiance et espoir à sa population et surtout offrir de nouvelles perspectives à sa jeunesse, et saura-t-elle exercer sa liberté, grâce à la prise de conscience lucide et à la science où seule est possible la connaissance, à l'ultime chef d'œuvre de la raison, celle de conduire le «Connais-toi» de Socrate jusqu'à la victoire de percer les secrets de la mort ?10 Sera-t-elle la première nation capable d'observer sa décadence, de la comprendre et de tenter d'y remédier ? Si, elle réussissait à se redonner la vie, à vivre dans la plénitude et dans la joie, l'Algérie étonnera à nouveau le monde. Elle livrerait à la mémoire du monde un document mémorable pour marquer l'histoire ? le diagnostic de la face discrète d'une mort. Comme quoi, nous ne sommes pas nés pour mourir, mais pour commencer. Et il faut dès à présent nous avancer. Pour renaître et grandir de nouveau, il faut nous lever et nous mettre en marche. Dès lors, nous commençons à distinguer à travers les brouillards de l'aube la voie de notre salut. De montrer ainsi, que nous sommes bien vivants, grâce à cette lumière, celle qui permet de redonner la vie à notre existence dénuée de sens, de gravir les hauts sommets, d'éclairer notre intuition et notre imagination créatrice. Elle rejaillira de nouveau en nous comme autrefois en accord avec ce verset coranique, en symbiose féconde entre la foi et la raison ; à la vérité, dans la mort comme dans la vie, la dualité entre la foi et la raison, comme le corps et la conscience, quoique distincts, sont inséparables et indissociables : «Est-ce que celui qui était mort et que Nous avons ramené à la vie et à qui Nous avons assigné une lumière grâce à laquelle il marche parmi les gens, est pareil à celui qui est dans les ténèbres sans pouvoir en sortir ?... ». Elle serait l'inspiratrice de ceux qui auront la tâche de conduire l'humanité à une vraie civilisation. Nous devons nous contenter d'avoir d'elle, et qui est essentiel, un concept opérationnel comme précurseur de la pensée nouvelle et universelle. Enfin, pour conclure, une chose est claire : la situation actuelle ne saurait durer. Ou bien, nous resterons des morts-vivants, incapables de réaliser notre potentiel individuel et collectif susceptible de nous faire accéder à une autre réalité sociale faute d'y apporter de profonds changements ; ce serait alors faillir à un nouvel engagement de la part de nos dirigeants qui risquerait de compromettre pour plusieurs décennies encore l'avenir de l'Algérie, car le désordre psychologique sera tel et les conséquences d'un tel échec, en plus de porter les germes d'une profonde désillusion au niveau de sa population, comme c'est le cas aujourd'hui, risque d'offrir un prétexte de plus à une dépendance et à une domination accrue de notre pays. La meilleure illustration en est donnée par le désaveu cinglant infligé par les citoyens principalement les plus jeunes à ses dirigeants à travers le taux historique d'abstention enregistré lors des élections présidentielles, législatives et locales, et celle qui est donnée par les départs massifs des médecins vers l'étranger et l'immigration clandestine où un nombre croissant de nos jeunes désespérés se jettent à la mer dans une aventure suicidaire pour fuir leur misère. Ou bien, et c'est la possibilité que nous préconisons au-delà du conformisme, la situation irait en s'améliorant non pas par hasard, mais par l'engagement actif et déterminant des millions de nos concitoyens qui feront le choix de transformer leur vie et leur société. Ce choix ne peut s'opérer dans les sphères les plus élevés, par quelques dirigeants, mais il doit être le fait de tous afin d'ouvrir la voie à la solidarité, à la justice et à la libre expression du potentiel humain. Et nous serons bien vivants. Et pour terminer, nous profiterons de l'occasion de la Journée nationale du Chahid qui correspond au 18 février de chaque année pour dédier cette modeste contribution à nos valeureux martyrs, les chouhada de la Glorieuse révolution de Novembre. *Docteur en microélectronique - Ex-directeur de recherche Références : Quels sont les leviers potentiels pour le développement économique et social ? M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 3-4 janvier 2022 Comment relever le défi du développement national?, M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 30 décembre 2021 Comment surmonter la crise de confiance des citoyens envers les gouvernants, M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 13-14 octobre 2021 Pour une politique de recherche véritable, M.T. Belaroussi, l'Expression, 19 juin 2005 La programmation de la recherche nationale : Autopsie d'un échec annoncé, M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 6 janvier 2009 Monsieur le Président, M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 6 décembre 2006 Lettre ouverte à son excellence, Monsieur le Président de la République, La Dépêche N°157 du 4 au 10 mars 2008 Secteur des Semi-conducteurs : Un éclairage stratégique pour le président de la République, M.T. Belaroussi, Le Quotidien d'Oran, 9 février 2010 De la pensée à l'action : La personne au cœur du changement social, Brian K. Murphy, Les éditions écosociété, Montréal, 2001 (http://www.dieguez-philosophe.com/) |
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