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Dans les sociétés
dites modernes, la ville est perçue comme un espace de vie, fortement marqué
par le souci porté par les pouvoirs publics et les citoyens à rechercher de façon
permanente l'excellence, le bien-être social, la valeur ajoutée économique et
culturelle. Chez les gens attentifs à leur cadre de vie, la ville est avant
tout le lieu privilégié de l'expression de la citoyenneté, du civisme et de la
démocratie de proximité, en conformité avec les principes de l'État de droit.
Rien de plus exaltant et mobilisateur, pour peu qu'on veuille bien le faire,
s'y atteler fortement et vouloir le préserver durablement !
La ville vraie, ce produit d'une gouvernance appropriée à ce cadre de vie auquel nous rêvons et voulons promouvoir, est celle où il fait bon vivre de jour comme de nuit, où il n'est point besoin de se bousculer pour prendre les transports en commun (bus, métro ou tramway), où l'eau coule régulièrement du robinet, où l'on n'est pas dans la recherche improbable et désespérée de toilettes publiques et où, l'on ne risque pas de vieillir dans les chaînes d'attente au niveau des services publics. Elle n'est pas celle où cohabitent sur une même artère, le laboratoire d'analyses médicales et la pharmacie avec le mécanicien, la station de lavage de véhicules et le vulcanisateur qui polluent, la boulangerie, la poissonnerie, la boucherie, le marché des quatre saisons et la rôtisserie et où, les trottoirs sont jonchés d'amas de détritus, d'immondices et d'obstacles infranchissables, surtout pour les handicapés et les personnes âgées. Elle n'est pas celle où les chaussées sont constamment éventrées et où les balcons sont occupés à longueur de journée par du linge à sécher, au lieu de bacs fleuris dédiés au plaisir de l'œil, par manque de citadinité et de civilité. C'est dire, que dans la composition de l'image qu'offre la ville au regard attentif de celles et ceux qui l'habitent ou la visitent, tous les détails des plus petits aux plus grands ont leur importance et rien ne doit être fait au hasard et/ou négligé, Messieurs les élus et édiles de nos cités ! Trop longtemps considérée chez nous comme simple réceptacle de programmes d'habitat, la ville doit être tout au contraire, un lieu d'excellence, de production et de reproduction économique, sociale et culturelle. Elle doit être, aussi, un espace d'expression et de cohérence des différents groupes sociaux. Elle ne saurait donc être indéfiniment cette « forêt de tours en béton » sans esthétique, sans écrin de verdure, bâtie par addition d'agglomérations anarchiques génératrices d'exclusion et de marginalisation de pans entiers de notre société. Elle doit tout au contraire devenir un « organisme vivant » qui tire l'essentiel de son énergie, de ses atouts propres et environnants qu'il faudra préserver et valoriser, pour le bien-être de la population. Mais si la ville est un organisme vivant, M. le ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, n'est-on pas en droit de s'interroger sur ses fonctions vitales, par similitude avec le corps humain ? Dans cette comparaison, l'on peut dire que le centre-ville dans sa connexion aux différents quartiers à travers le système de transport, correspond au cœur, ce moteur de la circulation sanguine qui assure l'irrigation de tout le corps humain. Les forêts périurbaines récréatives, les parcs et jardins et les espaces de loisirs représentent, quant à eux, le système respiratoire et le poumon d'oxygène indispensable. Les centres de décisions, d'animation et de gestion de la ville sont à comparer au cerveau, ce siège des facultés mentales et leurs démembrements, au système nerveux. Pour mesurer le degré de fonctionnalité de nos villes, l'on doit s'interroger sur l'accomplissement de ses fonctions capitales pour le bien-être des citoyens. Alors, combien sont-elles ces villes algériennes, disposant d'un système de transport efficient qui permet au centre-ville et aux autres espaces d'animation, de réguler correctement les activités nécessaires à la vie de la cité et à ses résidents, d'arriver à l'heure et dans de bonnes conditions à leurs lieux de travail ? Combien sont-elles ces villes algériennes, qui disposent d'espaces de détente et de loisirs à hauteur des besoins de la population ? Que font nos collectivités pour la gestion des villes qui repose et fait appel, à l'ingénierie territoriale, au paysagisme, au management, à l'économie urbaine ? Tout cela se doit d'être traduit par un schéma directeur décliné par des actions à court, moyen et long terme. Ce schéma est à considérer comme un instrument opérationnel, opposable aux tiers. La gestion urbaine fait aussi référence aux cellules de proximité pour le suivi permanent des populations fragilisées, à la gestion des risques majeurs, à l'implication citoyenne sans exclusive, à la codification de l'acte du bâti, tout au moins au niveau des artères et boulevards principaux et à bien d'autres domaines d'utilité publique. En fait, si la gestion des villes est par essence une action pluridisciplinaire faisant appel aux arts et à plusieurs corps de métiers, l'on doit s'interroger sur le nombre de collectivités qui peuvent s'en prévaloir M. le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire ! De toute évidence, il faut finir par admettre que nos villes ne sont en réalité que des organismes, certes vivants de par la seule mobilité de leurs résidentes et résidents, mais pourtant «tétraplégiques» au regard de toutes ces fonctions mal assumées par les uns et les autres, plus par négligence et par défaut de professionnalisme que par manque de moyens, dans cette Algérie généreuse qui n'a jamais été au plus près de la comptabilité de ses « sous » lorsqu'il s'agit de l'amélioration des conditions de vie et du bien-être social de la population. Si l'on n'a jamais lésiné sur les moyens financiers pour équiper et assurer le fonctionnement des collectivités locales, on a, par contre, négligé la question fondamentale de la ressource humaine pluridisciplinaire et convenablement formée, si nécessaire à la gestion de nos villes. Ceci d'autant plus que le choix des élus relève plus d'un clientélisme partisan, que de la mise en place de critères rigoureux déterminants dans le plébiscite du gestionnaire le mieux indiqué, pour l'accomplissement d'une telle mission ! C'est là aussi, un autre effet collatéral de la marginalisation et de l'éclipse de l'élite, qui aurait pu apporter son concours et son regard critique au sein d'un « conseil citoyen de la ville », tout au moins consultatif, d'observation de la cohérence dans le fonctionnement de la cité dans les principes du vivre-ensemble. Hélas, il y a de cela plus de trois décennies, que le projet plein d'espoir de «covilles», qui faisait référence à cette question majeure, fût abandonné, à défaut de suite dans les idées et de continuité dans les actions d'aménagement du territoire, jamais considérées avec le plus grand sérieux ! Mais c'est quoi, et pourquoi cet abandon dont on mesure aujourd'hui les conséquences désastreuses qu'il a induites à travers toutes nos cités ? Et pourtant, tout cela a été déjà dit et abordé dans mon article : « Ce que la ville doit à l'esprit et à la raison », il y a de cela près de 9 ans (Cf. «Le Quotidien d'Oran» du 6 juillet 2013). J'avais aussi, en prévision de cette grande manifestation sportive de 2022, mobilisant la jeunesse et l'élite sportive de tout le bassin méditerranéen, attiré l'attention des Collectivités locales par la publication de deux autres articles: « Émergence de la métropole oranaise dans sa relation à son arrière-pays » et « Les défis des Jeux méditerranéens » parus dans « Le Quotidien d'Oran » respectivement, le 24 juillet 2014 et le 3 octobre 2015. Oui ! Dans nos villes sous-administrées, les trottoirs sont devenus des espaces où s'étalent tous les produits hétéroclites y compris le fourrage et le charbon de bois à l'occasion de la fête de l'Aïd el Adha, ainsi que la coutellerie bas de gamme et les produits pyrotechniques de tous les dangers, importés et surpayés en devises par une « faune » de trabendistes, peu soucieux pour la plupart, de l'intérêt du pays. Est-ce là, une manière de nous perpétuer d'une génération à une autre, dans ce qu'appelait en son temps Platon, le « projet d'immortalité », en faisant allusion aux œuvres immortelles des artistes? Qui se soucie de l'image du pays ! Qui s'en inquiète vraiment ! Ainsi va la vie dans nos villes et villages ! Mais jusqu'à quand ? L'objet de mon propos est de dire et redire encore une fois, à ceux qui bouchent leurs oreilles pour point entendre le langage du cœur et la logique de la raison, que la voie du tout social, du laxisme et du populisme suicidaire, n'est certainement pas le meilleur choix dans la mesure où la question qui nous interpelle aujourd'hui, est de savoir s'il faut continuer à considérer nos villes, comme seuls centres d'accueil des populations de leurs arrières-pays, ou comme centres émergents, dans le concert des villes maghrébines, méditerranéennes et africaines ? Oui, il faut finir par s'en convaincre, Messieurs les gouvernants, que le défi de l'heure qui sied le mieux à cette Algérie de tous nos espoirs brisés et jusque-là non totalement assouvis, a pour corollaire le dynamisme de la ville, sa qualité urbaine et ses repères d'excellence dans les secteurs du tertiaire, des télécommunications, de la technologie, du transport, du management, de la culture, des loisirs et de l'environnement. Et pour l'immédiat, nous sommes tenus de faire en sorte, tous unis comme doit l'être une famille (gouvernants et gouvernés), que la 19ème édition des Jeux méditerranéens, prévue à Oran du 25 juin au 25 juillet 2022, soit une réussite pour l'image de notre pays, comme l'a signifié Monsieur le président de la République au Commissaire aux Jeux méditerranéens, venu lui rendre compte sur l'état des préparatifs en cours. L'on nous dit que tout sera fin prêt le jour « J » pour ce qui concerne les infrastructures et équipements. Pas de soucis à se faire de ce côté-là, dès lors que depuis la visite de Monsieur le Premier ministre en date du 3 octobre 2021, des dispositions ont été prises pour la levée de toutes les contraintes et la pression est maintenue sur les entreprises de réalisation, afin que soient réceptionnés tous les projets dans les délais qui leur sont impartis. Gageons qu'à ce niveau, tout se passera plus ou moins bien ! Mais le plus inquiétant est que l'environnement de la ville va de plus en plus mal, Mme la ministre, M. le wali, Messieurs les présidents des Assemblées communales et de wilaya, puisque bien que le constat ait été fait depuis belle lurette, rien ne semble être réglé, à voir la prolifération des décharges sauvages jonchant les routes et même les trottoirs des principaux boulevards. La situation ne fait que se dégrader et empirer, même au niveau des autres localités chefs-lieux de communes et daïras. L'ensemble des quartiers d'Oran, jadis « El Bahia Wahrân » se dégradent de jour en jour et sont de plus en plus sales. Les rues, les artères et les façades des immeubles sont dans un état désastreux et repoussant. Et dire qu'on avait 9 années pour préparer cet heureux évènement. À voir la sinistrose qui règne au niveau des vieux quartiers de la capitale de l'Ouest, l'on s'aperçoit que rien n'a été fait de façon durable au plan de l'esthétique urbaine tout au moins, par les quatre walis que se sont succédé depuis. Pas besoin de bilans ! L'image de la ville est assez expressive, pour l'œil expert qui sait la décrypter et lire à partir de l'état de sa propreté et l'expression des visages tristes et fermés de ses résidentes et résidents ! Oui ! Il m'attriste de dire que la ville d'Ahmed Wahbi, d'Alloula, de Blaoui el Houari, de Hasni... et de tous ceux qui l'aiment et la chérissent, est plongée dans la saleté et le désordre intégral. Mon appréhension est que cela fait craindre une grande « H'chouma » dans les prochains mois avec le lancement des Jeux méditerranéens, si des mesures énergiques ne sont pas prises pour rétablir quelque peu, l'ordre des choses, pour ne pas avoir à cacher la ville et ses habitants à ses honorables visiteurs qui ne se priveront pas de photos et de vidéos, mais pas que pour mémoriser les belles choses... Alors, s'il vous plaît ! Faites un effort qui soit à la hauteur de cet évènement et de la grandeur de cette ville et de ce pays, l'Algérie accueillante qui l'abrite... *Professeur |
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