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Lamamra - Algérie-France: des relations en «phase ascendante»

par Mohamed Mehdi

A partir d'Addis-Abeba, où il représente le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, aux travaux du 35e sommet de l'Union africaine, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra, a accordé un entretien à RFI et France 24, dans lequel plusieurs questions concernant la situation en Afrique et les relations entre l'Algérie et la France ont été abordées. L'entretien a porté essentiellement sur la situation au Mali et dans la région du Sahel, mais également sur les relations bilatérales entre l'Algérie et la France.

Interrogé sur la position de l'Algérie concernant l'éventuel retrait militaire de la « France et de ses alliés » du Mali et de la région du Sahel, Lamamra estime que l'Algérie préfère que ce soit l'Union africaine qui apporte des « solutions africaines aux problèmes de l'Afrique».

Il a commencé par rappeler que l'Algérie a sa «propre perception des dynamiques en action du Sahel». «Nous sommes un pays sahélien, nous entendons battre le cœur des peuples de cette région, et nous entendons travailler d'arrache-pied à promouvoir des solutions pacifiques de nature à épargner des tragédies». «Je rappelle que c'est grâce aux efforts de l'Algérie que nous sommes arrivés à la signature, par les parties au conflit interne malien, de l'accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger comme son nom officiel l'indique», ajoute Lamamra.

Et d'insister: «l'Algérie croit résolument aux solutions diplomatiques, au dialogue, et pense que les intérêts bien compris, des uns et des autres, pour envisager l'avenir de la région d'une autre manière que conflictuelle», estimant que la «communauté internationale n'a aucun intérêt à être divisée, alors que les groupes terroristes et autres trafiquants en tous genres, eux, savent harmoniser leurs actions».

«Ce retrait ne vous inquiète pas ?», relance le journaliste de France 24. «Nous considérons que l'Union africaine devrait pouvoir disposer des moyens et faire preuve de la volonté politique nécessaire, pour apporter des solutions africaines aux problèmes de l'Afrique. A défaut, il est naturel que des solutions alternatives, comme celles qui ont prévalu jusqu'à présent, puissent avoir lieu, de sorte que les groupes terroristes ne fassent pas qu'une bouchée de ce grand pays (Mali, ndlr)».

Le chef de la diplomatie algérienne estime aussi « qu'il y a encore de l'espace pour la raison et pour des démarches qui puissent être respectueuses de la souveraineté nationale du Mali, comme il se doit, et également laisser place à la communauté internationale pour qu'elle assume ses responsabilités, sur la base de mandats du Conseil de sécurité de l'ONU et du Conseil de paix et de sécurité de l'UA. Il y a donc des solutions autres que les faits accomplis ».

Sur un « rôle militaire plus direct » de l'Algérie au nord du Mali, le MAE réaffirme que « l'Algérie assume déjà une part considérable dans la stabilisation de cette région et à une coopération militaire avec l'ensemble des pays sahéliens voisins ». « Nous avons des dispositifs considérables à la fois pour la protection de notre territoire, mais aussi pour veiller à ce qu'en aucune façon ces frontières poreuses ne soient utilisées dans un sens ou dans un autre », a-t-il ajouté à ce propos.

Une médiation entre le Mali et la CEDEAO

A une question sur la « présence » du «groupe de sécurité russe Wagner» au Mali, et l'inquiétude des Etats-Unis et de la France, Lamamra affirme que, selon les autorités maliennes, il s'agit d'un « accord avec le gouvernement russe » et c'est « ce que le gouvernement russe dit ». Mais, concernant « la présence de toutes les forces étrangères sur le continent africain », Ramtane Lamamra rappelle que la position algérienne « est doctrinale quelle que soit la nationalité » de ces forces. « Néanmoins, nous reconnaissons à chaque pays africain le choix d'organiser sa défense nationale de la manière qui lui semble la plus appropriée », a précisé le chef de la diplomatie. Sur l'interdiction de survol de l'Algérie par les avions français, Lamamra évoque une « mesure technique qui n'a pas vocation à durer éternellement», dans un moment où «des ponts de la coopération algéro-française sont en train de se remettre en place».

Par ailleurs, M. Lamamra a fait état d'une proposition de médiation de l'Algérie entre le Mali et la CEDEAO, soulignant que « tant que les efforts algériens seront en cours, cela aura un effet suspensif sur l'application des sanctions » de la CEDEAO. « Nous attendons que le gouvernement malien et les instances de la CEDEAO nous disent s'ils sont disposés à négocier », a-t-il précisé à ce sujet. Au sujet du sommet de l'UA, Ramtane Lamamra a rappelé l'opposition de l'Algérie au statut d'observateur accordé en juillet par cette instance à Israël, estimant que cette décision « prise sans consultations préalables met en péril la solidarité qui doit exister entre les nations africaines ».

«L'histoire doit être laissée aux historiens»

A propos des relations entre la France et l'Algérie, Lamamra considère qu'elles sont « dans une phase ascendante, et nous espérons que ça ira de mieux en mieux », a-t-il déclaré, assurant que les présidents des deux pays ont « une excellente relation personnelle », « cordiale et confiante ». Mais « cela ne suffit pas à masquer certains problèmes », a-t-il ajouté, en rappelant que la brouille d'octobre dernier était née de ce qu'Alger a perçu comme « des atteintes à la mémoire, à l'histoire et à la dignité de nos compatriotes ».

Par ailleurs, M. Lamamra « n'exclut rien », quant à une possible participation du président Abdelmadjid Tebboune à un sommet, prévu mi-février à Bruxelles, entre l'Union européenne et l'Union africaine, à l'invitation de la France. Sur les questions mémorielles, Lamamra considère que « l'histoire doit être laissée aux historiens » et que « l'appropriation par chacun des peuples de son histoire doit se faire sans acrimonie et sans accusations pas forcément avérées ».

Concernant le 60e anniversaire en mars des accords d'Evian, signés le 18 mars 1962, et un éventuel geste de Paris, le chef de la diplomatie a souhaité que l'Algérie puisse récupérer « des archives », « et même quelques crânes de héros de la résistance algérienne contre l'invasion française », dont « on se demande si c'est vraiment humain de les garder dans des musées », a-t-il déclaré.