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Relancée par la plainte du Maroc dans un procès en
diffamation contre des ONG et des médias français, dont l'examen a été ouvert,
mercredi 26 janvier, par la justice française, l'affaire Pegasus revient au
premier plan de l'actualité internationale. Comment le Maroc peut-il avoir
l'assurance et l'audace de gagner son procès en attaquant tout ce beau monde,
et réfuter globalement les preuves tangibles qui plaident en sa défaveur ? Le
plaignant ne rejette pas seulement le fait qu'il ait espionné un millier de
citoyens français, dont le président Macron et une bonne partie de la classe
politique, mais va plus loin encore, en niant toute possession et utilisation
du logiciel espion Pegasus, commercialisé par la société israélienne NSO. Que
le show médiatique commence.
Presque assurée de l'innocence de leur client, en l'occurrence l'Etat du Maroc, la défense s'affiche sur les plateaux de télévision pour montrer que ces accusations d'espionnage ne visent qu'à déstabiliser le royaume, «en portant atteinte à son image, à son honneur et à sa réputation ». Rien que ça. Si on suit bien ce raisonnement, le consortium d'investigation Forbidden Stories, l'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International et plusieurs organes de presse (Radio France, Le Monde, L'Humanité et le site Mediapart), les principales parties mises en accusation dans ce procès se sont liguées ensemble pour déstabiliser le Maroc, en dénonçant cette vaste opération d'espionnage. Mais, on n'explique pas dans quel intérêt ont-ils agi ? Font-ils figures d'opposants ou soutiennent-ils un quelconque mouvement d'opposition au Roi ? Malheureusement, on risque de ne jamais voir un débat dans le fond de l'affaire, car l'enquête ouverte par le parquet de Paris suite à des plaintes déposées par des parties victimes de ce logiciel espion, pour le compte du Maroc (qui le conteste), est toujours en cours, et peut prendre quelques années avant d'aboutir, si jamais la volonté politique s'y prête. Pas de débats dans le fond, donc, et probable classement de l'affaire dans ce procès en diffamation engagé par le Maroc, puisque le réquisitoire de la procureure a commencé par plaider l'irrecevabilité de plainte au nom de la loi française sur la liberté de la presse, qui n'accorde pas la qualité aux Etats d'intenter des procès en diffamation contre les journalistes et les médias. Les jeux sont-ils faits pour satisfaire le Maroc, lui permettant de se disculper et faire son show d'innocence, sans aller jusqu'à condamner des médias dans cette affaire, ou leur donner l'opportunité de dire plus encore sur ce dossier ? Presque la même stratégie adoptée par l'Etat français, qui a ménagé le Maroc et s'est directement attaqué à Israël pour régler radicalement le problème. En octobre dernier, le conseiller israélien à la sécurité s'est rendu à l'Élysée, où il a promis qu'à l'avenir, les numéros dont l'indicatif est «33» ne pourront plus être visés par le logiciel espion Pegasus. Le chapitre est, ainsi, clos entre pays amis. Pour les autres, cibles potentielles de ce logiciel espion ou d'autres logiciels 2.0, insondables, il s'agit de se prémunir contre cette forme d'espionnage moderne qui cache son origine dans l'insondable toile. |
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