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Si
l'annonce ces derniers jours de l'ouverture anticipée des archives judiciaires
en lien avec la guerre de libération nationale fait grand bruit médiatique en
France, en Algérie aucun emballement n'est perceptible. Officiels
et chercheurs en histoire gardent encore un silence prudent face à cette
ouverture inattendue, qui intervient dans un contexte tendu dans les relations
bilatérales entre les deux pays, et ce contrairement à une précédente décision
qui s'inscrit dans le même cadre, facilitant au mois de mars dernier l'accès
aux archives classifiées datant de plus de 50 ans, et donc sur l'histoire
encore sensible de la guerre de libération nationale, qui a été vue comme un
geste dans «la bonne direction» par les autorités et les médias.
Deux jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, le 11 décembre dernier, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, annonce l'ouverture «avec 15 ans d'avance» des archives, un geste destiné selon la ministre «à regarder la vérité en face», et elle pourrait constituer un facteur d'apaisement des relations entre Alger et Paris, considère-t-elle. Mais, a-t-on vraiment besoin de cette «bonne» attention des autorités françaises, maintenant et tout de suite, pour provoquer un rétablissement des relations diplomatiques, mises à mal par les propos du président français Emmanuel Macron, qui a déclaré qu'après son indépendance en 1962, l'Algérie s'est construite sur «une rente mémorielle», allant jusqu'à se demander s'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? L'apaisement des relations entre les deux pays, on y allait doucement mais sûrement, et sans avoir vraiment besoin de cette ouverture anticipée des archives judiciaires, notamment après les regrets exprimés par le président français, qui a qualifié par la suite cet épisode de «polémiques et malentendus» avec l'Algérie, et qu'il a «le plus grand respect pour la nation algérienne». L'accueil «réservé» fait à cette annonce en Algérie pourrait s'expliquer par le timing marqué par une campagne électorale précoce à quelques mois des élections présidentielles françaises, avec une résurgence anormale de thèmes liés à l'immigration et à l'Algérie, pratiquement sur les bouches de la majorité des candidats potentiels à cette élection. En habile tacticien politicien, le président sortant cherche-t-il à travers ce geste le soutien d'Alger lors de la prochaine élection présidentielle ou veut-il faire taire des adversaires politiques, de l'extrême droite notamment, qui lui en veulent pour son rapprochement avec Alger et sa politique migratoire, en révélant publiquement les atrocités, tortures et injustices, commises lors de la guerre de libération nationale par le biais de ces archives qui concernent toutes les enquêtes de police et de gendarmerie menées des deux côtés de la Méditerranée entre le début de la guerre en 1954 et jusqu'à 1966 ? A Alger, on admet qu'une remise sur rails des relations diplomatiques est inéluctable, mais on semble bien décidé à attendre le renouvellement de la confiance au président sortant pour un second mandat ou l'élection d'un nouveau président français, pour discuter profondément de l'avenir des relations entre les deux pays. |
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