Dix ans
après la chute du colonel Kadhafi, la Libye traverse la période la plus sombre
de son histoire. L'espoir de revenir à l'ordre constitutionnel, avec les
élections présidentielles prévues pour ce 24 décembre, s'est définitivement
évaporé. «Après avoir consulté les rapports techniques, judiciaires et
sécuritaires, nous vous informons de l'impossibilité de tenir l'élection à la
date du 24 décembre 2021 prévue par la loi électorale», a écrit le président de
la commission du Parlement libyen chargé du suivi de l'élection présidentielle,
Al-Hadi al-Sghayer, dans un rapport adressé au chef
du Parlement, Aguila Salah.
La Haute
commission électorale libyenne (HNEC) a, pour sa part, proposé hier de reporter
l'élection présidentielle au 24 janvier 2022. Alors que de nombreux
observateurs craignent une reprise des violences dans ce pays écartelé entre
clans rivaux et forces exogènes, biberonnés par des pays connus de tous, le
forcing diplomatique de l'Algérie pour une solution politique négociée en Libye
aura été aussi laborieux que vain, sans parler de l'instance onusienne,
supposée gérer la période de transition jusqu'au scrutin de ce samedi 24
décembre. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane
Lamamra, n'a eu de cesse de condamner les
interventions étrangères en Libye. «L'Algérie condamne fermement la poursuite
des ingérences étrangères sous toutes ses formes dans les affaires intérieures
libyennes, et réclame le retrait des forces étrangères et des mercenaires de ce
pays voisin», avait-t-il déclaré à l'occasion de la Conférence internationale
sur la Libye, tenue le 12 novembre à Paris, en France. L'Algérie, qui a
toujours appelé à des élections générales en Libye pour permettre l'unification
des institutions militaires et financières du pays et donc un retour à la paix,
se retrouve comme la première «victime collatérale» du processus politique
avorté, par la faute de forces étrangères qui portent une responsabilité
historique dans la destruction de ce pays, avec des conséquences non encore
mesurables en Afrique du Nord, dans le Sahel et toute la Méditerranée. Ce que
l'Algérie appelle des «mercenaires et forces étrangères» semblent s'accommoder
de la situation actuelle, espérant certainement pouvoir instrumentaliser à leur
profit les multiples conflits et déchirements internes libyens. Le bourbier du
voisin de l'Est ne peut donc que perdurer dans les mois à venir, jusqu'à
atteindre un état d'autosuffisance garanti par une économie de guerre, dans
laquelle les différents acteurs étrangers à la région se livreront une guerre
par procuration.