Le lait sera-t-il l'un des premiers produits touchés par la
levée de la subvention étatique ? La révision de l'aide sociale consacrée par
la loi de finances 2022 a été clarifiée par le président de la République, qui
a expliqué récemment, lors d'une rencontre périodique avec les médias, que le dossier
« doit passer par un débat national », soit qu'elle n'est pas encore à l'ordre
du jour malgré son approbation par les Parlementaires. Et, plus précis dans ce
contexte, il soulignera que « les mécanismes de cette révision ne sont pas
encore arrêtés, ni encore ses modalités, ses objectifs et les concernés ».
Mais, le lait est sur le feu avec ces nouvelles qui font état de difficultés
pour l'obtention des dérogations sanitaires d'importation (DSI) de poudre de
lait et la réduction de leur validité, qui passe de six à trois mois, à partir
de l'année prochaine. Des nouvelles qui ont, pour le moment, inquiété les
producteurs de lait et dérivés, ainsi que d'autres opérateurs économiques,
notamment les producteurs de boissons. Ces derniers préviennent d'une crise du
lait, qui va se raréfier et enregistrer une hausse imparable du prix. Quand on
sait que la plus importante subvention étatique est versée dans la poudre de
lait, il y a lieu de penser que les restrictions à l'importation qui vont
toucher cette matière sont l'équivalent d'une levée, aussi partielle soit-elle,
de la subvention en question (moins de poudre de lait signifie moins de
dépenses en aides sociales). Rien n'est encore sûr. Car, dans la même logique
de restriction d'importation de la poudre de lait, au mois de novembre 2018,
les producteurs concernés ont tiré la sonnette d'alarme au sujet d'une crise
dans la chaîne de production du lait et dérivés, ainsi que les boissons, suite
aux difficultés pour les transformateurs-industriels, d'obtenir les dérogations
sanitaires d'importation (DSI), comportant les quantités sollicitées, mais rien
de cela n'a effectivement eu lieu. Car la subvention étatique a été reversée
sur un autre chapitre, en soutien à la production locale du lait de vache.
C'était l'époque de l'importation des vaches laitières et le soutien aux jeunes
investisseurs dans le créneau de la collecte de lait de vache. L'idée était bonne de verser une partie de l'aide sociale aux
opérateurs locaux, mais cette option a été défigurée par des pratiques
malsaines, qui ont donné lieu à un détournement des devises (au lieu d'acheter
cent vaches laitières certains n'ont ramené qu'une dizaine en l'absence d'un
contrôle et suivi rigoureux), alors que les jeunes qui se sont investis dans la
collecte de lait de vache, avec le soutien de l'Ansej,
ont fait faillite et ont dû vendre leurs véhicules, face à des embûches
dressées là où ils passent.
L'Etat veut apparemment revenir à cette option du soutien à
la production locale du lait, à travers l'importation des vaches laitières, en
passant par une réduction de l'importation de la poudre de lait. Mais, peut-on
garantir le succès de cette opération, assez rapidement, pour que le marché ne
ressente aucune perturbation ? De toute façon, dans cette optique, le lait de
vache sera plus dominant sur le marché. Et, si aujourd'hui le consommateur est
obligé d'acheter deux sachets de lait subventionné (25 dinars) pour un sachet
de lait de vache (jusqu'à 70 dinars), demain il serait dans l'obligation
d'acheter un sachet de lait subventionné pour un sachet de lait de vache. Les
dérivés de lait, qui ne pourront plus bénéficier de la poudre de lait
subventionnée dans leur fabrication, seront forcément plus chers. En attendant
d'arriver au stade de la levée totale de la subvention étatique, et libérer les
prix du lait, ce qui pourrait inciter des producteurs étrangers à investir dans
la filière et créer une large concurrence.