Le cimetière est un endroit
censé être un lieu particulier de par sa nature et sa vocation, où se mêle
recueillement et émotions des vivants envers leurs proches ou amis qui y sont
enterrés. Les gens viennent pour prier pour le salut des défunts et se
remémorer les bons souvenirs des moments passés ensemble de leur vivant,
surtout lorsqu'il s'agit de proches parents ou de conjoints. Les visiteurs
espèrent trouver un lieu calme et plein de sérénité loin des tracas quotidiens
et de leurs aléas.
Mais au cimetière de la
ville d'Oran sis dans la localité d'Ain Beida, c'est tout le contraire. Dès la
porte d'entrée c'est tout un autre paysage qui agresse le visiteur. Ceux qui
viennent se recueillir, se croient plus dans une foire ou un marché que dans un
lieu de repos des morts. Des dizaines de mendiants « professionnels » tout âge
ou sexe confondus, interpellent les gens pour quémander quelques pièces de
monnaie ou des dons en nature comme du pain, du lait ou même des habits, le
tout dans un vacarme assourdissant. Ils sont partout et aux quatre coins du
cimetière. De part leur façon de mendier, certains
citoyen y voit du harcèlement. Leurs enfants, âgés d'à peine quelques années, suivent
et s'agrippent aux personnes pour ne lâcher prise qu'une fois quelques sous en
poche. Si quelques bienfaiteurs leur proposent des vêtements, ils font le tri
sur place et jettent ce qui ne leur plaît, pas à même le sol. Des fois, ils en
viennent aux mains avec des mendiants subsahariens (présents aussi sur les
lieux), quant il s'agit d'offrande alimentaire telle
que du couscous ou des gâteaux traditionnels. Les coups fusent de partout sans
oublier les invectives ou des mots vulgaires. Les visiteurs qui arpentent les
allées pour rejoindre le carré où est enterré leur proche ou l'ami sont
stupéfaits par les groupes de discussions parsemés à droite et à gauche avec
souvent des rires aux éclats comme si c'était une fête ou une rencontre de
grands débats. Nassim, venu se recueillir sur la tombe de son père dira : « on
ne peut même plus s'entendre prier pour nos proches tellement le vacarme est
assourdissants. C'est immoral de se comporter ainsi. Et c'est surtout les
vendredis que l'endroit devient un souk ». Pour el hadja Malika:
«je viens chaque vendredi quand ma santé me le permet pour me recueillir sur
les tombes des membres de ma famille. La situation se dégrade à chaque fois.
Ces individus n'ont aucun respect pour nos morts. Ils investissent le cimetière
pour se faire de l'argent c'est tout». Pour ami Lakhdar «il est nécessaire de
redonner à ce lieu sa sacralité. Qu'il redevienne un endroit de recueillement
et de prière pour le salut de l'âme des nos morts et
où se dissipent les peines des familles et des amis. Les gens ont besoin de
calme et de sérénité pour avoir la paix intérieure si nécessaire pour faire son
deuil et repartir dans la vie après le grand chagrin de la perte à jamais d'un
être cher». Beaucoup de personnes rencontrées sur place sont unanimes sur le
fait que le cimetière est devenu infréquentable les vendredis ou lors des fêtes
religieuses. Les autorités locales sont interpellées pour mettre un terme à ce
chaos hebdomadaire et rendre au cimetière sa vocation initiale. Les gens ne
demandent pas de chasser les mendiants, tout au contraire, ils veulent juste
avoir l'occasion d'être un peu tranquille lors des visites aux proches décédés.